La crise sanitaire n’a aucunement réduit leur activité. Les sages-femmes du Centre hospitalier de Cocody continuent de recevoir des dizaines de femmes enceintes par jour…
L’esplanade de l’imposant Centre hospitalier urbain (CHU) de Cocody a perdu de son beau monde ce jeudi 9 avril 2020. Depuis les mesures de sécurité sanitaires décidées par le gouvernement, le 16 mars dernier, sa fréquentation a baissé. Du moins par les gens ordinaires, notamment les petits commerçants déambulant. Mais l’ambiance est tout autre à l’intérieur du grand bâtiment, comme nous l’avons constaté ce jour. A l’intérieur, toutes les salles du complexe hospitalier grouillent de patients. Du service des hospitalisations au bloc des urgences (du 5ᵉ au 12ᵉ étage), on peut voir ici et là, enfants, femmes enceintes, femmes en cours d’accouchement ou en cours d’opération… « Nous enregistrons entre 35 et 50 accouchements par jour. Souvent, on atteint 60 naissances par jours », nous révèle D. B, l’une des sages-femmes, rencontrée au service de pédiatrie au 5ᵉ étage de l’immeuble. Blouse blanche, masque blanc et gantée des deux mains, la jeune femme nous consacre une demi-douzaine de minutes. Elle nous explique le poids de la charge sur la douzaine de sages-femmes de ce grand centre de santé. A cette heure (10 heures), couloirs et escaliers sont peu achalandés. Cependant, on peut y voir quelques agents contractuels et des parents de patients. Chacun est masqué. B. M, un vigile posté à l’entrée de l’immeuble, nous explique que les visites sont limitées pour les malades. Mesures barrières contre le coronavirus obligent. « Au plus, deux personnes sont autorisées à accompagner le patient », nous fait savoir l’agent de sécurité. B.M fait partie de ceux qui veillent au grain. « Personne n’entre sans avoir lavé les mains », fait-il savoir. Il témoigne également que les services de maternités sont les plus fréquentées.
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Débordées par les accouchements
Depuis la fermeture du CHU de Yopougon, pour motif de réhabilitation le 1er novembre dernier, la pression s’est accrue sur Cocody. Certains services comme celui du gynéco-obstétricale ont vu leur fréquentation tripler, selon notre interlocutrice. « Toutes patientes de Yopougon sont orientées ici. Certaines patientes de Treichville viennent également à Cocody. Bien qu’il leurs soit conseillé d’aller au CHU de Port-Bouet », révèle un cadre de l’administration. Les sages-femmes des centres fermées de Yopougon ont, certes, renforcé les équipes de celui de Cocody. Mais la pression reste forte sur ces agents de santé, en nombre insuffisant. Elles se relaient, nuit et jour, de 8 h à 18 h pour assurer le service. Un accouchement, ça peut arriver à tout moment.
Selon les données des Ressources humaines de la santé (RHS), la Côte d’Ivoire compte 995 sages-femmes pour 10 000 femmes en âge de procréer. Un chiffre largement en dessous de la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est de 3 000 sages-femmes pour 10 000 femmes en âge de procréer.
Exposées au coronavirus
La crise sanitaire mondiale du coronavirus n’a pas réduit leur activité. Bien au contraire. Louhan Chantal, membre du Syndicat des sages-femmes de Côte d’Ivoire, révèle qu’aucune mesure particulière n’est prise « pour l’heure » pour leur protection. « Les sages-femmes sont exposées à la contamination de ce virus, parce que le matériel mis à notre disposition ne nous protège pas suffisamment. Il nous faut assez de masques chirurgicaux et des combinaisons », révèle-t-elle. « Tout le monde le sait maintenant. La transmission du coronavirus est interhumaine, c’est-à-dire de personne à personne. La maladie se transmet par les voies respiratoires, par les postillons (éternuements, toux). Un contact étroit avec une personne malade. En salle d’accouchement, le contact est inévitable. On ne peut pas demander à une femme, pendant l’accouchement, de faire tel ou tel geste ou de se tenir à telle distance. Au contraire, c’est nous qui partons vers elle. Il est pratiquement impossible d’observer une distanciation », fait remarquer la syndicaliste.
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Déjà des cas de contamination ?
Le 8 avril dernier, lors d’une conférence de presse, le Syndicat des agents de santé de Côte d’Ivoire, attirait déjà l’attention du gouvernement sur « la non mise en quarantaine de plusieurs sages-femmes de l’hôpital général de Koumassi ». Ces femmes auraient été en contact avec un enfant testé positif, selon le Dr Didier Séka, porte-parole de ce syndicat. Le conférencier évoquait également des cas présumés au CHU d’Angré, où d’autres sages-femmes, ayant été en contact avec une patiente, étaient « laissées pour compte sans aucune prise en charge ». Déjà, fin mars, la secrétaire générale du Syndicat des sages-femmes dénonçait le manque d’équipement pour sa corporation dans la riposte contre la propagation du motel virus. Dans un post sur les réseaux sociaux, Kangouté Maïmouna invitait ses paires à prendre leurs précautions durant les diverses prestations.
Le gouvernement s’est, certes, engagé à leur donner les moyens nécessaires. Au CHU de Cocody, le ministère de la Santé et de l’hygiène publique a remis un lot de 50 masques chirurgicaux, des gants aux sages-femmes, le 7 avril. Un lot valable pour une semaine. Pour la douzaine de sages-femmes. « C’est très insuffisant », dénonce Chantal Louhan. « Nous avons besoin de suffisamment de masques, pour nous-mêmes et pour tous ces agents qui travaillent avec nous. Je parle des agents contractuels et filles de salle ».
Le gouvernement promet de renforcer leur dotation, comme celle de tous les agents de santé. Le 9 avril, jour même de notre randonnée au CHU de Cocody, l’OMS promettait un million de masques à 47 pays africains, dont la Côte d’Ivoire. Les sages-femmes et autres agents de santé attendent la réalisation de cette promesse. Mais en attendant, les 4 500 sages-femmes de Côte d’Ivoire doivent se débrouiller face aux milliers de patientes qu’elles reçoivent chaque jour. Au CHU de Cocody, comme dans tous les centres de santé du pays, ces femmes en blouse poursuivent leur sacerdoce. Et, en dépit de l’insuffisance du matériel, elles s’activent… pour se protéger, protéger patientes et nouveau-nés. Mais aussi le personnel contractuel qui se bat à leurs côtés, nettoyant jour et nuit, sang, eaux usées et autres saletés générées par « ces matrones ». « Nous avons prêté serment pour ce travail. Et nous n’allons pas faillir à notre mission. Nous espérons que les autorités nous entendent et nous donnent les moyens pour travailler », plaide D.B, notre hôte du très fréquenté CHU de Cocody.
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OTBO