La Côte d’Ivoire fait face à un déficit temporaire d’électricité d’environ 200 mégawatts, suite à une baisse de la production hydroélectrique. Cette situation qui a emmené la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) à la mise en place d’un programme de rationnement depuis le 10 mai dernier, devient difficilement supportable pour les artisans.

Rose se tourne les pouces ce 1er juin 2021. A cette heure de la journée (10 h 30), elle ne sait que faire dans ce salon de beauté sis à Adjamé-Bracodi. Elle a plutôt les yeux rivés sur son smartphone, consultant ses notifications sur les réseaux sociaux. « Nous sommes sans électricité depuis six heures du matin. Je suis là depuis 8 heures. J’ai fait le ménage et maintenant c’est l’ennui. Sans électricité, c’est difficile de travailler. Les clients viennent à peine à cause de la chaleur. On ne peut rien faire. J’espère que l’électricité viendra dans peu de temps », lance la jeune dame, mine renfrognée. 

A quelques pas de là, Romain prend de l’air. Il observe les passants sur un banc, à l’entrée de son atelier de couture. Sa mine est grave. Il est agacé par la situation. « Avant, il n’était pas facile d’honorer les rendez-vous des clients. Mais les coupures d’électricité qui surviennent à tout moment sont venus aggraver la situation. C’est embêtant de se rendre au travail sans pouvoir évacuer nos tâches. Mon objectif aujourd’hui était d’achever la robe d’une cliente qui a un événement dans deux jours et voilà qu’il n’y a pas d’électricité. Je ne sais quoi faire puisqu’elle avait déjà averti », se plaint le jeune couturier.

Depuis deux mois, la Côte d’Ivoire est confrontée à des coupures d’électricité dues à un déficit d’environ 200 mégawatts. Face à cette situation, la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) a mis en place un programme de délestage pour les ménages, qui a démarré mi-mai.  Mais cette mesure est jugée insuffisantes par les artisans qui commence à s’en lasser.

Le Syndicat national des professionnels de la coiffure de Côte d’Ivoire (SNPCCI) s’en inquiète. Son président, Serges Sambrin évoque plutôt un impact financier important causé par cette baisse de la production hydroélectrique. « La concurrence est déjà rude. Avoir de la clientèle en journée est un combat. Si les coupures d’électricité s’y ajoutent, ça devient pénible. Nos activités sont freinées. Nous sommes des responsables de famille et de mini-entreprises. Comment allons-nous faire face à nos charges ? sans oublier les taxes qui s’accumulent », s’interroge celui qui a son atelier de coiffure à Adjamé Saint-Michel.  

« Toutes les petites et moyennes entreprises incapables de s’offrir un groupe électrogène ne peuvent avancer dans leurs activités. Les salons de coiffure sont dans ce lot. Nos revenus sont en chute libre », fait remarquer Serges Sambrin qui envisage saisir la chambre de commerce sur ce ‘‘ sinistre’’.

 Au-delà des coupures d’électricité, les artisans regrettent le non-respect du programme de rationnement mis en place par la CIE. Pour la présidente du Syndicat national patronal des couturiers, des tailleurs, des stylistes et des modélistes de Côte d’Ivoire (Synapctt-CI), cette situation aggrave la précarité de ses milliers de membres.

Selon Miss Kouadio épouse Zékré, après la Covid-19 qui avait déjà déstabilisé le secteur, la crise énergétique est en train de ‘‘rendre plus pauvres’’ les artisans. « Le programme établi n’est pas respecté », dénonce Miss Kouadio qui invite la CIE au strict respect de ce programme de rationnement.

« A cette allure nous allons retourner à la machine manuelle utilisée autrefois. Nous perdons de gros marchés. Pour le respect de nos engagements, nous faisons des heures supplémentaires au travail. Le programme de rationnement n’est pas respecté et nous perdons parfois des journées de travail. Cela crée des conflits avec les clients. La Covid-19 a secoué nos revenus. Et alors que nous ne sommes pas encore relevés, une crise d’électricité nous accable. Si une solution n’est pas trouvée, le secteur informel fera faillite », prévient la présidente des couturiers et stylistes de Côte d’Ivoire.

Pour rappel, en 2019, la Côte d’Ivoire, qui connaît une forte embellie économique depuis huit ans, a produit plus de 2 229 mégawatts d’électricité, selon des chiffres du ministère de l’Energie, et a exporté en 2020 11% de sa production d’électricité vers six pays voisins – le Ghana, le Togo, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Liberia.

Audrey Assi (Stagiaire)

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