De plus en plus à Abidjan, on constate l’effondrement d’immeubles en construction parfois, ou habités, mettant ainsi en danger la vie des populations. Sur deux cas recensés dans ce mois de mars, celui qui retient l’attention est l’immeuble R+4 qui s’est effondré le vendredi 12 mars 2021, faisait état de plusieurs pertes en vie humaines notamment 13 personnes décédées dont 7 enfants…

L’enceinte de la morgue du CHU d’Angré (comme de Cocody), grouille du monde ce 15 mars 2021. Soit 3 jours après l’effondrement de l’immeuble R+4 en construction à la Rivera Anono. Quartier de cette même commune.  A ce jour, le bilan fait état de 10 morts. « C’est ici que les corps ont été conduits. Nous  sommes à ce jour à 10 morts. Les enfants sont carrément méconnaissables, complètement déformés. Mais les grandes personnes c’est nettement mieux. Il n’y a qu’un corps qui a la tête aplatie. Mais nous ferons de notre possible pour réparer tout cela en les traitant », fait savoir, un morguier qui a requis l’anonymat.

Il est exactement 15 heures. Plusieurs personnes forment de petits groupes dans ledit établissement. L’atmosphère est lourde et difficile, mais certains échangent entre eux.  « Nous avons été appelés pour rencontrer le médecin légiste, mais là personne n’a encore été reçu. Nous sommes éveillées depuis ce drame, espérons que les choses aillent vites pour qu’on puisse se reposer un peu », glisse une dame qui ne manque pas de jeter un coup d’œil à sa montre.

D’autres par contre semblent anxieux, et plutôt froids.  « Les grandes douleurs sont muettes. Ce monsieur a perdu deux filles dans cette histoire. Il est vraiment terrassé et parle à peine », dévoile Brigitte M, proche de 4 victimes dont deux morts et deux blessés.

Ce jour-là, poursuit-elle « il y a eu beaucoup de dégâts. J’avais 4 frères à l’intérieur. Mon aîné, ainsi que 2 cousins travaillaient sur le chantier. Le 4ème, un gendarme, était de passage et a décidé de leur faire un coucou. Lui et mon ainé étaient assis en dessous de l’immeuble et partageaient un plat. C’est ainsi que l’immeuble s’est écroulé. Et les deux sont décédés. Les deux autres étaient là-haut du coup ils sont blessés. J’ai été appelée de toute urgence vers 14 heures avant de me rendre sur les lieux», témoigne-t-elle, les yeux pleins de larmes. 

9 jours après cet évènement malheureux, à Bonoumin, toujours dans la commune de Cocody, des riverains observaient à nouveau l’effondrement de la façade d’un immeuble R+3 habité.

« Les citoyens qui vivent dans des immeubles courent un grave danger. On ne sait jamais quand est-ce  qu’un drame pareil peut survenir à nouveau. Ça fait peur. Espérons que le ministère prendra des mesures pour la sécurité de la population », indique Clémence D, résidente de l’immeuble de Bonoumin.

La Côte d’Ivoire enregistre plusieurs cas d’immeubles effondrés ces dernières années outre ces deux récents cas, ainsi que d’importants dégâts.  Il s’agit notamment de « 3 blessés graves à Abobo le 28 février 2021, 3 morts et plusieurs blessés suite à l’effondrement d’un R+3 à Abobo Baoulé en novembre 2020, 3 décès dont un bébé à la cité verte de Yopougon suite à l’effondrement d’un R+4 en octobre 2020,  d’un mort et de plusieurs blessés à Abatta en avril 2020,  de 10 morts et 19 blessés à Yamoussokro suite à l’effondrement d’un R+4 en juin 2018, de 8 morts et une dizaine de blessés à Attécoubé en novembre 2014… »

« Les dosages recommandés pour les constructions ne sont pas respectées »

Les experts sont unanimes. Si ces effondrements sont récurrents, c’est bien parce que « les dosages recommandés pour les constructions ne sont pas respectées ». « Il y a de la tricherie. Les constructions anciennes restent les meilleures, car les dosages étaient respectés à la lettre. On peut utiliser n’importe quel ciment, mais il faut respecter le dosage. Certains maçons utilisent  un paquet de ciment et 20 brouettes de sables par exemple. D’autres ne prennent pas les briques pleines pour la fondation.  Il y a des dosages à respectées en fonction de l’immeuble. Pourtant si la fondation n’est pas respectée, on va assister malheureusement à ce qu’on voit aujourd’hui », fait remarquer Mme Kouassi Lucie, Entrepreneure en bâtiments.  

« Les matériaux utilisés notamment le sable, le gravier, le ciment, le fer à béton, ne sont pas toujours conformes aux normes »

M. Kouassi Amedée, Directeur général du Laboratoire du Bâtiment et des travaux publics, qui a réagi sur les ententes de la télévision nationale a ajouté : « Les matériaux utilisés notamment le sable, le gravier, le ciment, le fer à béton, ne sont pas toujours conformes aux normes qui existent. Aussi, lorsque l’entreprise en charge des constructions n’a pas les compétences nécessaires les constructions ne tiendront pas », a-t-il fait remarquer.

Pour éviter des drames à nouveaux. Dame Kouassi conseil, « il faut avoir recours à des professionnels. Des ingénieurs en bâtiments, et techniciens supérieurs. Ils savent comment s’y prendre », conseille-t-elle.  

Face à tout ceci, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) n’est pas resté muet. Il a récemment produit et publié un communiqué le 22 mars 2021, dans lequel il réaffirme son engagement à saisir tous cas de violations et d’atteintes aux droits de l’homme. « Le Cndh interpelle l’opinion nationale sur la persistance des actes d’incivisme dans le milieu de la construction immobilière, notamment au respect des normes de constructions et de sécurité », lit-on dans le communiqué.

Il a toutefois déploré « le mutisme des services techniques des administrations en charge du contrôle et du respect des normes de construction, laissant parfois poursuivre des travaux sur des chantiers immobiliers présentant des risques de sécurité », avant de recommander « aux autorités compétentes le renforcement des dispositifs opérationnels des contrôles et de la répression des actes  d’incivisme dans le domaine de la construction immobilière à l’effet de préserver des vies humaines ».

Appelez le 1378

Après plusieurs visites terrains et communications du ministre de la Construction, du logement et de l’urbanisme, Bruno Nabagné Koné, une politique de lutte contre les constructions anarchiques vient d’être mise en place. Car le ministre l’avait précisé lorsque l’immeuble d’Anono s’était écroulé, « le bâtiment ne disposait pas de permis de construire et le ministère avait ordonné un arrêt des travaux depuis le 5 janvier 2021 ». Une politique qui invite les populations à s’impliquer de plus en plus pour un système de contrôle efficace sur toute l’étendue du territoire.

 « Aidez-nous à lutter contre les constructions anarchiques en nous contactant au numéro vert 1378, ainsi qu’aux adresses mails « centredappelmclu@construction.gouv.ci et requetesmclu@gmail.com », a publié le ministre sur sa page officielle Facebook il y a 4  jours.

Action gouvernementale

Le gouvernement a quant à lui annoncé l’arrêt et la démolition systématique des constructions illégales dès leur initiation, l’obligation pour tout maître d’ouvrage de souscrire à une assurance contre les défauts de construction avant la mise en exploitation d’un bâtiment, la délivrance préalable du certificat de conformité avant tout raccordement aux circuits de distribution de l’eau et de l’électricité, le renforcement des procédures d’homologation des cabinets de contrôle et de certification des matériaux de construction. Ce, via un communiqué du 24 mars 2021.

Marina Kouakou

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