La région du Gôh, à l’instar d’autres localités du pays, est une zone de forte production du cacao. Dans cette région, il existe une pléthore de coopératives qui ont été passées au scanner, à travers une étude diagnostique menée par le conseil café cacao, en vue de s’assurer de la fiabilité de ces coopératives-là. Il en ressort que sur 240 sociétés coopératives identifiées dans le département de Gagnoa, 171 sont de véritables coopératives de base contre 69 qui représentent des pisteurs mués en associations coopératives. Au chapitre de la collecte des fèves de cacao, 49% du volume du cacao est collecté par les sociétés coopératives. Contre 51% du volume collecté par les pisteurs. « Pour qu’une société coopérative soit performante, il faut qu’elle collecte plus de 1200 tonnes de cacao. Ici, il n’y a que 28 sociétés coopératives qui ont un volume au-delà de 1200 tonnes. Les autres coopératives sont en dessous », a révélé, Mé Kouakou, coordonnateur des organisations professionnelles agricoles (OPA), au sein du conseil café cacao. Il met également le doigt sur un autre problème qui mine les coopératives. « La question de l’état financier et comptable des sociétés coopératives locales reste peu convaincante. Dans certaines coopératives, l’excédent est mal calculé ou pas déclaré. Il y a une absence de suivi des stocks », commente-t-il le rapport de l’étude diagnostique. La question essentielle, dit-il, c’est l’état financier, car, la plupart des sociétés coopératives n’ont pas de comptable. Dans un tel cas de figure, prévient-il, aucune banque n’acceptera d’injecter de l’argent dans ces coopératives qui ne présentent pas de garantie.
Professionnalisation
D’ailleurs, en Côte d’Ivoire, les banques ne veulent pas prendre de risques financiers. Faute de professionnalisme au sein des sociétés coopératives. « En tant qu’entreprises, les coopératives ont besoin de financement. Dans la filière café cacao, quand on parle de financement, ce sont plusieurs millions qu’il faudra décaisser des banques. Or la banque ne peut pas financer une entreprise qui n’est pas crédible, une entreprise qui ne présente pas de solvabilité », s’inquiète le coordonnateur des OPA. Un problème sur lequel le conseil café cacao et ses partenaires ont réfléchi pour trouver la solution à travers un programme de professionnalisation de la filière. Ce qui se traduit par un accompagnement des sociétés coopératives. Concrètement les structures coopératives ont reçu du matériel informatique. Suivi d’un atelier de formation sur le logiciel de gestion comptable, financière et de suivi des stocks. Une formation à l’issue de laquelle les coopératives répondront aux normes de la professionnalisation pour mettre toutes les chances de leurs côtés afin debénéficier du financement bancaire.
Réaction des cacaoculteurs
Pour les responsables des sociétés coopératives, le diagnostic posé par le conseil café cacao est juste.
« Les reproches que nous font les techniciens sont fondés. Nous reconnaissons que nos coopératives ont des insuffisances.
Il existe effectivement des coopératives qui fonctionnent de façon informelle », dénonce Didi Guissa Mathieu, vice-président du conseil d’administration de la Coordination nationale des mouvements agricoles de Côte d’Ivoire (Cnma CI ). Il fait remarquer que les organisations professionnelles agricoles exerçant sur toute
l’étendue du territoire national ont besoin d’un véritable soutien financier, afin de se rendre plus compétitives.
« Si les coopératives sont financées normalement par les banques, elles deviendront plus fortes », a déclaré Guissa. En amont, dira le vice-Pca, les structures
agricoles, ayant pris conscience de la conjoncture financière qui les guette, se sont mis ensemble pour sensibiliser les producteurs à changer de comportement pour mieux se porter. C’est pourquoi Guissa se
réjouit de la démarche du conseil café cacao.
« L’initiative prise par le conseil, qui consiste à outiller les coopératives à la professionnalisation est la bienvenue. Cela était un souci pour nous et nous ne savions comment y remédier. Nous restons convaincus que l’accompagnement des banques nous fera du bien », indique le PCA.
« On va vers une porte de sortie. Nous allons quitter le terrain de l’amateurisme pour aller vers le professionnalisme », se réjouit-il. Sa satisfaction est également partagée par un agent de l’une des coopératives phares de la ville. En absence de son patron l’agent accepte de nous parler sous le couvert de l’anonymat.
« Dans le travail, on cherche toujours à s’améliorer. On ne peut donc pas cracher dans la soupe si les banques, à travers le conseil café cacao veut aider les coopératives à se professionnaliser », déclare le travailleur agricole.
« Si les banques nous financent effectivement, cela aura une incidence heureuse sur nous les travailleurs. Nos conditions de vie vont s’améliorer », applaudit-il.
Sous un soleil de plomb, ses collègues de service et lui sont à la tâche. Les uns, ruisselant de sueur, remplissent les sacs de cacao pendant que les autres sont chargés de coudre les différents sacs puis de les stocker dans les magasins.
A l’entrée de cette coopérative des véhicules de type Kia attendent d’être déchargés de leurs contenus. Dans plusieurs coopératives, les mouvements sont identiques. Soit, on charge ou on décharge les camions de cacao.
« La traite du cacao se poursuit encore. Elle prendra fin dans le mois de mars. Puis s’ouvrira, en avril, la petite traite », nous informe Guissa. Il se fait le porte-voix des producteurs relativement au prix qui sera fixé lors de la petite traite. « Notre souhait est que le prix bord champ reste maintenu à 825f/kg », plaide-t-il.
Appui du conseil café cacao
« En développant ce logiciel qu’on met à votre disposition, c’est de vous accompagner à disposer d’état financier qui permettra aux banques de travailler sur le potentiel réel des sociétés coopératives. Ce qui permettra de créer un accès au crédit pour les producteurs. Sans la prise en compte des intérêts du producteur, il ne peut pas avoir d’économie durable du cacao », fait remarquer le responsable des OPA. Pour sa part, Kangouté Yaya, délégué du conseil café cacao de la région du Gôh, s’est réjoui du fait que les différents accompagnements dont bénéficient les sociétés coopératives boosteront celles-ci vers le label qualité. « En offrant ce matériel informatique et un logiciel de gestion comptable et de suivi de stock, le conseil café cacao entend contribuer à réduire l’un des risques souvent évoqués par les banquiers. Notamment la question liée aux états financiers et à la qualité de la gestion financière et comptable. Donc à leur bancabilité », a soutenu Kangouté, au terme de la cérémonie à laquelle ont pris part les sociétés coopératives venues des villes sœurs telles que Oumé et Sinfra.
Alain Doua (correspondant)