La maison devient un enfer parce qu’elles sont livrées à leurs bourreaux...

L’an dernier, le Groupe des organisations féminines pour l’égalité Hommes-Femmes (Gofehd) a enregistré 21 cas de viols sur mineurs en Côte d’Ivoire. La pratique est souvent l’œuvre de personnes insoupçonnées.

L’histoire donne froid au dos ! Les faits se déroulent à Abidjan, l’un de ces jours de l’année 2019. Grâce, (nom d’emprunt), vivra certainement sous l’emprise de ce traumatisme à vie.  A seulement 5 ans, la fillette a expérimenté le viol. Son père, une personnalité reconnue de la place, en est le principal auteur. « Il faisait des attouchements, les conclusions de la clinique rapportent qu’il y a eu pénétration. La petite fille a confié qu’il introduisait des objets dans son sexe », révèle Marie Nadège Attobra, assistante-programme à l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (Onef).  

L’affaire a été dévoilée depuis le mois de novembre 2019 à l’organisation humanitaire par la mère de Grâce, après plusieurs tentatives de plaintes restées sans suite. « On lui a alors montré nos locaux. Après avoir entendu la mère de la victime, nous avons d’abord procédé à la vérification des faits. Ensuite, nous avons pris l’affaire en main. Le dossier est en train d’être examiné. Il est allé en instruction », poursuit Mme Attobra.

Protecteurs-bourreaux 

L’auteur, père de trois enfants dont deux garçons, ne serait pas à sa première expérience. Des témoignages récoltés pendant les enquêtes démontrent qu’il le pratiquait également sur ses deux premiers enfants. Aujourd’hui, la mère en fuite avec la fillette, tente tant bien que mal de récupérer ses deux autres enfants.

Le phénomène de viol des enfants est un sujet presque tabou en Côte d’Ivoire. On en parle très peu, pourtant la pratique a bien court et est très souvent l’œuvre de ceux qui sont censé protéger les enfants.

Selon Rachel Gogoua, la présidente du Groupe des organisations féminines pour l’égalité Hommes-Femmes (Gofehf), 21 cas de viols sur mineurs en Côte d’Ivoire ont été enregistrés l’an dernier.

Cas déclarés en période de Covid-19

Le rapport de la Division des droits de l’homme de l’ex-Onuci de 2012 à 2015, avait enregistré 761 enfants victimes de viol dont 12 garçons. Une pratique à laquelle sont exposées de plus en plus les fillettes. Selon la juriste Elodie Odo, « trois cas de viols commis dont les procédures sont en cours, et 2 cas de viols sur mineures de 10 et 13 ans dont les auteurs viennent d’être déférés ont été récemment dénoncés ». Aujourd’hui la situation devrait s’empirer à cause notamment du coronavirus, selon la secrétaire du Réseau paix et sécurité pour les femmes de l’espace Cedeao section-Côte d’Ivoire, Mafélina Dosso. Bien qu’elle dénonce l’inexistence de chiffres officielles récentes. « La période de confinement due à la Covid-19 devient dangereuse pour les filles et les femmes.  La maison devient un enfer parce qu’elles sont livrées à leurs bourreaux qui ne sont pas généralement loin », fait-elle remarquer

Les structures de luttent contre ce phénomène s’en plaignent également. Plusieurs cas de viols sur mineures passent sous silence. Les gens mettent en avant les règlements à l’amiable et pour éviter d’être stigmatisés. Pourtant, leur rôle, consiste à orienter les victimes vers les structures sanitaires, avant de procéder à l’écoute et d’agir en fonction des désirs de celles-ci.

La loi à propos du viol des filles mineures

La Côte d’Ivoire s’est engagée à bâtir un Etat de droit dans lequel les droits de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine, la justice et la bonne gouvernance sont promus protégés et garantis, depuis la constitution du 8 novembre 2016. Pour se faire, tout acte de viol est qualifié de CRIME  depuis l’adoption du nouveau code pénal le 26 juin 2019. « Avant, le viol n’était pas défini. Il appartenait au juge de faire des appréciations des faits qui lui était présentés. Le viol était très souvent qualifié d’attentat à la pudeur », rappelle la juriste Elodie Odo.

 Selon l’article 403 et 4 du code pénal en vigueur, la peine admise aux auteurs de viol est comprise entre 05 ans et 10 ans, et de l’emprisonnement à vie lorsqu’il est commis sur mineur, sur une personne dont la vulnérabilité est due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience psychique ou physique ou à un état de grossesse apparente ou connue de l’auteur…

Quelles actions de l’Etat ?

La prise en charge des fillettes victimes de viol se fait via le programme de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG). 62 plateformes ont été mise en place sur l’étendue du territoire national par le ministre de la Femme, de la famille et de l’enfant afin que les cas soient dénoncés et prises en charge. Ces plateformes regroupent en leur sein des juristes, des médecins, des assistances sociales, des psychologues …

L’Etat a également procédé récemment à la réouverture du centre de prévention (PAVIOS), situé dans la commune d’Attécoubé. Un Centre de prévention et d’assistance aux victimes des violences sexuelles.

Un an après la plainte portée par la mère de la petite Grâce contre le bourreau de père, le dossier suit son cours avec satisfaction, selon l’assistante-programme à l’Onef. « Le dossier est en train d’être examiné. Il est allé en instruction », se félicite Marie Nadège Attobra.

Marina Kouakou

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