L’affaire fait grand bruit depuis près d’une semaine sur les réseaux sociaux et dans de nombreux foyers en Côte d’Ivoire. Le déguerpissement de l’un des sous-quartier de Koumassi, précisément Fanny, va certainement laisser une tâche d’huile sur le tableau reluisant de l’immense travail qu’abat Cissé Bacongo depuis son accession à la tête de la mairie de cette commune. Et pour cause, de nombreux observateurs, au-delà de tout, mettent en avant le timing et surtout le volet social et humain de cette opération de déguerpissement. La mairie a-t-elle informé les habitants de ce sous-quartier avant de lancer l’opération ? A-t-elle dédommagé les propriétaires terriens avant toutes actions ? En tout cas, ils estiment n’avoir pas été informé au préalable et n’ont reçu aucun sou. Qui dit vrai ? Une équipe de votre magazine Voix Voie De femme s’est rendue sur place pour en savoir un peu plus.
Raison officielle
Pour la mairie de Koumassi, cette opération de déguerpissement des populations des sous-quartiers Houphouët-Boigny 1 et 2 qui a démarré depuis le vendredi 12 novembre 2021, s’inscrit dans un programme d’assainissement, d’anticipation sur les inondations et de libération des exutoires et emprises du domaine public, entamé depuis 2019 d’une part, et d’autre part, de sécurisation de la commune à travers le démantèlement des fumoirs et autres nids de bandits. Dans son communiqué, l’autorité municipale précise que l’opération en cours ne concerne que Houphouët-Boigny 1 et 2, et que, ni elle, ni le ministère de la Construction, encore moins celui de l’Assainissement, n’entendent poursuivre cette opération au-delà de la zone concernée.
Or, au quartier Fanny, les populations que nous avons rencontrées rejettent cette information qui émane de la mairie. D’ailleurs, ils estiment que le maire Cissé Bacongo s’est adjugé seul le droit de les déguerpir de leurs terres sans les avertir au préalable et sans les dédommager.
Habitants en colère…dénoncent
Cette démolition des habitations du quartier Fanny continue de susciter de vives émotions non seulement dans l’opinion publique mais aussi au sein des populations déguerpis qui crient leur colère. Cette situation soulève, tout également, de nombreuses interrogations qui risquent de ne pas trouver des réponses idoines. Chaque partie accuse l’autre de mauvaise foi. Et pourtant !
Un employé de la mairie qui a requis l’anonymat crie à la mauvaise foi des habitants de ce quartier. « Ces populations ont reçu une mise en demeure depuis plus d’un an », indique-t-il, sûr de lui. Toutefois, quand nous avons demandé à voir ce document, notre interlocuteur nous ramène vers les archives. Peine perdue, ce document ne nous sera pas présenté. « Ce qui est sûr le document existe belle et bien dans nos archives », a-t-il répondu, un peu contrarié.
Pour le porte-parole des déguerpis, Pasteur Amani : « Personne n’a reçu une mise en demeure », informe-t-il avant de préciser que les victimes disposent de tous les documents attestant que le site leur appartient. Sauf que ces dits documents sont pour la plupart des attestations villageoises qui ne font pas d’eux les propriétaires définitifs de ces terrains.
« Cissé Bacongo veut nous déposséder de nos terrains pour les vendre à une société immobilière. Nous n’accepterons pas », lance Koné Madou, un habitant qui a vu sa maison détruite par les Caterpillar. « Ce n’est pas vrai de dire que les habitants n’ont pas été avertis. Je pense que de nombreuses personnes font de la mauvaise foi. Nous avons tous été avertis depuis longtemps. Beaucoup se sont permis de négliger cette information. Ils devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ceux qui ont pris leurs dispositions ont changé de quartier », nous informe Atcho Jean-Baptiste, un ex-habitant de ce quartier qui a pu se reloger dans un autre quartier.
Déshumanisées et désemparées…
Aux dires du Pasteur Amani, ce sont 230 logements qui ont été démolis, à l’aube du mardi 16 novembre 2021. « Nous avons été surpris très tôt le matin, par les machines accompagnées des agents de la mairie, de nombreux jeunes menaçants et des agents des forces de l’ordre », explique Nanan Akouba, veuve et habitante depuis plus de 23 ans. Fanny est devenu un champ de ruine. Un lieu où désormais, complaintes, plaintes, désespoir… cohabitent parfaitement sous les décombres des maisons, des taudis et où les populations désillusionnées, désemparées, déshumanisées, sans repères refusent de quitter plus de deux décennies, pour la plupart, de leur vie. « Nous ne savons pas où aller. Nous n’avons pas de moyens pour trouver un toit », désespère Traoré Arouna, chef de famille. Comme lui, de nombreuses familles croupissent encore sous des toits de fortunes à la merci de toutes sortes d’intempéries et d’agressions. Ces familles trouvées sur place ne savent plus à qui s’en remettent. Les uns en plus de perdre leur maison, ont perdu aussi leurs commerces. Le fruit de leurs investissements. Mêmes certains enfants n’iront certainement plus à l’école. Eux, dont l’établissement scolaire a été démoli… C’est à juste titre qu’elles (les populations) comptent sur les bonnes volontés pour trouver un toit où loger…
Entre temps, des inconnues s’attaqueraient de nuit aux œuvres de la mairie. Déguerpi il y a quelques semaines, l’espace ‘’chez Léon’’, a vu sa clôture être mise à sac. Pareil pour les magasins de la résidence Agoutis, selon M. Coulibaly, qui ont été détruits juste après la démolition des habitations de Fanny.
Djolou Chloé