« Notre maison a été démolie un 5h du matin sans avertissement. Tout le monde était à l’intérieur. On a entendu des bruits de machine de partout. Quand nous sortons, on constate que les maisons sont en train d’être détruites. J’étais mal en point. Comme si j’avais perdu un être cher. Au moins on a eu le temps de récupérer nos affaires avant notre tour. Ça été un coup très dur pour moi et ma famille, il a fallu du temps pour nous en remettre. » Ce témoignage est de Koffi Aya Marie, habitante du quartier Williamsville-Macaci dans la commune d’Adjamé. Comme elle, de nombreuses personnes subissent depuis quelques temps l’impact et les conséquences du déguerpissement qui a eu lieu dans certains quartiers d’Abidjan et qui a causé d’énormes préjudices aux habitants.
En effet, dans la perspective d’une meilleure maîtrise du développement des villes, le gouvernement et les collectivités territoriales ont déguerpi les occupants des domaines publics, des trottoirs, des habitations et des espaces illégalement occupés. D’Abobo à Koumassi en passant par Attiécoubé, Adjamé, Williamsville… ces mesures ont jeté dans le désarroi de nombreuses familles.
Impact économique et social
Ce phénomène de déguerpissement n’en finit pas d’engendrer des conséquences négatives sur la vie sociale et économique des populations. Aujourd’hui, plusieurs familles jetées à la rue ne savent plus à quel saint se vouer. Obligées de mendier pour survivre, les femmes écument les rues des quartiers pour avoir de quoi à nourrir leurs progénitures. Les plus courageuses vendent de petites choses aux abords des voies pour s’en sortir. Quant aux hommes, ils sont tiraillés entre les moyens pour se trouver un toit afin de caser leur famille et les moyens pour scolariser leurs enfants. Une vraie galère !
Dans cette situation, les plus faibles ont perdu tout espoir. Et même perdu la vie. C’est le cas de Fanta Camara, une jeune dame qui a piqué une crise et en est morte suite à la destruction de son magasin et sa maison à Koumassi-Fanny. Pour ses proches, Fanta Camara avait contracté un prêt (crédit) pour ouvrir son magasin. Elle n’a donc pas survécu à la destruction de son commerce y compris sa maison. Que dire de Férima Doukouré, jeune entreprenante, vivant, elle également dans la commune de Koumassi au quartier Fanny qui a été victime de ce phénomène de déguerpissement. « Ma petite entreprise a pris un gros coup. Mon magasin que j’ai bâti à la sueur de mon front, a été détruit sans préavis. Mon chéri était sur le lieu avant le déguerpissement et le propriétaire l’a rassuré que le magasin ne sera pas touché, il, a même insisté pour récupérer tous les articles de l’intérieur ainsi que les matériels au cas où. Le propriétaire a persisté que le magasin n’aura rien. Environ 10 à 15 min après la discussion, devant lui, le magasin a été saccagé. N’ayant pas été informé du déguerpissement, il demandait pardon pour qu’on lui laisse le temps de récupérer quelques affaires vues qu’il a été surpris, mais rien. C’est ainsi que moi je me suis rendue sur le lieu. A mon arrivée tout a été démoli pourtant je venais à peine de faire le stock des perruques de décembre et les vêtements, les marchandises sont arrivés la veille. Ça faisait 9 mois que je n’avais pas mis les pieds là-bas. Mais je payais chaque fin du mois. Alors que j’avais décidé de faire la réouverture de la boutique, tout a été détruit. Ce jour-là j’ai vu mon entreprise tombé à l’eau, sans défense », explique-t-elle, désemparée.
L’Etat a-t-il abandonné « ses enfants » ?
Pour toutes les victimes des derniers déguerpissements dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire, l’État n’aurait rien faire pour leur venir en aide dans cette situation sociale difficile. « Nous avons appelé les autorités à nous venir en aide en vain. Ni le gouvernement, ni nos dirigeants locaux ne nous ont aidé », se plaint Kouakou Douffou, habitant d’Abobo derrière rails, victime du déguerpissement des populations de la voie du métro d’Abidjan. Même son de cloche pour Clotoumou Mawa qui estime que l’État « aurait dû nous reloger ailleurs sur un autre site ». L’État a-t-il vraiment abandonné ses citoyens dans cette situation ? « Pas sûr ! », répond Alfred Aka, un enseignant qui pense que « les populations exagèrent parfois ». Selon lui, les déguerpis ont été indemnisés pour la plupart. Et surtout, ces derniers avaient été prévenus de leur déguerpissement. Qui dit vrai ?
En tout cas pour l’heure, on assiste à une montée du nombre de femmes mendiantes dans les quartiers d’Abidjan. Et cela montre l’ampleur du désastre social.
Marylise Beugré (stagiaire)