La direction régionale de l’éducation nationale et de
l’alphabétisation (Drena) du Gôh a dressé le bilan du premier trimestre scolaire. Aussi bien dans le primaire que le secondaire. Il en ressort que la moisson est maigre. Et cela dans presque toutes les disciplines enseignées dans nos établissements scolaires. Selon les statistiques issues d’un lycée de la région, dont nous tairons le nom, les résultats, à l’issue du premier trimestre, ne sont pas à la hauteur des espérances. Dans cet établissement les apprenants du premier cycle, c’est-à-dire les classes allant de la 6e à la 3e, ont obtenu comme moyenne générale 09,89/20 contre 10,28 pour les élèves du second cycle, regroupant les niveaux de 2e, 1e et terminal, toutes séries confondues. Des chiffres qui ont amené un spécialiste de l’éducation à réagir, sous le couvert de l’anonymat. «Généralement, le
premier trimestre est plus facile que les autres. Si à ce stade de la compétition on a de telles moyennes, qu’en sera-t-il lorsqu’on va avancer dans les trimestres. Puisqu’à ce niveau, les choses deviendront de plus en plus corsées ?», s’interroge notre interlocuteur.
« Mais il n’y a pas lieu de désespérer. Si les enfants prennent conscience de leurs lacunes, ils pourront s’améliorer », espère-t-il.
Parlant justement des lacunes, il s’avère qu’elles se
situent au niveau du français. Socle de tout apprentissage dans le milieu scolaire.
Diagnostic
« L’enfant n’apprend pas les mathématiques dans une langue qu’on appelle mathématique. Il apprend cette science à partir du français, la langue officielle. Par conséquent, s’il ne maîtrise pas la langue, il ne pourra rien comprendre de ce que lui enseigne son maître ou son professeur », diagnostique le spécialiste en éducation. Son point de vue est partagé par madame Amonkou Valentine, directrice générale de l’éducation et de l’alphabétisation. « À la fin du 1er trimestre, nous
avons fait le bilan.
Au niveau des chefs d’établissements, des inspecteurs d’enseignement primaire, des inspecteurs pédagogiques.
Nous nous sommes rendu compte que nos élèves n’ont pas la maîtrise de la langue française. Ce qui leur créé des difficultés dans l’apprentissage des autres disciplines. Le français est la base pour apprendre les autres disciplines», fait savoir la première responsable
de l’éducation dans la région du Gôh.
« Aujourd’hui, nous avons invité nos collaborateurs pour y réfléchir. On s’est posé la question de savoir qu’est-ce qu’on fait face à une telle situation ? », s’est
inquiétée la représentante de la ministre Mariétou Koné. Pour elle, la solution à cette préoccupation se trouve entre les mains des professeurs de français. Amonkou Valentine les a invités à une importante réunion. Après plusieurs heures de cogitation, des propositions ont été faites.
Augmentation du quantum horaire
« On retient qu’il faut ajouter une heure de cours de français en 6e/5e », a proposé Amonkou Valentine.
Ainsi, de 5h de cours de français par semaine dans ces deux classes, l’on passera à 6h.
Elle rassure les enseignants que cette revue à la hausse des heures de français ne s’étendra pas sur toute l’année scolaire. «Nous allons fonctionner de la sorte durant 3 mois afin de renforcer les acquis des
élèves», annonce-t-elle. Augmenter le quantum horaire n’est pas à contrario des instructions du ministère de l’éducation. « Ce que nous ne devrons pas faire, c’est de réduire le quantum horaire. S’il s’agit
d’ajouter 1h pour améliorer le niveau des enfants, cela n’est pas contraire à la vision de la tutelle», renseigne Amonkou. Mais quel sera le contenu des cours qui seront dispensés pendant cette heure supplémentaire ? À cette question, la directrice régionale répond que
l’antenne de la pédagogie et de la formation continue (Apfc), proposera aux enseignants, un module de mise à niveau des élèves . « A la fin de l’année, nous allons voir les enfants qui se sont améliorés. Puis nous allons récompenser leurs mérites », a promis la directrice régionale. Son idée de travailler à la bonification du niveau intellectuel des élèves va dans la droite ligne des aspirations des parents d’élèves. Notamment l’Association autonome des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Aapee-CI). Son président, Wahoué Dénis, ne cesse d’interpeller les autorités du pays sur la
dérive du système éducatif. Dans un manuscrit intitulé « Les parents d’élèves face à la faillite de l’école Ivoirienne, M. Wahoué analyse en profondeur les maux qui minent le système éducatif national. Pour lui, les responsabilités sont partagées.
Position des parents d’élèves
Tant au niveau de l’État, des enseignants, des parents d’élèves et des élèves eux-mêmes. « Lorsque le capital scolaire décline, cela interpelle tout observateur. En premier lieu, les associations des parents d’élèves dont la première fonction est de veiller à la prospérité de l’école», a consigné Wahoué Dénis dans son document
qu’il compte mettre à la disposition des décideurs en guise de contribution pour redorer le blason de l’école en Côte d’Ivoire. C’est donc à juste titre qu’il reste en phase avec les solutions de la Drena. La seconde solution retenue par la direction régionale est de ressusciter les clubs littéraires dans les lycées et collèges. Afin
de donner le goût de la lecture et de l’écriture aux élèves, qui, faut-il le reconnaître, s’éloignent de plus en plus des livres. Madame la Drena a donné des instructions fermes aux chefs d’établissements
pour la création ou la réouverture des bibliothèques au sein de leurs écoles. Dans la même veine, il est annoncé des concours littéraires inter établissements. «Les enfants compétiront en dictée, lecture, rédaction, expression orale etc», a détaillé la Drena, le contenu du
concours prévu pour bientôt dans toute la région dont elle a la charge. Espérant qu’avec toutes ces mesures, nous aurons dans nos établissements un nouveau type d’élèves qui maîtrisent au mieux la langue de Molière. Ce qui aura incontestablement un impact positif sur
leurs rendements scolaires.
Point de vue
Si pour la direction, la solution pour relever le niveau des élèves se trouve dans l’augmentation des heures de français, cela n’est pas de l’avis de cet enseignant. Koné Abdoulaye, professeur de français dans un lycée de la place pense que le problème des élèves est lié à la
méthode d’enseignement mise en pratique dans nos élèves. « On nous impose un système d’enseignement qui vient de l’occident et qui n’est pas adapté à nos réalités. Voilà pourquoi ça ne marche pas », explique
le professeur de lycée. « Le niveau a baissé depuis qu’on a abandonné la Pédagogie par objectif (PPO). Pourtant, elle a fait ses preuves. On nous a imposé d’abord l’Approche par compétence (APC). Voyant que
cette pédagogie ne donne pas de bon résultat, elle été remplacée par la Formation par compétence (FPC), qui est en vigueur en ce moment dans toutes les écoles du pays », énumère Koné, la liste les méthodes d’enseignement successives.
« Si on reste dans ce système, le niveau
va toujours continuer de baisser. Autant revenir à la PPO », propose-t-il. Du côté des apprenants, les résultats du premier trimestre ne sont pas bons, comme eux-mêmes le reconnaissent. « J’ai eu 9 de moyenne »,
fulmine Gnan Kabi Eloge en classe de 4 e. Il partage la même maison que son frère Kabi Serge en 3 e. Ce dernier est dans la même situation que son frère cadet. « Je n’ai pas eu ma moyenne », s’est-il contenté d’avouer sans toutefois préciser cette moyenne. Gêné par une honte certaine. Ces deux apprenants vivent ensemble dans une chambre que paye mensuellement leur père, qui lui, se trouve au campement, avec les autres membres de la famille. « On étudie chaque soir
ensemble. Au prochain trimestre on fera mieux », promettent-ils.
Alain Doua