L’arbre à caoutchouc, l’hévéa est l’une des cultures de rente les plus en vue en Côte d’Ivoire. Malheureusement, depuis un certain temps, les planteurs d’hévéa grincent des dents.
La Côte d’Ivoire compte jusqu’à 700 000 hectares de plantation d’hévéa. Depuis les années 2000, l’arbre à caoutchouc a fait l’objet d’investissement massif dans le pays. La forte demande mondiale a fait grimper le prix du kilogramme jusqu’à atteindre 1000 Fcfa en 2009. Du jamais vu dans la filière.
L’arrivée des investisseurs dans la filière a fait passer la production de 170 000 à un 1 300 000 tonnes en 2002. Plaçant le pays au rang de premier producteur d’hévéa en Afrique. Sur le plan international, la Côte d’Ivoire est le quatrième producteur mondial de caoutchouc naturel.
Cette période faste de la production de l’hévéa a vu la création de plusieurs plantations. De nouveaux planteurs ont investi dans l’hévéa.
Certains ont prospéré dans la culture de l’hévéa. Armand Aka de Bonoua a vu sa fortune grimper. « Aujourd’hui, l’odeur du latex est comme du parfum pour moi parce que ça me rapporte quelque chose », affirme-t-il, tout fier. Propriétaire de 80 hectares, Armand Aka a investi dans l’immobilier.
Mais la chute des cours mondiaux a fait passer le prix d’achat de 1000 Fcfa en 2009 à 296 Fcfa en avril 2023 en passant par 800 Fcfa, 500 Fcfa et 350 Fcfa au grand dam des planteurs.
La baisse drastique des prix d’achat a mis du plomb dans l’aile de la culture de l’hévéa. Bien que la fièvre du caoutchouc soit tombée, les productions, elles, n’ont pas baissé.
Les usines ont donc limité leurs achats de peur de se retrouver dans l’incapacité de tout exporter, contraignant les producteurs à brader leur production faute de la vendre au prix homologué par l’Association des professionnels du caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire (APROMAC). Cela a favorisé la naissance de points d’achat privé. Bien sûr que ceux-ci pratiquent des prix largement en dessous du prix fixé !
Le secteur est donc sinistré. Les planteurs d’hévéa n’arrivent plus à avoir de quoi subvenir à leurs besoins les livrant ainsi à une vie précaire pour ceux qui n’ont pas varié leur activité ou pour ceux qui n’ont pas de grandes plantations.
Pour monsieur Coulibaly, directeur de l’une des usines de la Société africaine de plantations d’hévéa (Saph), la chute des cours mondiaux est due à la crise sanitaire de 2019 et à la guerre en Ukraine. Pour lui, le malheur des planteurs viendrait de là.
Ce n’est pas pour autant qu’ils sont abandonnés. Le Conseil hévéa palmier à huile procède à plusieurs innovations pour redonner de la fraicheur aux planteurs d’hévéa.
Le directeur général du Conseil Hévéa Palmier Huile, Edmond Coulibaly, a indiqué qu’on peut associer hévéa et production vivrière. « Tout est une question de techniques culturales. Avant qu’une plantation d’hévéa ne produise, on peut y semer du maïs, du manioc ou de la banane. Tout cela contribue à la sécurité alimentaire », a-t-il rassuré. Ce conseil est pour relever le défi de la souveraineté alimentaire.
Mais le marché international est devenu exigeant. Depuis décembre dernier, les Européens exigent pour un certain nombre de produits entrant dans l’Union, dont le caoutchouc, de prouver qu’ils ne sont pas issus de forêts dégradées ou détruites après décembre 2020. Une disposition en cours d’adoption et qui, selon Edmond Coulibaly, ne correspond pas aux réalités de la culture de l’hévéa.
Face à cette réalité, une opération d’identification et de géolocalisation des planteurs en production a été lancée par l’APROMAC depuis 2019. Cette opération permet le traçage du caoutchouc. « A l’heure où les exigences de compétition sur le marché mondial deviennent de plus en plus rigoureuses en terme notamment de qualité de produits, il a paru opportun pour la filière Hévéa de Côte d’Ivoire de franchir un cap », a affirmé le président du conseil d’administration (PCA) de l’Association des professionnels du caoutchouc naturel de Côte d’Ivoire, Charles-Emmanuel Yacé. C’était le mardi 28 février dernier, lors de la journée dédiée à l’hévéa de Côte d’Ivoire, dans le cadre de la 59e édition du Salon international de l’agriculture de Paris (SIA 2023). C’était en présence du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani et de professionnels de la filière.
L’autre défi à relever et qui va soulager les planteurs est la transformation. « L’état offre actuellement des facilités fiscales aux investisseurs. C’est-à-dire des exonérations sur les équipements importés et des crédits d’impôts. Cette mesure a porté ses fruits puisque quinze nouvelles usines sont en cours de construction. Ce qui va nous permettre d’absorber l’essentiel de la production de fonds de tasse », a expliqué le directeur général du Conseil Hévéa Palmier Huile, Edmond Coulibaly.
En attendant que toutes ces mesures ne portent des fruits, les planteurs continuent de broyer du noir, car la baisse des prix a de graves conséquences sur la survie des exploitations agricoles.
Sékongo Naoua