Samedi 4 mars 2023. Une date noire pour les habitants de Zokolilié, un village situé à 12 km de Lakota. Ce jour-là, une tornade d’une rare violence s’est abattue sur le village. Occasionnant la destruction entière ou partielle de 344 habitations, édifices publics et lieu de culte. Quelques jours après ce drame, l’on se pose des questions. Comment cela a pu arriver et comment vivent les populations suite à ce malheur ?

Avec une population de 12 milles habitants, Zokolilié est un regroupement de 5 villages. Les villageois menaient tranquillement leur vie jusqu’à l’après-midi du 4 mars dernier où la nature imposa sa loi. « Il y a eu une forte pluie accompagnée d’un grand vent », a expliqué N’gou Yapi Jean Franck, directeur de l’EPP Zokolilié 2. « Le vent a emporté la toiture des deux écoles primaires du village et des logements des enseignants. La pluie a mouillé tous les dossiers des élèves. À l’EPP 1, 05 classes sont fortement touchées ainsi que le bureau du directeur. La cantine est également endommagée », a énuméré le premier responsable de cette école. 

Les conséquences de ces intempéries sont perceptibles dans tout le village. De gros arbres déracinés par-ci par-là. Des habitations qui ont vu leurs toitures décoiffées par le vent. Des matelas, des fauteuils, des vêtements exposés au sol… donnant au village l’allure d’un camp de réfugiés. « Sur 10 logements des maîtres, deux sont totalement décoiffés, les 08 autres sont partiellement atteints », ajoute le directeur, très affecté par la situation. « Nous sommes à la recherche de solutions. Les élèves sont obligés d’arrêter les cours parce que les classes n’existent plus », regrette l’enseignant. Gnépi Boga Noël, le chef du village, ne se souvient pas avoir assisté à une telle scène dans son village. « Depuis plus de 50 ans que ce village existe, c’est la première fois qu’un tel événement se produit », fait remarquer l’autorité coutumière. « C’est une situation plus qu’urgente, car il n’y a ni électricité ni eau depuis la catastrophe », ajoute-t-il. Informée, l’administration centrale s’est déplacée dans le village. 

 La visite du préfet et de Mme la ministre

Le corps préfectoral a fait le tour du village avant de se prononcer. « La situation est extrêmement grave. Nous avons fait le tour des bâtiments administratifs. Nous observons que presque personne n’a été épargné. Les dégâts sont énormes. Heureusement, on ne déplore aucune perte en vie humaine », a déclaré Binaté Lassina, préfet du département de Lakota. Puis de rassurer les victimes, « l’Etat est à vos côtés. Notre mission est de collecter l’information et la transmettre », précise-t-il. A la suite du préfet, c’est la ministre de la Solidarité et de la lutte contre la pauvreté, Myss Dogo Belmonde, qui s’est rendue sur les lieux du sinistre. C’était jeudi 9 Mars dernier. Le membre du gouvernement a foulé le sol de Zokolilié pour, dit-elle, livrer le message de compassion. Elle a promis faire un compte rendu détaillé de ce qu’elle a vu au président de la République. D’ici là, la ministre Belmonde a fait parler son cœur en offrant la somme de 02 millions de Fcfa au village pour la réhabilitation des écoles et des centres de santé impactés par le vent et la pluie. Concernant les logements des villageois devenus inhabitables, elle a demandé aux concernés un peu de patience. 

Elle a promis revenir dans le village avec le matériel nécessaire pour donner un nouveau visage aux maisons décoiffées. Auparavant, Dogo Belmonde était à Guibéroua. Là aussi, la forte pluie tombée sur la ville le lundi 6 mars a causé du tort aux populations. Le centre de formation artisanale, l’église catholique, des écoles primaires et des habitations ont été touchés. Une enveloppe de 4 millions a été remise aux autorités locales pour faire face à la situation. 

La débrouille

Mais en attendant la réaction du chef de l’Etat chaque victime tente de reprendre sa vie. C’est le cas de Papa Kpazoka Siméon, prédicateur de l’église Harriste de Zokolilié. Il rassemble les débris de bois et briques éparpillés partout dans la cour de l’église. Ses fidèles ne tarderont pas à le rejoindre pour mettre de l’ordre sur le site et envisager une éventuelle reconstruction. « Toute la toiture de mon église est partie. Pour le moment, on ne fait pas de culte », se désole l’homme de Dieu. Sa mésaventure n’est pas différente de celle de son collègue de l’église méthodiste. « Le vent a emporté toute la toiture. C’est pour nous l’occasion d’appeler à un élan de solidarité. Que tous ceux qui ont la possibilité de nous venir en aide se signalent », a plaidé Akré Pierre, révérend pasteur de l’église méthodiste. Il n’a pour l’instant aucune solution au problème, si ce n’est se confier au créateur.

D’autres villageois par contre, chacun selon ses moyens, réhabilite son toit. Un charpentier perché au-dessus d’une maison arrache les tôles endommagées pour les remplacer par de nouvelles. C’est le domicile d’un cadre du village, apprend-on. Par contre, d’autres ont fait le choix de déménager chez un parent non touché par le désastre. Il s’agit là d’un déménagement temporaire. Le temps que tout rentre dans l’ordre. Ceux qui ont eu leur toiture partiellement enlevée ont parqué leurs bagages dans la partie de la maison où se trouvent les tôles. S’il y a encore de la place, le coin sert en même temps de dortoir. Combien de temps pourront-ils vivre ainsi ? « Nous lançons un appel à tous les fils, filles et cadres de Zokolilié et de Lakota. Nous invitons toutes les bonnes volontés à nous aider à redonner un toit à nos parents sinistrés. A offrir la possibilité à nos enfants de reprendre le chemin de l’école, à réhabiliter les logements des maîtres et le centre de santé. C’est une question de solidarité que nous devons manifester à l’égard de tous », a dit, pour sa part, Dr Ehouma Tedjé, ex-député-maire de Lakota.

 Cause mystique ?

 L’an dernier, le village a obtenu 80% d’admis au concours d’entrée en 6e. Devant le flot d’élèves à accéder chaque année au secondaire, le village s’est engagé à construire un collège. Pour cela, une partie de la forêt a été dégagée par des bulldozers. Selon certaines rumeurs, le site prévu pour la construction de l’établissement secondaire était le foyer des esprits protecteurs du village. Il semble que le fait de les déloger n’a pas été du goût des locataires. En réaction, ils ont exprimé leur mécontentement à travers cette tornade. Les tenants de cette thèse en veulent pour preuve le fait que la tornade n’a fait aucun blessé ni de morts. Parce que, disent-ils, les génies respectent l’intégrité physique des humains. « Faux », rétorquent d’autres villageois. Pour ces derniers, l’hypothèse des génies en colère est à écarter parce que Zokolilié n’est pas le seul village à être touché par la tornade. « Ce n’est pas une cause mystique, c’est une catastrophe naturelle qui est arrivée. Nous avons souvent des vents violents dans ce village qui emportent parfois des toitures. Mais cette fois-ci, le vent a fait plus de dégâts, c’est tout. Les villages voisins tels que Kodjéri, Zozo, Gbahéri et autres ont été aussi touchés. Doit-on dire aussi que là-bas, la forêt sacrée a été profanée ? », réfute Zoko Djama Arthur. Des jeunes du village trouvent à cette tornade, une explication scientifique, liée au changement climatique. Ils expliquent que pour des besoins agricoles, l’on a abattu à grande échelle les arbres. Si bien que quand un grand vent arrive, rien ne peut freiner sa vitesse. Comme quoi, chacun y va de ses commentaires selon ses croyances et sa culture pour expliquer l’origine de cette tornade dévastatrice.

Alain Doua 

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