En Côte d’Ivoire, des efforts ont été déployés par les pouvoirs publics pour intégrer les personnes en situation de handicap. Mais elles éprouvent encore des peines quotidiennes pour le transport public.
Ce début d’après-midi du 22 décembre 2020, le soleil est au zénith. Nous sommes sur le boulevard Latrille d’Abidjan-Cocody, à bord d’un bus 81, en partance pour Adjamé. De son point de départ, au terminus d’Angré où nous avons embarqués, toutes les places assises étaient occupées. Mais le mastodonte pouvait encore ramasser des dizaines d’autres passagers sur son passage. Au niveau du carrefour Les Oscars, le long véhicule s’immobilise puis déclenche l’ouverture des deux grandes portes à cet arrêt. L’engin est spontanément assailli par une foule… On se bouscule ; on se marche dessus pour monter à bord. Derrière la foule mouvementée, un homme, handicapé moteur, assiste à la scène. Appuyé sur ses béquilles, il se résigne à monter à bord du bus. Pourtant à l’approche du long véhicule, il avait tenté l’expédition…
La SOTRA a pourtant prévu des places pour ces personnes à mobilité réduite. A l’intérieur des bus, une signalisation indique les places réservées aux personnes handicapées. Mais très peu de passagers s’intéressent à ces consignes. Notre voisin, qui avait pris place sur l’un de ces sièges paraissait étonné de savoir qu’il y avait des places réservées aux personnes handicapées. « Je n’ai jamais su que ces places étaient réservées aux personnes handicapées », nous a-t-il répondu quand nous avons attiré son attention sur le message du signe. « Et même si je le savais, se défend-il, comment voulez-vous qu’on laisse ces places vides alors qu’il n’y a pas d’handicapé dans le bus ».
En Côte d’Ivoire, l’accès au transport public est l’un des défis auxquels sont confrontées les personnes handicapées. La présidente de la Fédération des associations des femmes en situation de handicap en Côte d’Ivoire, Cécile Konan estime que ce problème est une question de survie, un véritable manque à gagner pour ces personnes vulnérables. « Dans une entreprise, la personne handicapée a le même salaire qu’une personne valide. Pourtant, la personne handicapée dépense plus que la personne ordinaire dans la vie courante. Notamment dans le transport. Alors que la personne ordinaire prend tranquillement et facilement son bus pour se rendre au travail, la personne handicapée doit faire plus d’effort pour arriver au travail. Nous ne bénéficions pas des facilités du transport », explique Cécile Konan. Pour elle, les moyens de transport interurbain à savoir les minicars communément appelés Gbaka, taxi appelé Woro woro, qui coûtent plutôt moins chers ne sont pas facilement accessibles aux handicapées. Plus particulièrement durant les heures de pointe où il faut lutter pour y avoir accès.
« J’emprunte rarement le bus. Quand j’ai les moyens, je préfère prendre un taxi compteur. Cela coûte dix ou 20 fois plus cher que le bus. Mais nous n’avons pas le choix », témoigne Mathieu, handicapé sensoriel que nous avons rencontrée à la garde Nord d’Adjamé, ce 22 décembre. « Ici, j’ai des chances de pouvoir monter dans le bus parce que nous sommes à la gare. Et là les rangs sont respectés. On peut bien emprunter le bus. Mais pour les places qui nous sont supposées réservées, le respect de ce droit dépend de ceux que vous trouvez devant vous », poursuivit cet homme qui dit travailler dans l’administration judiciaire.
« Très souvent quand on réussit à monter dans un bus, personne ne nous cède la place. Ils font comme s’ils ne nous voient pas. Il s’agit généralement des jeunes élèves », raconte Mathieu.
C’est avec regret que la Sotra constate le non-respect de ces mesures prises pour les usagers dans leurs véhicules à vocation sociale. Dans une interview accordée au webzine VoixVoie De Femme, le directeur du département Exploitation commerciale de cette entreprise publique regrette « l’incivisme » des populations en Côte d’Ivoire. « Le problème qui se pose aujourd’hui est lié à l’incivisme d’une partie de la population en Côte d’Ivoire. Chez nous, c’est le respect de l’aîné. C’est le respect des personnes à mobilité réduite », regrette Albert Gueu. Avant d’insister sur le fait que la SOTRA fait bien attention à toutes les sensibilités. « Etant donné que nous vivons avec des personnes à mobilité réduite nous devons faire en sorte que leur besoin soit pris en compte effectivement ».
La SOTRA ne pourrait-elle pas faire la police pour faire respecter ses consignes ? «
Nous avons qu’un conducteur dans le bus. Avant, nous avions un receveur plus le conducteur. Mais les choses ont évolué et nous sommes passés à un seul agent par véhicule. Si on avait un receveur comme dans le passé. Il pouvait faire pression pour faire respecter ces consignes ». Le patron du département Exploitation de la SOTRA espère que les populations reviennent aux valeurs qui imposent le respect des personnes âgées et des personnes vulnérables.
A A (stagiaire)