À tort ou à raison, la pratique de la lutte est vue comme un domaine réservé au sexe masculin. « Est-ce que la femme a force pour lutter comme le garçon ? », a-t-on l’habitude d’entendre dans le milieu sportif. Mais le constat qu’il convient de faire est que, des jeunes filles s’intéressent de plus en plus à cette activité sportive. Reportage !
Yéo Grâce Emmanuelle, Zogbé Loreine et Kouyaté Aminata, toutes élèves du secondaire, au lycée moderne de Gagnoa, sont membres du club de lutte africaine et olympe de la cité du Gôh, Gagnoa. Un club mis sur pied, depuis quelques années, par Alloya Vilasco, professeur d’éducation physique et sportive. Pour bâtir son équipe, il a fait le tour des établissements scolaires secondaires de la ville pour recruter ses athlètes, filles comme garçons. Le club de lutte est un habitué des compétitions organisées par la fédération Ivoirienne de Lutte, et les filles du Club de lutte africaine et olympe de Gagnoa font bonne impression. Mieux, elles tirent leurs épingles du jeu en remportant des titres.
Le triomphe du Palais des sports de Treichville
En novembre dernier, au palais des sports de Treichville pour le championnat de lutte africaine et olympique. « La moisson a été bonne pour nos enfants », a déclaré fièrement Alloya Vilasco, aux autorités sportives de la région du Gôh. Accompagné de ses athlètes habillés en jaunes et bleus, le professeur de sport a rendu visite au directeur régional des sports pour lui présenter les 1O médailles remportées de haute lutte. 7 sont en or et 3 en argent. Cerise sur le gâteau : la ligue de lutte de Gagnoa a été classée parmi les meilleures ligues du pays. «Nous sommes partis sur la pointe des pieds, mais nous sommes revenus en fanfare. Nous sommes venus vous présenter ce que nous avons obtenu à l’issu de ce championnat de lutte », a dévoilé Alloya, l’objet de sa présence dans les locaux de la direction régionale des sports.
La lutte, une passion
Lors de cette présentation aux autorités, le président formateur a mis un point d’honneur sur les filles qui ont toute reconnu avoir été séduite par la lutte. « J’ai choisi la lutte parce que je trouve ce sport très intéressant. C’est une passion pour moi, je la pratique depuis 3 ans maintenant. Je participe régulièrement au championnat national de lutte », a déclaré Yéo Grace Emmanuelle, la capitaine de l’équipe des filles. A cette compétition, elle est montée sur la plus haute marche du podium. « J’ai eu une médaille en or », jubile l’élève de la 2nd A, tout en brandissant sa médaille accrochée à son cou. Elle avait pour adversaires des filles issus des clubs de lutte d’Abidjan. Elle ne s’est pas laissé intimider par l’adversaire. Puisqu’elle devait donner l’exemple en tant que capitaine d’équipe. « Le secret pour gagner c’est la mise en pratique des techniques que le coach nous a montrées. J’étais sûre de gagner mais il faut reconnaitre qu’au début, j’avais un peu le stress. En fin de compte je me suis dis que j’étais là pour un objectif, celui de défendre les couleurs de la ville de Gagnoa. J’ai repris confiance et le résultat est là », relate-t-elle son exploit. Ouvrant ainsi la voie du succès à ses partenaires. Dont Zogbé Loreine élève en classe de 1er A2. « Je suis une passionnée de lutte. J’ai eu une médaille d’argent », nous informe la lutteuse. Elle avoue qu’à la vue du grand public du palais des sports, elle a eu le stress. « Mais quand tu te mets dans la tête que tu es là pour gagner, alors tout le stress se dégage », indique la championne. Elle s’est voulue reconnaissante à son coach et à ses parents qui l’ont encouragé à persévérer dans le sport de lutte. « Quand j’ai vaincu mon adversaire, j’ai pensé à mon coach car le mérite lui revient. Il nous a encouragé. Je dis merci aussi aux parents qui nous ont permis de participer à cette compétition », a fait savoir Zogbé Loreine.
Plaidoyer
Les filles pensent qu’elles auraient mieux fait si elles avaient obtenu l’accompagnement des autorités locales. D’où le crie de cœur de Kouyaté Aminata élève en classe de 2nd A2. « Que les élus locaux nous aident. Nous voulons un car pour nous transporter dans nos différents déplacements. Que ces autorités prennent soins de nous comme on le fait pour les autres sportifs », a plaidé la médaillée d’or. Elle envisage continuer dans la pratique du sport et des études. « Tout ce que ces enfants font, c’est pour le rayonnement de la ville de Gagnoa. Ils ont dû se cotiser pour payer le transport et se sont rendus à la compétition », a regretté le patron du club de lutte dont le souhait que les autorités locales soient un peu plus regardant sur le club de lutte qui est devenu un label pour la ville. L’occasion était donc belle pour le responsable du club de lutte, de formuler des doléances. Notamment, l’achat de tenus de sport pour les athlètes, rencontrer le ministre des sports, le maire de la ville, ainsi que le président du conseil régional. Il rêve surtout de la création d’un club omnisport qui regroupera les sections de football, basket, lutte, rugby, hand, évoluant dans la cité du fromager. Son interlocuteur, à savoir le représentant du ministre Danho Paulin a pris bonne note des différentes doléances avant de saluer le courage des jeunes filles qui ont fait le choix de la lutte. « C’est un instant de bonheur et de joie parce qu’il n’est pas facile d’aller à une compétition et remporter une dizaine de lauriers. C’est quand on est fort qu’on gagne des lauriers », a dit le directeur des sports pour féliciter les athlètes. « Nous ne pouvons que vous saluer, vous nos champions et vous dire merci pour le travail accompli », a mentionné M. N’dah.
Sport et études
Se tournant vers les filles, il leur a fait cette adresse. « Vous avez choisi le sport de combat, ce sport met à contribution votre intelligence. Je suis fier de vous », a ajouté Justin. Puis d’exhorter les lauréats à demeurer dans le sport et les études. Car, on y tire de nombreux avantages. « Continuez ainsi, parce que le sport et les études vont ensemble. La pratique du sport facilite l’apprentissage des leçons. Le sport favorise le développement psycho moteur de l’enfant. Avant nos parents ne comprenaient pas cela », a indiqué le spécialiste des sports. Aujourd’hui, dira N’dah Justin, des études ont montré que dans les classes où on pratique sport et études, les résultats sont meilleurs comparativement aux classes où on ne fait que les études uniquement. Les propos du directeur des sports ont été corroborés par le coach de l’équipe de lutte. Jacques Amoss de Souza, rapporte que ses athlètes sont brillants. Aussi bien en classe que sur l’air de jeu « Ces enfants là, sont intelligentes. Ce qui fait qu’elles s’adaptent vite à ce qu’on leur enseigne. Encore qu’elles sont passionnées par ce sport, cela fait que les choses se passent bien. Au bout de deux mois, elles ont assimilés plusieurs techniques, avant de partir en compétition », explique le coach. « Les enfants se sont bien battus et nous sommes contents du résultat obtenu », exprime l’encadreur sa satisfaction. Il dit ne pas partager l’idée selon laquelle la lutte est l’apanage des garçons. L’ancien pensionnaire de l’Institut de la jeunesse et des sports (Injs), où il a obtenu ses diplômes, rappelle que la lutte est une question de technique et pas forcement une affaire de force physique. «Tout compétiteur qui maitrise la technique de la lutte a plus de chance de battre un adversaire disposant de la force physique », renseigne le coach.
Alain Doua