A Abidjan, arriver à l’heure au travail est un défi. Il ne suffit pas de se réveiller de bonne heure. Il faut encore avoir de la chance, mais également du cran pour monter dans le bus de la Société des transports d’Abidjan (Sotra). L’équipe de reportage de VoieVoix De Femme vous fait vivre le quotidien des usagers qui se tournent vers cette société d’Etat qui assure le transport des populations à des prix sociables.
Cocody-Angré. Terminus 81, 82. Ce matin du 18 mai 2021, l’arrêt de bus est noir de monde. Il est 7 heures. Ici on va soit au Plateau soit à Adjamé. « Tous les jours ouvrables, vous trouvez toujours du monde ici », indique MT, gérant de cabine téléphonique sis non loin du lieu pris d’assaut depuis très tôt le matin. « Je vais au Plateau, les Bus tardent à arriver », fulmine Kassi Eric, élève en classe de 1ere D. « Souvent quand je n’ai pas de chance d’avoir vite le bus, j’arrive en retard ». Mais le jeune élève n’a pas le choix de se résigner à la patience. « De toute les façons, même si c’est difficile, le bus nous arrange. C’est moins cher ». Eric ne débourse que la somme de 3000/mois pour sa carte de bus. Cela grâce à la subvention de l’Etat ivoirien du transport urbain pour les élèves et étudiant…
Autre commune, même ambiance : terminus 40. Ce mercredi 19 mai, à 7 h, un bus vient de décoller, bondé de monde. La file de ceux qui n’ont pas pu embarquer est encore bien longue. Les mines sont graves. « Un (bus) 40 est parti il y a 30min. Depuis nous attendons », s’agace une dame, vers la queue du long rang, s’adressant aux responsables de la gare, assis un peu plus loin de la file d’attente. Quelques minutes passent et un mastodonte pointe le nez ! C’est un 43. Il va à la gare Nord d’Adjamé. A peine immobilisé, les usagers se ruent sur le véhicule. Tout le monde veut tenter sa chance. On se bouscule, se marche dessus, s’injurie parfois… Le machiniste démarre dès que le plein est fait. Kouadio Angeline, Sage-Femme, n’était pas intéressée par le 43. Elle a suivi de loin la bousculade. Elle attend plutôt le 40 en direction du plateau. « J’attends le 40. Comme on vient de le dire qu’il y a un 40 qui vient de partir, je sais que je dois être encore patiente. Si un 30 (qui passe d’abord à Adjamé avant d’arriver au plateau) arrive, je crois que je vais y embarquer. Si je veux attendre un 40, ce n’est pas sûr que je quitte ici avant 8H », décide-elle.
Non loin de là, au quai du bus 85, ce sont en grande partie les étudiants qui attendent. Mais ici, sur cette ligne réputée pour les étudiants du campus, des jeunes se réclamant de la Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire (FESCI) font la loi. Et à chaque 15 min, un bus 85 arrive. « Si tu n’es pas patient, il ne faut pas attendre le bus. Quand on veut arriver tôt, il faut se réveiller tôt. J’ai cours à 8h. Et déjà à 6h30, je suis au quai. Cela permet d’avoir le bus mais de trouver une place confortable », conseil un jeune étudiant.
A 10h 45, notre équipe est à la gare Sud. A cette heure, la gare n’a pas d’affluence. A l’exception de quelques quais. Notamment celui du bus 82, qui a son terminus à Cocody-Angré. « Nous attendons depuis plus d’une heure de temps », se plaint Coulibaly Awa, étudiante en première année de BTS. « Depuis, on ne voit rien. Pourtant les bus sont garés, au lieu de venir prendre les gens, on ne sait pas ce qu’ils font », s’offusque-t-elle. « Quand je suis arrivée, j’ai demandé on m’a dit qu’ un 82 est partir depuis 10 heures. Il est maintenant 11H 20 », fait-elle remarquer.
Au quai du bus 28 qui va à Riviera-M’pouto, Traoré Amadou, contrôleur fait savoir qu’il ne peut pas préciser d’heure d’arrivée d’aucun bus. « Ici personne ne connait l’heure d’arrivée des bus. Même moi-même qui suis contrôleur, je ne connais d’heure exacte. C’est le chef de gare qui décide à quel moment il faut lancer les bus. Je vous conseille d’attendre et d’être patients », conseille M. Traoré.
13h45, direction la gare Nord. C’est la plus grande de la Sotra en Côte d’Ivoire et la première. A cette heure elle refuse du monde. Tous les quais sont bondés. Les bus en provenance du Plateau, comme les numéros 37, 40, 27 pour Yopougon et 600 pour le Forum d’Adjamé font leur escale. Ici, il est facile de reconnaitre le quai des destinations et de savoir à quel moment le bus sera lancé.
C’est le cas du bus 771 pour Vridi Iran ; le 26 pour Koumassi ; le 81 pour Angré ; le 28 pour la Riviera… Il suffit de s’approcher des contrôleurs. Yao Ange Christian, informaticien est un habitué de cette gare. « Il y a des bus qui quittent à la gare Sud et qui passent ici. Abobo par exemple, c’est le 45. Ces bus chargent ici et vont à Abobo. Par contre, le 27 par exemple n’a pas de quai ici. Quand il quitte à la gare Sud, il passe par ici. Il s’arrête à l’entrée de la gare pour faire descendre des passagers, ou embarquer d’autres », explique l’informaticien. « Ceux qui veulent prendre le 27 doivent attendre à l’entrée de la garde », poursuit Yao Ange Christian.
A la Sotra, ce manque de régularité des bus qui font attendre les usagers n’est pas lié à l’insuffisance des véhicules. « En 2010 la Sotra était à 90 véhicules sur toute la ville d’Abidjan. Aujourd’hui, la Sotra à un parc automobile de 2000 véhicules, dont 1500 sont déjà sur le terrain. Et chaque jour nous sortons en moyenne 1000 véhicules. Nous avons créé de nouvelles lignes. Ces lignes vont d’un bout à un autre de la ville d’Abidjan, d’Abobo à la Zone industrielle, Abobo à Port Bouet, Cocody Treichville). Nous avons créé tout ce qui peut permettre à tout le monde de se déplacer », fait savoir le directeur du département Exploitation commerciale de la Sotra, Albert Gueu. Pour lui, ces longues attentes sont dues à la congestion du trafic. « Très souvent, les voiries ne sont pas dégagées. Il y a l’incivisme des usagers de la route qui cause les nombreux bouchons. Si les embouteillages n’étaient pas réguliers au point de contact des carrefours et des marchés, la Sotra pouvait transporter tout le monde », explique Albert Gueu. « Lorsqu’on met en ligne un véhicule qui doit faire en principe un parcours de 45 minutes et qu’il y a une congestion, ces 45 minutes ne seront pas respectées. La conséquence c’est que le nombre de personnes dans les arrêts de bus augmente ».
La Sotra estiment que ces angoissantes attentes des usagers seront certainement surmontées par les grands travaux engagés dans le Grand Abidjan. « Les échangeurs en cours de constructions viendront réduire ces congestions », espère le cadre de la Sotra, non sans plaider pour une discipline rigoureuse des conducteurs. « Il faut que les usagers respectent les codes de la route et vous verrez que le problème d’embouteillages sera résolu », explique le directeur du département Exploitation de la Sotra.
Bekanty N’KO