Abobo, quartier historiquement appelé ‘’Abobo la guerre’’ pour ses bagarres rangées, son banditisme phénoménal, son insécurité légendaire, etc. n’a pas encore fini de faire parler de lui en mauvais. Du moins, en ce qui concerne l’incivilité de sa population. Enfants en conflit avec la loi surnommés ‘’Microbes’’, insécurité, banditisme, voyoutisme, incivisme des chauffeurs, installations anarchiques… la liste est longue des mots et des maux pour qualifier Ce ‘’No go zone’’ qui avait fier allure sous la gestion de l’ex-maire et Premier ministre, Hamed Bakayoko.
Depuis quelques jours, habitants et commerçants font face à la ‘’furia’’ de la nouvelle maire, Mme Kandia Camara qui a entrepris de dégager toutes les emprises et les bordures des voies de sa commune. Même si les populations ne cachent pas leur colère face à ce énième déguerpissement, la maire semble déterminer à mettre fin à ce désordre qui colle à la réputation de cette commune.
On le sait, au fond des quartiers, la misère se sédimente. Les populations, appauvries par la longue crise politique puis économique et sanitaire ne veulent pas se laisser mourir par la faim. De ce fait, elles se ‘’cherchent’’ pour survivre. N’ayant pas les moyens suffisants pour se payer une caution d’un box au marché ou d’un magasin, elles désertent les marchés et les magasins pour se retrouver sur et aux abords des routes. Terre d’accueil incontestable des ressortissants des pays voisins, surtout ceux des pays septentrionaux comme le Mali, le Burkina, le Niger et la Guinée, cette commune, l’une des plus peuplées de Côte d’Ivoire, est en passe de récidiver avec son superlatif le plus désobligeant : le désordre.
Pauvreté, cherté des magasins et box …les raisons
« Ce n’est plus tenable entre la cherté des magasins, la cherté de la vie et la pauvreté qui pèsent sur les populations, nous n’en pouvons plus… », se lâche, Issiaka Lanciné, commerçant.
En effet, depuis plusieurs jours, une opération de déguerpissement lancée par la municipalité est en cours. Les trottoirs de cette commune populaire sont la cible des agents municipaux qui, armés de marteaux et de pieds de biche, détruisent tout sur leur passage. Etales, conteneurs, hangars, etc. tout y passe ! Aussi, vendeurs à la sauvette et petits commerçants sont la cible des agents municipaux. Au Banco, à la casse, équipés des grues et des véhicules de remorquage, les agents de la mairie appuyés des policiers font le ménage sur la voie express Abobo-Adjamé.
« Au marché, on ne peut pas s’acheter un box parce que cela coûte cher, les magasins également sont hors des prix… Nous aussi, nous avons droit de vivre, de nous nourrir, de scolariser nos enfants, comment allons-nous faire si nous ne pouvons pas vendre dans ces petits lieux ? », s’interroge Awa Sidibé, la gorge nouée, devant son conteneur détruit au passage des agents municipaux. Même son de cloche pour Djakaridja Souleymane, vendeur ambulant. « Les agents municipaux nous traquent tous les jours comme si nous sommes des pestiférés. On ne veut que vivre en vendant nos petits articles. Nous n’avons pas d’argent pour se prendre un magasin. Qu’on nous laisse en paix… », piaffe-t-il.
A Abobo-Belleville, quartier périphérique sur la voie qui mène à Alépé, les commerçants de la voie principale qui traverse le quartier ne sont pas épargnés. Maquis, petits commerces, bistrots, hangars… ont été systématiquement détruits dans la matinée de mercredi 17 novembre. « Ça fait plusieurs fois que les gens de la mairie détruisent nos commerces sous prétexte qu’ils vont faire notre route. Mais, cette voie n’a jamais été touchée. Pis, elle se dégrade de jour en jour créant un embouteillage monstre tous les jours. Ils sont venus encore ce matin casser tous les magasins au bord de la route mettant les gens dans le désarroi », se désole Awa Salimata, tenancière de restaurant en bordure de route.
Une histoire de recommencement
Sous Hamed Bakayoko, Abobo avait fait sa mue, dégagé ses voies, la casse, la devanture et les alentours de la mairie en cassant tout à la gare, épicentre du désordre. Abobo était devenu ‘’Zo’’. Cette belle initiale du ‘’Golden Boy’’ n’a duré que le temps de son passage à la tête de la commune. On se souviendra qu’après sa mort, la commune est redevenue ce qu’elle était. Désordonné, abusé par les chauffeurs indisciplinés et les commerçants sauvages qui ont réapparu, occupant illégalement le domaine public et les trottoirs. Mme Kandia Camara après avoir pris ses marques, recruté 300 policiers municipaux a décidé de s’atteler à assainir sa commune. Or, ce genre d’opération d’éclats a déjà montré ses limites. « Nous sommes fatigués de telles opérations qui ne dure que le temps d’une publicité. Après chaque opération, les vendeurs reviennent de plus belle », peste M. Soumahoro qui estime qu’il faut un suivi de cette opération. « Cette fois-ci, on ne se laissera plus faire, nos policiers municipaux vont veiller au grain et gare à la personne qui va revenir occuper ces lieux déguerpis », lance un agent de la mairie, confiant.
Une solution durable pour tous…
« En réalité, si ce phénomène dure c’est parce qu’une solution durable pour satisfaire tous les acteurs n’est pas encore trouvée », indique M. Zaté Jules, sociologue. Pour lui, les autorités municipales devraient mettre en place des mesures comme diminuer le prix des places sur les marchés, plafonner la caution des magasins à des prix acceptables, amoindrir les taxes sur le marché… Ces solutions selon M. Zaté, permettront aux vendeurs de quitter les voies et trottoirs et de se ré-confiner dans les marchés. Mieux, les autorités municipales devraient veiller au suivi de cette opération en déployant en permanence les agents municipaux pour garantir cette mesure. Les populations également devraient comprendre que les trottoirs ni les voies ne sont des lieux de commerce. Elles devront éviter d’installer le désordre dans cette commune dont la maire a indiqué récemment, qu’elle compte rafler le prix de la commune la plus propre l’année prochaine.
Si chacun joue sa partition, la commune redeviendra attractive, mieux sécurisée et les voies plus aérées et libres à une circulation fluide à l’image de la commune de Koumassi du maire Cissé Bacongo la nouvelle fierté de la Côte d’Ivoire.
Djolou Chloé