On estime à plus du tiers des « servantes » esclavagisées et violentées. Et pourtant une loi existe pour le personnel de maison.
C’est le travail ménager. Le travail domestique peut être considéré comme l’ensemble des tâches et des responsabilités liées à l’entretien et à la gestion d’un foyer ou d’une maison. Il s’agit des activités telles que le nettoyage, la cuisine, la lessive, le repassage, le soin des enfants, et d’autres activités similaires qui contribuent au bon fonctionnement d’un ménage. Il est qualifié de « non rémunéré » quand il est effectué par des membres de la famille ou des proches qui ne reçoivent pas de salaire. Il peut également être effectué par des travailleurs domestiques rémunérés, qui travaillent pour un salaire.
Le travail domestique est une profession qui a toujours existé et c’est d’ailleurs l’une des plus importantes pour une multitude de femmes dans le monde. Malgré l’impact significatif de ce travail sur la qualité de vie de la famille, il demeure invisible, mal rémunéré et n’est pas suffisamment réglementé en Côte d’Ivoire.
L’emploi domestiques est occupé par les jeunes garçons et les jeunes filles. Cuisiniers et cuisinières, nounous, gardiens, jardiniers, chauffeurs. La majeure partie du travail domestique auquel recourent certains foyers est effectué par les jeunes. A beaucoup de coins de rue des pancartes de fortune du genre « Placement de personnel de maison », « Agence de placement », « Pour votre personnel de maison contactez-nous ». Poteau électrique, mur, prospectus, arrêt de bus. Tous les moyens sont bons pour proposer ses services, pour proposer du personnel de maison aux demandeurs. L’employer de maison est proposé sans aucun suivi, sans règlementation. Personne ne se préoccupe des conditions de travail.
Proposées entre 10000 et 15000 Fcfa il y a quelques années, le salaire des servantes de maisons est passé entre 15000 et 25000 pour atteindre aujourd’hui la fourchette de 20000 à 35000 Fcfa. « Il y a des filles qui gagnent jusqu’à 80000 Fcfa mais dans des conditions de travail au seuil du tolérable », nous confie Donatien, gérant d’une agence de placement à Angré-Château. Donatien fait partie de ces privilégiés qui ont un local qui leur sert de bureau. A la question de savoir si dans les échanges avec les futurs employeurs les conditions de travail sont évoquées, Donatien est catégorique. « Si tu t’attardes sur certains détails tu perds le marché. Nous vivons de notre activité. Si tu n’arrives pas à placer une fille c’est que tu n’as rien dans la poche », affirme l’entrepreneur.
En fait l’agence encaisse 500 à 1000 Fcfa par fille pour lui trouver un travail. Certains vont jusqu’à 3000 Fcfa. Le futur employeur paie 5000 Fcfa pour qu’on lui trouve une servante de maison. Cette somme est valable pour trois propositions. C’est-à-dire que si on vous trouve une fille qui ne vous convient pas vous avez jusqu’à trois possibilités de proposition de fille de maison. Après cela vous devez encore payer 5000 Fcfa. En plus de cela, la moitié ou le tiers du premier salaire est reversé à l’agence. La fille qui sollicite un poste de travail est aussi soumise à la même rigueur. Si l’agence place une fille dans un foyer où elle n’a pas tenu, elle a droit à trois propositions possibles. Dans les deux cas (employé et employeur) le contrat devient caduc lorsque la fille passe trois mois au moins dans le foyer où elle est placée. Toute une règlementation non officielle qui est appliquée dans ce secteur d’activités.
Mais il y a urgence. La loi existe et est en vigueur. Malheureusement la réalité est qu’elle est ignorée. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est passé de 60 000 Fcfa à 75 000 Fcfa au 1er janvier 2023. Cela devrait être une bonne nouvelle pour les ouvriers y compris le personnel de maison. Mais le constat est qu’on est encore loin de cette réalité. Même les 60 000 Fcfa n’ont jamais été versé à certains ouvriers. De plus les travailleurs domestiques sont victimes de mauvais traitements et d’abus dans les maisons où ils exercent. Selon l’Agence ivoirienne de presse (AIP), en 2022, la Côte d’Ivoire enregistrait plus de deux millions de travailleurs domestiques dont 3 683 déclarées. Ces chiffres montrent l’urgence à se pencher sur la question du travail domestique décent en Côte d’Ivoire. Quel recours pour le personnel de maison ?
« Ma patronne me réveille à 4 heures du matin et il n’y a plus de repos jusqu’au-delà de 22 heures. Il fait faire le petit déjeuner, laver les enfants et les accompagner. Faire la cuisine à midi, aller chercher les enfants et les raccompagner à l’école. Faire la vaisselle et la lessive. Et ma nourriture reste le gratin », nous raconte Sali, une employée de maison habitant Koumassi et travaillant en Zone 4. « Ma patronne est deuxième bureau (femme d’un homme marié). Elle me frappe tout le temps. Quand son mari arrive elle m’oblige à rester dans la cuisine pour ne pas qu’il me voit. Je partage une louche de riz avec le neveu à son mari pour toute la journée. Ce dernier est élève et il me fait tellement pitié que je lui laisse notre part et me contente du fond de marmite. Et pourtant il y a beaucoup de nourriture dans la maison ». C’est ce que vit Ramatou à la Riviera 2. Ramatou est originaire du département de Dabakala. Elle a été placée par sa tante qui habite Abobo Pk18. En fait la tante de Ramatou fait venir les filles de son village pour les placées et encaisser les revenus et au moment venu elle les reverse à la fille lorsque celle-ci doit repartir très souvent pour se marier. Les filles vivent chez elle dans cette deux pièces sombre. Connaissant les conditions de vie à la maison, Ramatou supporte toute la maltraitance qu’elle subit. Or, la loi existe. Et elle est précise.
« Il est interdit d’employer les enfants de moins de 14 ans, même en tant qu’apprenti » ; « La fille domestique a droit obligatoirement à un jour de repos par semaine (en principe le dimanche) » ; « La fille domestique a droit à un mois de congé payé par an. Une allocation doit lui être versée au moment de son départ en congé » ; « L’employeur a obligation de déclarer la fille domestique à la CNPS (Caisse nationale de prévoyance sociale) » ; « Les coups et les blessures volontaires et toutes autres violences sur les filles domestiques sont interdits. Sanction : Emprisonnement de 6 jours à 20 ans selon le cas. Amende de 10.000 F à 50.000 Fcfa selon le cas » ; « Toute proposition indécente, tout acte impudique, tout acte de harcèlement à l’endroit de la jeune fille domestique sont punis comme attentat à la pudeur. Sanction : Emprisonnement de 2 à 5 ans. Amende de 100.000 F à 1.000.000 Fcfa » ; « Les coups et blessures volontaires et toutes autres violences sur les enfants sont interdits. Sanction : Emprisonnement de 6 jours à 20 ans selon le cas. Amende de 10.000 F à 50.000 Fcfa » ; « Les agences installées sans autorisation – Sanction : Emprisonnement de 2 mois à 2 ans. Amende de 50.000 F à 2.000.000 Fcfa » ; « Il est interdit de placer des filles dans les débits de boisson (maquis, bars, buvette…), les hôtels, auprès des fripiers, de prêteurs sur gages et chargeurs. Sanction Emprisonnement de 6 mois à 2 ans. Amende de 150.000 F à 1.500.000 Fcfa »
Les textes de loi existent. Y a-t-il quelqu’un pour les appliquer ?
Sékongo Naoua