Les femmes battues par leur mari. C’est un fait banal dans nos sociétés africaines. Au contraire, quand les hommes sont battus par leur femme, ce fait devient insolite. Un sujet de raillerie, dont on n’ose parler en public. Accablés et humiliés, les battus se taisent.
Il est 23 h, ce dimanche 23 janvier 2022. Nous sommes à Koumassi, quartier Divo. Un cri strident déchire la nuit calme. C’est une voix masculine qui appelle au secours non loin de la maison endormie de Charles Takoué. « Au secours, au secours… Je suis mort ! Sauvez-moi ! ’’, alerte cette voix d’homme, littéralement inquiète. Solidarité africaine oblige, les voisins et autres curieux accourent pour venir en aide à un frère en détresse. Les plus dégourdis s’arment au passage qui d’une machette, qui d’un gourdin… dans l’esprit collectif, on pense tirer l’infortuné qui hurle à tue-tête des griffes de braqueurs ou d’agresseur. Patatras ! Il n’y a ni braqueurs ni agresseurs. C’est Kouadio Kan Jérôme, un homme d’une cinquantaine d’années, marié et père de quatre enfants qui braille ainsi sous le poids de sa femme, dame Affouet qui le roue de coups. « Pardon madame, laisse-le ! », implorent en chœur les voisins sortis de leur étonnement. « Tu vas finir par tuer ce pauvre monsieur un jour. Qu’a-t-il encore fait pour que tu le bastonnes ainsi ? Quel genre de femme es-tu-donc ? ’’, martèle Baba Kouadio, indigné mais qui prend soin de se tenir à bonne distance. En effet, Mô Affouet s’est faite une réputation de cogneuse d’homme. Bâtie comme une armoire, elle culmine à plus de 1 m 80 pour environ 90 kilogramme. « Elle a déjà cassé la ‘’gueule’’ à plusieurs hommes intervenus dans leurs querelles de couple », affirme Baba Kouadio, ce sexagénaire. « Mais, ce n’est pas bien qu’elle se mette à le battre comme cela », rétorque un autre.
Un phénomène toujours d’actualité
Selon Mme K.Virginie, présidente d’une Ong pour le bien être familiale, des scènes de ce genre sont de plus en plus fréquentes. ‘’ Ce sont des phénomènes sociaux dont on n’ose pas en parler en public. Les principaux concernés se taisent car accablées et humiliés. Les proches et voisins se cachent entre quatre murs pour en rire ou en pleurer’’, a-t-elle précisé.
Dans la commune de Marcory, une femme d’environ 30 ans, est bien connue pour la force de ses poings. Du Côté de Yopougon-Maroc, Mme B., s’est rendu populaire en rouant régulièrement de coups son époux. Quant à B. N, une étudiante amatrice des sports de combat ne digère pas qu’on l’appelle avec Ironie ‘’ Bernard’’. ‘’ Je sais que je n’ai pas un physique féminin. Je ne tiens pas à ce qu’on me le rappelle tout le temps.
Toutes les raisons sont bonnes pour battre son homme
À Treichville un homme vient de subir le courroux de son épouse. L’œil gauche tuméfié, Cesar N’doua raconte son calvaire. ‘’ Je ne voulais pas faire l’amour parce que je suis fatigué. Elle m’a mordu au visage et m’a donné un coup de poing sur mon œil », avoue-t-il avant de préciser qu’il lui arrive à son épouse d’utiliser des armes blanches contre lui. « C’est un véritable cauchemar », peste-t-il, débordé d’émotions.
Selon les informations, des politiciens, des hommes de médias et bien de grands commis de l’Etat, ploient sous les bastonnades et les brimades de leur femme. Les hommes battus sont généralement reconnaissables par leur exubérance hors du domicile conjugal. En présence de leur femme, ils se font tout petits et parlent peu et ne prennent presque pas de décision.
F.G. qui vient récemment de divorcer à cause de ce fait a accepté de nous révéler un pan de cette triste partie de sa vie. « C’est une situation fort embarrassante pour un homme. Dès que j’ai une prise de bec avec quelqu’un, on me dit : ’’ tu viens t’agiter ici. Est-ce que tu peux parler devant ta femme comme cela ? », relate-t-il, amer.
Pour Me Touré, avocat, « les hommes battus saisissent rarement la justice. Ils se taisent, souffrent en silence et trouvent toujours une explication au bureau, pour leur œil poché ».
Les conseils de Mme K. Virginie
Mme K. Virginie affirme qu’il n’est pas normal de frapper son conjoint ou sa conjointe. ‘’ Dès qu’une main se lève, elle signale qu’il y a un problème. Car, cette main va s’abattre souvent et de plus en plus violemment. Ce n’est pas normal ! C’est la porte ouverte à l’escalade qui conduit inévitablement à la police ou à l’accident fatal’’, a-t-elle désapprouvé. « Si vous avez des problèmes avec votre conjoint, vous risquez d’être mal conseillée par des ‘’ enragées’’ qui se vengent des hommes à travers ce que vous vivez. Elles vous pousseront d’écraser leur pire ennemi : votre mari ! Frapper n’a jamais été une solution », conseille-t-elle.
Pensez à l’équilibre du foyer
Une femme qui frappe son mari, c’est un acte abominable qui est vu de mauvais œil par la grande frange de la population. Selon le Psychologue Yao Bernard, « une femme qui porte main à son époux, le père de ses enfants, est toute de suite mal vu dans la société. Même si Dieu vous a doté d’un physique ou d’une force qui domine celle de votre mari, ayez une seule idée en tête : ‘’ l’équilibre de la cellule familiale’’ ».
D’ailleurs, plusieurs époux battus ont fui le foyer, laissant leur femme et leurs enfants. Tout simplement parce qu’ils ne pouvaient plus de cette humiliation qui devenait de plus en plus quotidienne. « Un enfant a besoin d’un père et d’une mère. Sinon, il perd son équilibre », a-t-il exhorté.
En résumé, il est mieux de tourner le dos à la violence dans les couples pour donner force au dialogue, l’arme des forts.
Djolou Chloé