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Influente membre de la société civile ivoirienne, Yoli-Bi Koné Marguerite siège, depuis plus de 10 ans, au sein de la Commission en charge d’organiser les élections en Côte d’Ivoire. En juin dernier, elle a publié : « 2010, élection présidentielle de sortie de crise : Dans les coulisses de la CEI ».  Un ouvrage-témoignage qui remet au goût du jour bien de tractations autour du processus électoral qui a abouti au double scrutin controversé de 2010. Celle qui est toujours commissaire à la CEI, en charge de la région de San Pedro, s’est confiée à Voie De Femme… Interview.

Vous publiez cette année, un ouvrage intitulé  « 2010, élection présidentielle de sortie de crise : Dans les coulisses de la CEI ». Pourquoi cest maintenant, 14 ans après les fait que vous sortez ce livre ?

Je sors ce livre maintenant pour 3 principales raisons. D’abord pour prévenir une nouvelle crise en 2025 car les mêmes acteurs sont encore là à une exception près. Nous aurions pu éviter celle de 2010 si les règles du jeu démocratique avaient été respectées par les joueurs de l’époque. Il vaut mieux prévenir que guérir. La deuxième raison consiste à rendre hommage aux agents de la Commission électorale indépendante (CEI) qui ont fait un travail formidable pendant cette élection de sortie de crise, en dépit du fait que, malheureusement, ce travail a été occulté par une crise nous laissant dans la frustration. Rien dans le travail technique de la CEI n’est attaquable. Il faut chercher les causes de la crise ailleurs. Pas, en tout cas, à la CEI. La troisième raison, c’est de rendre hommage à un homme exceptionnel, feu monsieur Konan Kouadio, le Secrétaire général de la CEI en 2010. Grâce à cet homme, la CEI a fait des innovations électorales qui fait de cette institution une des plus performantes.

« Mon témoignage sur les élections de 2010 »

Ne craignez-vous pas que votre ouvrage réveille les vieux démons alors quon approche d’une autre échéance électorale, surtout avec la présence des deux acteurs clés de 2010, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ?

Non, pas du tout. Au contraire il faut en parler pour mieux comprendre et situer les responsabilités des acteurs. C’est ça prévenir car le débat n’a pas eu lieu et donc c’est la porte ouverte à toutes les supputations. Il y’a un devoir de mémoire et j’encourage les acteurs de l’époque à parler pour qu’on finisse définitivement avec cette crise.

Votre ouvrage révèle aussi les contradictions des hommes politiques ayant conduit à cette crise postélectorale qui a fait plusieurs milliers de morts. Pensez-vous que cette crise pouvait être évitée ?

Oui. Absolument. Elle aurait pu être évitée si chacun avait joué avec franchise le jeu démocratique selon la loi en vigueur.

En 2020, la Côte dIvoire a connu une autre crise électorale (dans une moindre mesure, elle a entraîné officiellement 84 décès). Navez-vous pas le sentiment que les acteurs politiques nont pas véritablement tiré les leçons de 2010 ?

Les morts de 2020 auraient pu être évités. Les hommes politiques ivoiriens sont responsables de ces morts, malheureusement les donneurs d’ordres sont toujours épargnés. Ce sont les personnes ignorantes, manipulées qui en pâtissent.

Votre ouvrage évoquez aussi les deux décisions contradictoires du Conseil Constitutionnel, la même institution chargée de trancher à l’époque. Certains observateurs estiment que cette confusion est due à la nature même de notre régime politique qui fait du président de la République, le détenteur du pouvoir. Partagez-vous ce point de vue ?

Oui et non. Lorsque l’on gère un jeu aussi délicat que les élections, il faut se contenter d’appliquer la loi et de dire le droit tel que prescrit par le législateur.

Mais je pense que notre régime politique n’a rien à y voir. Ce sont les hommes qui animent qui doivent avoir un sens élevé du devoir envers leur pays.

Quelles étaient les faiblesses des institutions qui avaient la charge du processus électoral de 2010 ? Notamment la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel .

« J’invite les partis politiques à former leur militants »

La CEI et le Conseil constitutionnel étaient composés de personnes trop passionnées. On a cru, à tort, que si tous les acteurs concernés étaient présents au sein de ces institutions, cela aurait contribué à rassurer les uns et les autres et à apaiser les choses. Mais non. Ce fut tout le contraire. Les suspicions, le manque de confiance entre les acteurs, l’appât du pouvoir… nous ont conduit au désastre.

Pensez-vous que ces faiblesses sont corrigées  au sein de ces institutions, notamment la CEI aujourd’hui  ?

Oui, je le pense car le législateur a veillé à encadrer strictement les actions de ces institutions et même de ses acteurs. La transparence dans les actions et les échanges ouverts entre les acteurs se font. En principe notre tout devrait bien se passer. Mais les hommes sont ce qu’ils sont face au pouvoir. Et mon plaidoyer, c’est que chacun joue effectivement son rôle, strictement.

Vous qui êtes toujours membre de la CEI, pensez-vous que notre pays peut, un jour, espérer sortir du drame des scrutins, surtout présidentiels, sans violence ?

Oui il faut l’espérer. Sinon nous allons détruire complètement ce pays. Moi j’ai espoir. Il faut sensibiliser et sortir les populations de l’ignorance en vulgarisant au maximum les lois et les procédures électorales pour éviter que les hommes politiques continuent la manipulation des masses. La CEI s’attelle à cela. C’est la seule solution à mon avis .

Vous êtes dans cette institution pour le compte de la société civile. Ne pensez-vous pas que la société civile na pas suffisamment jouer son rôle pour éviter certains dérapages ?

Il faut éviter de jeter la faute sur la société civile qui fait ce qu’elle peut.  C’est facile de mettre le feu et jeter la faute sur les autres. Les partis politiques reçoivent une subvention de l’État pour former et sensibiliser leurs militantes et militants et ils ne le font pas. La société civile trouve elle-même les moyens, elle forme et sensibilise les populations selon ses moyens. Je trouve qu’elle fait beaucoup et devrait être encouragée à continuer ce travail salutaire pour les populations. Il devrait avoir plus d’organisations d’utilité publique pour soulager celles qui font du bon travail. Malheureusement cet agrément est donné à la tête du client.  Figurez-vous que mon organisation le WANEP par système d’alerte précoce avait prévenu sur cette crise si rien n’était fait.

Quel regard portez-vous sur larène politique aujourdhui, 15 ans après ?

« J’ai fait ma part »

Trop de suspicions, trop de mauvaises foi, méconnaissance des règles du jeu démocratique, méconnaissance des textes, mauvaise volonté, manipulation des populations. Le peuple est pris en otage par les politiques. 15 ans après, ce sont les mêmes personnes et les mêmes mentalités.

Pensez-vous que votre ouvrage peut jouer un rôle dans la tenue de la prochaine élection de 2025 ?

Je l’espère bien. Que ceux qui ont des yeux voient, que ceux qui ont des oreilles entendent. Les élections ne se gagnent pas à la CEI. Les élections se gagnent dans les bureaux de vote. On ne doit pas affaiblir les institutions du pays qu’on aspire à gouverner. Moi j’ai fait ma part en donnant les faits électoraux de 2010, tel que vécus en espérant que les protagonistes soient mieux informés et arrêtent de chercher coûte que coûte à jeter l’opprobre sur l’organe de gestion des élections et se mettent au travail. On ne va pas à un jeu électoral sans en connaître les règles et sans se préparer pour gagner dans les urnes.  Figurez-vous qu’il y a des candidats qui vont aux élections sans avoir jamais ouvert le code électoral, sans connaître le nombre de bureaux de vote. Qu’est-ce qu’ils ou elles espèrent ? Ce sont ceux-là qui crient toujours à tort à la fraude…

Comment se comporte votre ouvrage sur le marché. Lavez-vous mis à la disposition des partis politiques pour quils en tirent les leçons ?

Il se comporte bien. J’ai eu de bons retours. Il est encore disponible. Tous ceux qui veulent connaître les faits sans passion sur les élections de 2021 peuvent s’en procurer.

Tenin Bê O

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