Fort de 33 ans de carrière photographique, Gbékidé Sevi Barnus affiche toujours sa passion pour ce métier rangé dans la famille des arts. Ce Mercredi 15 juillet 2020, l’auteur contemporain, promoteur culturel et artistique, par ailleurs président du Collectif des artistes photographes auteurs professionnel s’est ouvert à Voie Voix de Femme. Interview.
Vous êtes photographe professionnel réputé. Qu’est ce qui fait la particularité de Gbékidé Sevi Barnus ?
Je suis le Président de la Cellule d’action et de promotion d’art photographique. Ensuite directeur du Festival panafricain de la photographie d‘art d’Abidjan.
La première édition s’est déroulée l’année dernière. Malheureusement cette année, à cause de la crise sanitaire de la Covid-19, tout s’est arrêté. Il fallait se conformer aux décisions du gouvernement portant suspension des activités des salles de spectacles ou évènements culturels. Le festival prévu en juin dernier a donc été reporté pour l’année prochaine.
En juin de l’année dernière, la première édition a tenu toute ses promesse à l’Institut français et au Goethe Institut et à la Fondation Amadou Hampaté Ba. Cette année, n’eut été cette crise sanitaire, on devait élargir ces espaces culturels à Bingerville et Grand Bassam. Bon ! On a stoppé tout, mais ce n’est que partie remise.
Au-delà de ces festivals qui n’ont pu se tenir cette année, peut-on vraiment dire que cette crise sanitaire a impacté le monde de la photo ?
Cette crise sanitaire est méchante. Elle l’est encore avec les artistes. C’est une période très difficile à supporter avec fermeture des salles de spectacles, des espaces d’expositions, des écoles…
N’est-ce pas là aussi une opportunité pour le photographe ?
Oui. il faut savoir se réadapter et tirer la situation à son profit. C’est l’occasion justement de témoigner sur cette histoire qui va sans doute disparaître un jour. C’est donc un sujet de valeur qu’il faut exploiter. Nous devons l’immortaliser. A travers la Covid-19, on a entend des mots comme ‘’mesures barrières’’, ‘’gel hydroalcoolique’’, ‘’cache-nez’’, ‘’lavages de mains’’, ‘’distanciation’’… A partir de ces phrases ou de ces mots, peuvent naître des sujets photographiques. Il faut s’inspirer de cette situation pour créer. Et ce seront des objets d’art des futures grandes expositions. C’est en tout cas ce que je suis en train de faire… Quand on va finir avec cette étape de crise, ces photos, ces œuvres seront une matière qui aura résonnance durant les expositions.
En initiant ces éditions de Festival pour la photographie, que vouliez-vous apporter au secteur ?
Il s’agit de mettre en exergue et en lumière la création artistique contemporaine photographique en Côte d’Ivoire et en Afrique. L’idée était de promouvoir et valoriser les talents cachés dans le domaine de la photographie. Aujourd’hui, il y a un souci d’espace d‘expression. Il n’y a pas assez d‘évènements culturels liés à la photographie en Côte d’Ivoire. Il s’agissait de valoriser les artistes photographes africains et surtout ivoiriens.
Aujourd’hui le monde de la photographie c’est élargi avec sa démocratisation dans le milieu réseaux sociaux et mais aussi dans les familles où les uns et les autres photographient pour les besoins amusants ou ludiques.
Mais il faut souligner qu’il y a des personnes qui font de ce secteur leur passion. Ces personnes ont besoin de faire carrière. Ils ont besoin d’avoir un espace de promotion, de visibilité, qu’elles ne trouvent toujours pas facilement. A travers ses festivals, on essaie de donner de la chance aux photographes ivoiriens et africains. Ce sont aussi des espaces de vente. Aujourd’hui, la photographie étant reconnue dans le monde des arts comme étant un art à part entière, elle se vend bien. Aujourd’hui des collectionneurs et des galéristes raffolent d’œuvres photographiques. La photographie a le vent en poupe en ce moment.
Justement, est-ce qu’avec cette démocratisation de la photo où tout le monde a un téléphone portable avec une photo, la profession n’est pas menacée ?
Oui, d‘une façon ou d‘une autre. Il faut reconnaitre que la photographie commerciale utilitaire est en crise. Notamment avec l’arrivée des téléphones portables et d’appareils interconnectés. Les uns et les autres réussissent à réaliser des prises de vue dans un contexte ludique ou de souvenir. Il faut reconnaitre qu’il y a beaucoup de manque à gagner. Mais lorsqu’un photographe est incontestablement bon, il n’est pas en crise dans la mesure où le fait de se spécialiser, de se distinguer ouvre un autre champ de marché pour ces photographes. Quand on est talentueux, visible, il y a un marché.
Quand on est limité à des travaux seulement liés aux souvenirs, aux besoins ludiques, la population peut se passer de vous.
Qu’est-ce qui caractérise ce ‘‘photographe incontestablement bon’’, toujours utile, selon vous ?
Le professionnel, c’est celui qui se distingue par sa manière de voir son visuel. C’est son interprétation subjective et la réalité captée avec une innovation qui fait la différence. La photo comme les autres arts c’est un moyen d‘expression. Une façon langagière de s’exprimer. Donc la différence se trouve ans la faculté perceptuelle et motrice du professionnel. Il a un regard et sa culture visuelle qui réagit en fonction d’une sensibilité donnée. Il développe une démarche sens créatif et picturale. C’est cette démarche qui sous-entend une forme de réflexion, à la fois esthétique et intellectuelle. Et les images de ces photographes tranchent avec celles des amateurs.
Quel est la différence entre l’artiste photographe et l’artiste peintre ?
Le point commun des arts, c’est la créativité. La danse, la musique, la peinture, la sculpture, la photographie ont pour dénominateur commun, la créativité. Dans la peinture, le peintre utilise le pinceau, la toile, quand le photographe utilise l’appareil photo et la lumière. La photographie, c’est écrire avec la lumière. Le peintre, lui peint avec la peinture sur une toile. La peinture et la photographie sont deux arts apparentés. Pour l’histoire, les peintres, les philosophes font partie des premiers inventeurs de la photographie.
Combien de membres comptent votre organisation ?
Le Capa est composé de 30 photographes dont 20 actifs et 10 autres amoureux qui aiment bien l’art…
Combien de femmes ?
Les femmes sont bien présentes dans la photographie et elles sont bien organisée. Vous avez par exemple l’Association des femmes photographes de Côte d’Ivoire, qui a une démarche de photographie de presse…
Aujourd’hui, je peux dire le secteur de la photo compte au moins 30% de femmes qui y gagnent leur vie. Certaines sont en freelance, d’autres travaillent dans des organes de presse. Aujourd’hui l’une d’entre elles a percée l’écran, Joana Smali, qui a eu un prestigieux prix à Amsterdam. Elle fait aujourd’hui partie des grandes figures de la photo… Oui les femmes sont dans le milieu et elles y font leur chemin. Elles se battent, elles luttent pour se faire référencer.
Réalisé par Ténin Bè Ousmane