Le Mardi gras est un jour festif. Marquant la fin de la « semaine des sept jours gras », le Mardi gras est suivi par le mercredi des cendres et le carême, période pendant laquelle les chrétiens sont invités à « manger maigre ». Fête généralement pour les enfants, elle est rythmée par le déguisement, le défilé… Mais de plus en plus, certains agissements portent à interprétation. 

A l’instar des autres pays, le Mardi gras a été fêté en Côte d’Ivoire. Pour l’édition de cette année tenue le 21 février dernier, les enfants ont montré leur génie créateur dans le déguisement.  Déguisement qui n’a laissé personne indifférente. Les images sont encore visibles sur la toile montrant des tout-petits déguisés en influenceurs pour certains (Emmanuel Keïta, Yvidero…) et en hommes politiques pour d’autres. La première Dame, Mme Dominique Ouattara, le président de la République, Charles Blé Goudé, président du Cojep, et bien d’autres. Chose qui a suscité des réactions sur la toile. « Je recherche le numéro des parents de ce joli… il est handicapé, je vois que ces parents ont fait de gros efforts », pouvait-on lire. 

Pour certains, derrière ces déguisements se cacherait l’intention d’attirer l’attention de ceux-ci sur eux pour bénéficier de leurs faveurs. « Mardi gras est devenu escroquerie maintenant. Ces parents profitent de la situation pour s’enrichir. En imitant les membres du gouvernement, ils cherchent quoi ? » s’interroge Mawa Kramo. Pour d’autres, ces parents sont à la recherche de buzz. Buzz démesuré qui, selon eux, tend à dénaturer le sens de ce jour festif : « Il y a plusieurs mendiants ici. C’est le père Daloa qui s’affiche en public, …voilà, on dit la première Dame, la recherche » s’indigne Mathurin Kouamé. Certaines personnes vont jusqu’à demander la suppression de cette activité du programme préscolaire. Pour eux, la célébration du Mardi gras est en train de perdre tout son sens. « J’ai lu sur internet, un internaute qui demandait même qu’on supprime mardi gras du programme préscolaire » constate la directrice d’une école maternelle (Maternelle stars). Elle lance un appel en réaction. « Svp ne supprimez pas notre mardi gras, ça permet aux enfants de s’épanouir et de se découvrir eux même. Effectivement, on voit tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux, … sinon la fête du mardi gras n’est pas organisée dans ce sens. Nous, on profite du Mardi gras pour instruire les enfants et leur donner l’envie d’apprendre et de continuer leurs études… C’est un réel plaisir pour eux de se sentir dans la peau du corps de métier auxquels ils aspirent », lance-t-elle avant d’ajouter : « mardi gras est bénéfique pour les enfants parce qu’ils apprennent et découvrent beaucoup de choses toute la semaine du mardi gras ».

La directrice pédagogique de l’école Famille de l’enfant Jésus, quant à elle, vole au secours de ces parents accusés sur la toile : « la fête du mardi gras fait partie intégrante du programme de la maternelle. L’objectif de cette fête au niveau du préscolaire est d’instruire les enfants sur un sujet choisi ou sur un corps de métier ».

Franck Kouamé, conseiller pédagogique, vient en renfort en expliquant l’importance de cette discipline pour le préscolaire : « le déguisement fait partie d’une discipline à l’école primaire : les AEC (activité d’éveil et de création). Cette activité vise à développer l’esprit de créativité, d’innovation. C’est un moyen pour déstresser les enfants timides et révéler les talents cachés de ces bambins, surtout à la maternelle. Il faut donner envie aux enfants d’aller à l’école et toutes ces activités vont leur permettre d’aimer l’école et de les préparer au cycle primaire ».  Parlant d’éducation et de découverte de talent, certains enfants ont essayé de donner une définition au Mardi gras : « mardi gras pour moi, c’est un carnaval au cours duquel on mange gras, on danse, on défile et à la fin, on fait des photos » explique une fillette de l’école maternelle rose bleu.

Mais lucide, le conseiller pédagogique constate qu’« à y voir de près, l’aspect culturel du mardi gras a pris une autre tournure.  Nous voyons des déguisements visés. On imite des personnalités aujourd’hui pour qu’on nous appelle.  Imitez par exemple les 49 soldats qui étaient retenus au Mali et je peux comprendre que c’est pour rendre hommage à nos soldats ! Mais, quand on va jusqu’à imiter la première dame ou même le président de la République, c’est quoi l’objectif ? », s’interroge-t-il. « Je propose qu’on revienne aux fondamentaux en expliquant aux enfants le sens et l’objectif du mardi gras », souhaite-t-il.  

Invitée sur un plateau télé, la mère de la fillette Syrine, âgée de 8 ans et en classe de CE2, « la première Dame du mardi gras », s’est défendue. « J’ai envie de dire aux Ivoiriens que ça n’a pas été prémédité. Il ne faudrait pas qu’ils pensent que nous avons fait ça pour soutirer de l’argent. Les gens verront que sur mes pages, j’ai pour habitude de faire pleins de choses avec la petite, donc ça n’a pas été prémédité », affirme-t-elle.

On se souvient qu’à la même fête de l’année dernière, Djikoman Peyton Marie-Elisabeth, fillette âgée de 3 ans, avait été déguisée en commissaire de police, d’où le surnom « commissaire tétine ». Elle avait gagné le cœur des internautes sans pour autant soulever une quelconque polémique.

Au fait, que dit l’église concernant le Mardi gras. Selon le prêtre Aka Alain de la paroisse Saint Jean-Marie Vianney de Gaya (Niger), le mardi gras fait partie du vocabulaire catholique. Mais, il n’y a pas une liturgie dédiée à ce jour-là comme la fête de noël par exemple. « Il est important de retenir que le mardi gras n’est pas une fête chrétienne, mais une fête qui a été empruntée d’une autre culture romaine, puis christianisée par les premiers chrétiens catholiques de Rome », affirme-t-il.

Grace Djazé

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