En Côte d’Ivoire les coutumes s’entremêlent mais chaque peuple garde une spécificité dans l’hospitalité légendaire partagée par tous les peuples ivoiriens. Chez les Kroumèn dans la région de San Pedro, la cola renferme tout un symbole de cette vertu. Le patriarche Aîmé Hiné, promoteur culturel et auteur de l’ouvrage ‘‘Connais-tu le Pays Kroumen ?’’ publié en 2017, révèle à VoixVoie De femme, les origines de ce rituel.

‘‘SÊDIOOO !!! SAGBLAAA !

Il était une fois, en pays Kroumen, un chasseur qui, pour trouver du gibier en brousse, s’en alla loin, très loin de son village. À tel point qu’au moment du retour, il se perdit en forêt.  Notre chasseur erra dans la forêt pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, incapable de retrouver son chemin et ne se nourrissant que de viande de brousse, de tubercules et de fruits sauvages. Parmi ces fruits, il y en avait un en particulier qu’il affectionnait beaucoup parce que ce fruit singulier parvenait à calmer sa faim pendant longtemps et lui procurait plus de force et de vigueur.

Ce fruit aux mille vertus, notre chasseur ne l’avait jamais vu auparavant. La première fois qu’il l’avait vu, c’était en forêt. En effet, il avait remarqué que les singes raffolaient de ce fruit rouge. Et, comme ces animaux n’en mourraient pas, il s’était lui aussi mis à en manger, juste par curiosité. Et, cette découverte l’avait émerveillé. Alors, pour ne pas en manquer dans sa longue pérégrination en forêt, il ramassa plusieurs cabosses qu’il mit dans sa gibecière.

Le petit fruit mystérieux aux mille vertus était devenu la nourriture préférée de notre chasseur. Il en mangeait pour lutter contre la faim, contre la fatigue et contre le sommeil. Après plusieurs jours et plusieurs nuits, il retrouva enfin le chemin de son village. Quel bonheur et quelle joie de retrouver les siens qui l’avaient cru mort ! On organisa donc une belle petite fête pour notre chasseur miraculé !

Au cours de la fête en l’honneur de notre chasseur, le chef du village lui demanda de raconter les péripéties de son long séjour en brousse. C’est ainsi que notre chasseur sortit de sa gibecière, tel un trophée gagné avec fierté, une cabosse qu’il montra à la foule de villageois accrochés à ses lèvres. Et il déclara : « Chers parents, voici le secret de ma survie en forêt. Oui, c’est ce fruit-miracle que j’ai découvert en brousse qui m’a empêché d’avoir faim et qui m’a donné la force de retrouver le chemin de mon village ». Ils décidèrent de l’appeler « Wlé » qui veut dire en langue Kroumen : repose-toi, reste tant que tu veux, séjourne ici !

Depuis ce jour-là, les Kroumen mangent la cola, fruit riche en caféine. La cola est devenue le symbole de l’hospitalité en pays Kroumen. Lorsque le Kroumen vous reçoit, il estime que vous avez marché longtemps, que vous êtes fatigué et qu’il vous faut redonner des forces avant de vous demander les nouvelles.

Le Kroumen, peuple au goût raffiné, a agrémenté la consommation de la cola d’un piment spécial appelé « Wlépia ». Ce piment est composé de poudre de poisson et de crevettes, d’huile de palme et de quelques fruits aromatiques afin de relever son goût.

La cola est enfin accompagnée d’eau plate puis de vin de palme, de koutoukou, de cane juice ou aussi de bière, de vin rouge, de whisky, etc.

Et, c’est seulement après la cola que le Kroumen vous dit : Manien ou Kéé a wi (quelles sont les nouvelles) ?’’

Recueillis par Jean-Baptiste Kouadio à San Pedro

Bon à savoir :

•         La nuit, les Kroumen n’offrent pas la cola à leurs étrangers. Sauf, pour une circonstance exceptionnelle (fêtes, funérailles, importance de l’hôte, etc.). 

•         Après avoir consommé la kola, l’hôte peut demander que la boisson (dite ‘‘eau de la Kola’’) soit gardée momentanément (Mahan gayebo) et partagée après les nouvelles.

•         C’est l’homme qui présente (annonce) la cola à l’étranger mais, c’est l’épouse qui l’offre (la prépare). En cas d’absence de l’épouse, on peut ne pas offrir de cola !

•         La cola peut être remplacée (ou renforcée) par des fèves de cacao, du manioc frais découpé en petits morceaux ou par du ‘‘Djoko’’, fruit sauvage comestible.

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