Il existe 16 différents espèces identiques de silures dont la plus connue est le silure glane. Ces poissons d’eau douce aux têtes larges et à la coloration parfois brun à noir en dégradé, orangée ou blanche sont bannis de nombreuses recettes culinaires en Côte d’Ivoire. Les raisons ci-dessous.
Qualifié de poisson mystérieux dans plusieurs régions et villages, la consommation du silure, l’un des plus gros poissons d’eau douce grégaire (Ndlr, espèces dont les individus vivent côte à côte en groupes nombreux) et territorial est carrément interdite.
« Lorsque la mort d’un silure est constaté, on le sort de l’eau, puis il est enterré au bord de l’eau enroulé dans un linceul blanc»
A Tanda, ville de l’est de la Côte d’Ivoire, dans la région du Zanzan dont la population était estimée à 22 225 habitants en 2010, précisément à Sapia, il est formellement interdit de manger ou même de tuer ces poissons qui se reproduisent dans la période de mai à juin. Dans ce village, fait savoir Atta Yao, « lorsque la mort d’un silure est constaté, on le sort de l’eau, puis il est enterré au bord de l’eau enroulé dans un linceul blanc».
Il y a bien longtemps, poursuit-il « Des migrants du peuple Koulango en quête de terre cultivable s’étaient retrouvés dans une forêt non loin d’une petite rivière de Sapia. Le gardien qui s’y trouvait confia aux migrants la perte de ses enfants parce que l’un d’entre eux avait consommé le poisson de cette rivière.». Ces derniers avaient ainsi l’interdiction de les consommer au risque de recevoir le même sort. Propos qui seront ensuite confirmés par un devin. « Ces migrants s’y installeront et créeront un campement qui deviendra ensuite un village ».
« Les silures représentaient nos dieux »
Chez les Djimini (Dabakala), indique Maférima Coulibaly, une Sage, la raison est bien différente. « Nos ancêtres adoraient l’eau. Les silures représentaient nos dieux. Ils avaient des cauris sur la tête. Depuis des lustres nous ne mangeons pas le poisson silure, car il représente un dieu pour nous. Lorsque quelqu’un avait besoin d’enfant, il allait au bord de l’eau en demander au silure qui l’exhaussait. Quelques soit le problème, on avait recours aux silures qui avait un grand pouvoir mystique », indique-t-elle.
En pays Gouro et chez les Mahous (Ouest-Côte d’Ivoire), l’interdiction de la consommation de ces poissons aux petits yeux sans écailles ne concerne que les enfants. Pourquoi ? « Ils avaient des cauris à la tête. Ce qui était considéré comme leurs forces. Ces silures étaient dotés de pourvoir mystiques. Donc les enfants de cette région ne devaient le manger. », Confie M. Nayi, Cadre de ladite région.
A Ayenoua, Ayebo et dans les villages environnant de la ville d’Aboisso, dans le Sud Comoé, l’abstinence de consommation s’en tient aux silures noirs. « Notre famille ne peut que manger le silure blanc. Ma maman qui maitrise cette zone y compris son histoire m’a dit que le poisson sort de l’eau et monte sur le palmier pour manger de la graine. Cela est considéré comme de la sorcellerie chez nous… », Révèle Monique Tanoh, fille du village Ayenoua.
Qu’en est-il lorsque l’interdiction n’est pas respectée ?
Beaucoup de personnes surtout les jeunes respectent peu ces totems instaurés depuis des lustres et affirment ne pas avoir de retombées. Mais, dans certaines régions et villages, il faut obligatoirement payer « une amende » pour éviter des répercussions non clairement identifiées comme à « Bokoré, (Tanda) ou seul le Chef du village est habilité à fournir la liste de l’amende », conclut Atta Yao.
Marina Kouakou