Les peuples africains puisent, très souvent, dans la nature les fondements de leurs sociétés. Chez les Sénoufo en Afrique de l’Ouest, le tronc d’arbre, renferme une profonde symbolique.
Dans la plupart des concessions de Korhogo, capitale de la région du Poro, en Côte d’Ivoire, on peut voir un ou quelques troncs d’arbres. Ils sont déposés à des endroits protégés. Ces morceaux de bois, dont le volume varie selon les familles, sont loin d’être des objets banals.
Le patriarche Yéo Foungatrigué, 63 ans, qui s’est confié à VoixVoie De femme, le lundi 02 novembre dernier au quartier Sinistré de Korhogo lève un coin du voile sur cette symbolique. « La culture sénoufo est constituée de plusieurs pratiques qui en font sa particularité. Ces troncs d’arbres que vous voyez dans certaines cours ou certains salons, sont offerts », explique le natif du village de Sissian, localité de la sous-préfecture de Tioro.
« Ce geste peut être interprété de différentes manières. Le tronc d’arbre est considéré comme une carte de réservation. C’est une manifestation d’affection », explique-t-il. Ainsi, selon M. Yéo, quand un Senoufo attaché à sa culture a des relations particulières avec un ami, il lui offre un tel objet. Et tel qu’il est fait, le morceau de bois, tiré directement de la brousse, est là pour l’éternité.
Selon le patriarche, c’est par l’offrande de tels objets qu’on manifeste notre amour et notre intérêt pour une fille qu’on veut en mariage. Et c’est la famille du prétendant qui en fait le don à la famille de la fille. « C’était un signe d’amour sincère », indique doyen. « La famille de fille, si elle accepte de vous donner sa fille, considère ce don comme une partie de la dote ».
Si aujourd’hui, beaucoup n’usent plus de cette pratique pour demander une fille en mariage, le tronc d’arbre garde encore toute sa symbolique d’antan. « Aujourd’hui encore, on voit le tronc d’arbre dans les cérémonies traditionnelle. On le voit avant ou après les cérémonies qui marquent la fin de l’initiation au poro », explique-t-il. En pays senoufo, le poro est école d’initiation à la vie pour tout jeune garçon majeur.
Selon le patriarche, le tronc d’arbre intervient surtout dans la résolution des conflits, notamment conjugaux. « Quand un homme se rend compte de l’infidélité de sa femme. Quand il en a la preuve, il saisit le chef du village ou un notable. Et en présence de cette personnalité, il remet à l’homme qui le cocufie ce tronc. Le message qu’il lui transmet c’est de lui laisser sa femme », explique le septuagénaire. Et le fautif n’a plus le choix que de demander pardon et de jurer de ne plus faire d’aventure avec la femme.
Pour Yéo Foungatrigué, le tronc d’arbre garde toujours sa place dans la vie en pays sénoufo, malgré les influences d’autres cultures. « Il ne saurait disparaître », se dit convaincu le patriarche.
Silué N’Gana