A la 11ème édition du Djaka festival qui s’est tenu du 11 au 14 août 2021,(évènement culturel qui rassemble depuis plus de huit ans les enfants de la région du Lôh-Djiboua, sous un thème annuel), les médicaments traditionnels que propose le Dr en médecine traditionnelle Nassa Prosper, depuis sont stand font fureur. Interview exclusive du tradipraticien, fils de la région du Lôh-Djiboua Nassa Prosper par Voix Voie de Femme, le vendredi 13 août 2021.
Comment êtes-vous arrivé à la médecine traditionnelle ?
J’ai appris auprès des ainés, et de ceux qui s’y connaissaient déjà. J’ai appris sur le tas. Je me suis cultivé. Il n’y a pas d’école pour la médecine traditionnelle, mais étant donné que j’ai déjà fait les bancs, il était pour moi plus facile de me perfectionner contrairement aux parents du villages qui ne peuvent pas connaitre certains termes de la médecine. Cela était vraiment nécessaire car, ce serait difficile de présenter mes produits et ses bienfaits uniquement dans mon ethnie, si je me retrouvais dans un autre milieu. Je pratique ce métier depuis plus de 10 ans. Pour mieux apprendre, il faut au moins 5 années de formations. J’ai fini la mienne en 2015. Je suis installée aujourd’hui à mon propre compte, au deux plateau bleu marine.
Quelle est votre formation de base ?
J’ai un BAC plus 2. Après l’école, j’ai fait quelques petits boulots. Je suis rentré dans la vie active, puis je me suis intéressé à la médecine traditionnelle.
Qu’es ce que vous proposez concrètement comme traitements ?
J’ai l’habitude de dire que j’ai une pharmacie. Je soigne plus de 10 maladies, avec plus de 10 médicaments différents. On traite la prostate, le diabète, la tension, l’anémie pour les enfants, tout comme les adultes, la colopathie, la constipation chronique, les boutons, les teignes, les dartres, l’ulcère, plaie de ventre…
Nous avons aussi des médicaments pour l’entretien de la femme. Il y en a qui luttent contre l’infection, la perte blanche, les démangeaisons vaginale. Ces médicaments délivrent de toutes ces maladies.
Il y a le baume pour les vielles personnes, celles qui ont les arthroses, les problèmes de dos, ou tout autre douleur. On l’applique, matin et soir. En une semaine il y a déjà de l’amélioration.
Nous soignons aussi les yeux, mais uniquement que lorsque l’œil est intact. S’il a déjà été opéré, nous ne le touchons pas. On a aussi des produits pour les femmes. Ils traitent les kystes, les trompes bouchées, les perturbations de menstrues, et la ménopause précoce. Ce sont des produits que nous emmenons partout. Les suppositoires que vous voyez sont très efficaces pour la constipation. Ils diminuent le ventre… Comme je le disais c’est toute une pharmacie.
Quels sont les maux d’yeux que vous traitez concrètement ?
La cataracte que nous guérissons en deux mois. La vision floue, la myopie, la graisse dans les yeux appelées généralement « koko ». Nos médicaments enlèvent ces graisses-là.
Quelles sont les maux que vous traités le plus souvent ?
Les maladies des yeux, la sinusite. Quand J’ai ouvert le stand ce matin, j’avais plus de 50 cartons, mais il ne reste plus grand-chose. Les clients achètent deux, trois, et même cinq cartons.
Il y a aussi l’anémie, les dartres, boutons, la maladie des enfants qui mangent et qui ne grossissent pas, l’ulcère, plaie de ventre, les kystes, fibromes… Les femmes vont à la pharmacie, on leur donne des antibiotiques. Ces infections reviennent. On a fait des médicaments qu’elles prennent en liquide avec de l’eau tiède. Elles font leur toilette, mentent le produit sur les cotons qu’elles utilisent pour leurs menstrues, et le porte au couché. Elles guérissent, et rajeunissent.
Les médicaments peuvent se prendre à tout âge. Seulement, les femmes enceintes ne prennent pas. Il y a des produits pour être enceinte, mais une fois enceinte on en prend plus. S’il y a complication, on propose autre chose, on peut suivre la grossesse jusqu’à ce que l’accouchement.
Quels sont les éléments que vous utilisez pour la composition de vos produits ?
Nous utilisons tout ce qui est naturel et tout ce qui est végétal. Les feuilles, les racines, les écorces… Ils sont naturels, ils sortent de nos forêts et de nos champs. Il n’y a pas de produit étranger. Tout est local, ivoirien, et provient du Lôh-Djiboua, précisément de chez moi à Lakota.
Retenir même les noms des feuilles et produits que nous utilisons, est un peu compliqué en « Dida », a plus forte raison en français. Ce n’est pas évident de pouvoir les nommer en français. Mais les choses qu’on connait couramment comme les feuilles de neem, moringa sont aussi utilisées. La particularité chez nous est qu’on utilise beaucoup plus de plantes rares qui proviennent de la forêt.
Notre équipe est regroupée en ONG. Il y a des commerciaux, des délégués… Notous sommes au minimum 5. L’ONG s’appelle Appromet-CI. Action pour la promotion de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles de Côte d’Ivoire. J’en suis le président. Nous existons depuis 3 années maintenant.
Pourquoi une ONG ?
Nous avons mis cette organisation en place pour plus de crédibilité. Les médicaments traditionnels sont vendus un peu partout dans les cars, les rues… Mais après achat, il est difficile de d’entrer à nouveau en contacter avec les vendeurs. Plusieurs naturothérapeutes se contentent d’acheter des produits à moindre coût, puis reviennent les revendre. Ils ne tiennent pas vraiment compte, de la santé du client. Nous savons pertinemment que les gens ont déjà une mauvaise image de nous. C’est pour cela que nous avons décidé de mettre en place l’ONG.
Vous savez qu’il est très facile de tracer une ONG. Il faut toute une procédure pour obtenir le récépissé. Si après avoir acheté et consommé l’un de mes produits, le client ressent un malaise, et qu’il lui est difficile de me joindre, ce dernier peut facilement porter plainte, avec le nom de l’ONG. Si je ne fais pas attention, on m’arrachera tout, parce que c’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui me cède une partie de son pouvoir. Si je ne fais pas bon usage de ce pouvoir, on peut me l’arracher.
L’autre avantage de l’ONG aussi, c’est le fait de ne pas payer les impôts, et de ne pas trop être contrôlé par la douane lors de nos déplacements. Cela nous permet de soigner nos parents à moindre coût.
En dehors de la vente, quelles autres actions menez-vous pour la promotion de la médecine traditionnelle, l’objectif majeur de votre ONG ?
Quand il y a des activités, les gens nous sollicitent pour la vente des médicaments à moindre coût. Nous acceptons. Nous vivons tous les réalités du pays. Tout a augmenté. La mise en bouteille, les emballages… On ne peut donc pas distribuer les médicaments gratuitement. Avant de venir ici par exemple, nous avons dû casser les prix. On a été sollicité aujourd’hui, mais on était obligé de casser les prix pour que nos parents puissent acheter les médicaments.
Nous avons divisé les produits en deux pour l’occasion. Ici on a les produits de 1000 FCFA, de 1500FCFA, et 2000 FCFA. Les suppositoires de 1000 FCFA. Les produits de femmes Kystes, fibromes et autre. Le paquet ici à cause du festival on le fait à 2000 FCFA. Les yeux à 3000 FCFA, la sinusite à 3000 FCFA, le baume qui était carrément à 8000 FCFA. On le fait à 5000 FCFA.
Vous parliez tantôt des naturothérapeutes qu’il semble difficile de recontacter après l’achat, ainsi que la consommation d’un produit. Es ce que votre ONG prévoit des actions dans ce sens pour rétablir la norme ?
Merci bien. Nous faisons partir de la fédération des tradipraticiens de Côte d’Ivoire. J’en étais le commissaire au compte. Je suis maintenant chargé avec une équipe, de mener la sensibilisation qui aura lieu bientôt.
Il s’agit d’une large sensibilisation, qui va inviter tous ceux qui se disent tradipraticiens et naturothérapeutes à venir adhérer à la fédération afin d’obtenir leur carte de membre. Dans quelques mois, nous allons entamer cela.
Nous ferons de notre mieux pour éviter que des personnes non reconnues par la fédération soient dans les cars, dans les rues. Ce sont des actions pour redorer notre image. Notre ONG ne peut pas mener cette lutte toute seule. Nous la ferons avec la fédération.
Et s’ils n’adhèrent pas ?
On dit fédération des tradipraticiens. Donc si tu es de la profession tu dois adhérer. Un pharmacien ne peut pas l’être sans faire partir de la fédération des pharmaciens. Ils sont obligés. Si on ne le fait pas les gens continueront de salir l’image de la profession.
Vous avez une idée du nombre de personnes qui ont obtenu la guérison totale grâce à vos remèdes ?
Rire. On ne peut pas compter le nombre de personnes que nous avons guéri. En médecine, lorsqu’on ne connait pas ton produit, les gens sont un peu réticents et c’est normal. Depuis des années nous envoyons des médicaments un peu partout. Nous avons traité une femme qui cherchait des enfants depuis des années. Aujourd’hui, elle n’hésite pas à distribuer nos numéros au Canada. On a soigné plein de personnes. Voyez que nous sommes à Djaka festival, ce n’est pas n’importe qui peut venir ici. C’est parce qu’il y a une certaine confiance.
Vous ne vendez pas seulement qu’en Côte d’Ivoire ?
Je les exporte un peu partout dans le monde. Au Canada, en France, aux USA… J’envoie des traitements pour des femmes qui désirent enfanter… Des gens pensent que chez les tradipraticiens, il n’y a pas de posologies de traitements, ni de doses. Pourtant, il y en a.
Vous voulez ajouter quelque chose ?
Dieu nous a donné les plantes et les richesses pour nous aider. Ne les négligeons pas. Le blanc nous fait croire qu’il n’y a qu’à l’hôpital qu’on peut se soigner. Mais je comprends, il y avait du désordre dans notre domaine-là. Beaucoup de malhonnêtes ont sévi. Ils ont escroqué des malades. On a perdu ainsi notre crédibilité. Mais aujourd’hui dans les pays voisins tels que le Ghana, le Nigéria… dans les hôpitaux, dans les CHU, il y a des naturothérapeutes. Après la consultation, le malade fait le choix du traitement. S’il n’y a pas de solutions à l’hôpital, il serait aussi mieux de venir essayer la base. Les plantes sont efficaces.
Réalisée par Marina Kouakou