À l’issue de la traditionnelle campagne de dépistage gratuite de l’endométriose sur l’étendue du territoire organisée par l’association des gynécologues de Côte d’Ivoire à la date du 30 mars, Adjoby Roland, gynécologue obstétricien au Centre hospitalier universitaire (Chu) d’Angré, explique comment se manifeste cette maladie.
Qu’est-ce que l’endométriose ?
L’endométriose génitale est une maladie assez mystérieuse qui est due au fait que l’endomètre au lieu de sortir vers les voies génitales lors des menstrues, cette couche qui est raclée au cours des menstruations et évacuée par voie génitale reflue par les trompes et se retrouve dans la cavité abdominale. Ce dysfonctionnement va entraîner des problèmes chez la femme. En effet, les hormones produites par les ovaires qui régulent les cycles menstruels vont agir sur ces fragments qui sont implantés dans la cavité abdominale. Cela va entraîner de façon cyclique des douleurs, des hémorragies, des accolements des organes. La femme présentera donc un tableau de douleur chronique.
Comment se manifeste-t-elle ?
En général, les femmes qui souffrent d’endométriose ont cinq types de douleurs de façon caractéristique. Elles ont des douleurs qui sont très particulières, des douleurs pendant les menstruations. Surtout à la fin des menstrues, ces douleurs sont plus maximales. Elles ont des douleurs pendant les rapports sexuels, des douleurs pendant les selles, des douleurs au moment de faire pipi. À cela s’ajoute l’infertilité. Une femme sur trois qui souffre d’endométriose aura des problèmes de fertilité. L’endométriose est un facteur de risque dans la fertilité d’une femme.
A quel moment cette maladie peut-elle survenir chez la femme ?
La maladie peut survenir à tout moment. Pourvu que cette femme soit une femme en activité génitale. Tant que les hormones ovariennes produisent des hormones, la femme est susceptible de faire un jour ou l’autre l’endométriose. Et ce, même si cette dernière a déjà contracté une ou plusieurs grossesses.
A quel stade peut-on la diagnostiquer chez la patiente ?
Généralement, la maladie est détectée en moyenne après 7 années d’évolution. Au cours de sa croissance la femme qui souffre d’endométriose va se plaindre de douleur. Les examens auxquels elle sera soumise ne vont pas montrer la maladie. La négativité de ces examens ne veut pas dire que la maladie n’a pas débuté. La maladie peut débuter à un stade infime que les examens ne pourront pas la détecter. Parfois, les éléments sont présents mais le prestataire qui la consulte n’y pense pas. Les années passent et le phénomène persiste. Des années durant, lorsque les foyers d’endométriose seront bien visibles à l’échographie, à l’imagerie par résonance magnétique (Irm) ou par vidéo chirurgie le diagnostic pourrait être positif. La femme est donc généralement, victime d’une errance diagnostique.
Est-ce une maladie mortelle ?
À priori non. Cependant l’endométriose peut atteindre des organes notamment le poumon. Quand ça atteint les poumons ça peut infiltrer les feuillets qui entourent les poumons qu’on appelle la plèvre et la remplir de sang pendant les menstrues. C’est un cas extrême. Dans ce cas-là elle peut causer le décès chez la femme.
Combien de type d’endométriose dénombre-t-on ?
Il existe deux types d’endométriose. Notamment, l’endométriose génitale qui est la plus fréquente et l’endométriose extra génitale qui ne court pas les rues. La plupart des fois, l’endométriose est génitale. Mais, la maladie atteint certains organes comme la vessie, les intestins, les poumons, le cerveau, l’ombilic.
À quelle âge une femme doit-elle faire son dépistage d’endométriose ?
En principe la femme doit commencer son suivi gynécologique à partir de 25 ans. A cet âge, la femme doit voir le gynécologue une fois par an jusqu’à l’âge de 65 ans. Généralement chez les femmes ménopausées il n’y a plus de sécrétion au niveau des ovaires. Donc elle ne court aucun risque de contracter cette maladie.
Quelle prise en charge pour les patientes ?
À l’instar de la France, en Côte d’Ivoire il n’y a pas de structure dédiée à toutes ces femmes atteintes d’endométriose. Ici en Côte d’Ivoire, une femme qui pense être atteinte de cette maladie doit systématiquement rencontrer un gynécologue pour un dépistage. En fonction de la tolérance clinique, selon la gravité des signes, ce dernier va définir le traitement qu’il faut. Parce que chaque cas d’endométriose est individuel. On peut citer entre autres, le désir de maternité, l’âge. Si vous m’envoyez une femme souffrante d’endométriose âgée de 40 ans qui a déjà 3 ou 4 enfants, je vais lui proposer de lui retirer ses ovaires et son utérus. Parce qu’elle n’est plus en âge de procréer.
Quel traitement approprié pour la jeune fille en âge de procréation ?
A la jeune fille de 25 voire 30 ans qui n’a jamais connu de maternité je vais la mettre sous traitement pour calmer ses douleurs et non lui proposer de lui retirer les ovaires, parce qu’elle a toute une vie devant elle. Pour elle on va essayer de faire un traitement conservateur, un traitement hormonal pour endormir la maladie en espérant que la maladie mette du temps à se reposer et profiter de cette période pour tomber enceinte. Sinon procéder à l’ablation de ses ovaires et de son utérus la condamne à ne jamais enfanter. Toutefois, elle n’est pas à l’abri du danger qu’est l’infertilité.
Par quels mécanismes l’endométriose affecte-t-elle la fertilité ?
Le fait d’avoir une endométriose est un facteur de risque important d’infertilité parce que l’endométriose affecte la fertilité de quatre façons. Premièrement, lorsque cette maladie atteint les ovaires de la femme, elle les détruit. Cette destruction ovarienne réduit le capital de follicules à la base de l’ovulation régulière. Lorsque le capital de follicule est en baisse, la jeune fille éprouve des difficultés à tomber enceinte. Cela va entraîner des inflammations au niveau de l’abdomen puisque partout où des fragments poussent il y aura une zone d’inflammation. Ces inflammations vont à leur tour gêner la captation d’ovules par les trompes. Ce qui va entraver la progression des spermatozoïdes. D’où la perturbation de la fécondation. In fine, les douleurs vont démotiver la jeune fille à avoir des rapports sexuels. Cette absence de désir sexuel va réduire ses possibilités de contracter une grossesse. Car, en âge de procréation, toutes femmes désireuses d’avoir un enfant doit avoir 2 ou 3 rapports par semaine. Par contre, s’il advienne qu’elle tombe enceinte elle peut être sujette d’une grossesse extra utérine.
Peut-on en guérir définitivement avant la ménopause ?
L’endométriose est une maladie entretenue par les hormones ovariennes. Donc, pour en guérir il faut supprimer les hormones ovariennes. La suppression des hormones ovariennes consiste à supprimer les deux ovaires et l’utérus. À défaut, l’on est obligé de faire des traitements dits traitements latents. Ces traitements consistent à endormir la maladie sur un intervalle variable. Cependant, à l’arrêt de ces traitements, la symptomatologie reprend. Puisque les hormones seront à nouveau secrétées. En un mot, le traitement médical ne permet pas la guérison. C’est un traitement chirurgicale radical qui peut guérir la maladie.
En tant qu’association de gynécologues, quel est votre combat ?
Il faut le dire haut et fort, l’endométriose est une maladie qui est invalidante, chronique qui affecte la qualité de la vie durablement. Empêche certaine femme d’aller à l’écoles, d’aller au travail. Donc, il faut pouvoir la dépister rapidement. Parce que détecté tôt ces patientes pourront bénéficier d’un suivi médical. Donc à travers nos différentes campagnes de sensibilisation et de dépistages gratuits, nous essayons de faire prendre conscience au personnel soignant de la possibilité de faire le dépistage précocement en recherchant quelques signes simples tels que, les douleurs, l’infertilité, les troubles menstruels.
Parlons de statistique
Nous n’avons pas de chiffres officiels sur la maladie parce que cette maladie n’est pas à déclaration obligatoire. Nous avons à notre disposition juste quelques chiffres hospitaliers des études qui ont été faites dans des centres hospitaliers universitaires (Chu).
Grace Djazé