Dr. Véronique Laubhouet, médecin-cardiologue, présidente fondatrice de la Ligue ivoirienne contre l’hypertension artérielle (LICH), explique, dans cette interview, comment se prémunir de l’hypertension artérielle. Elle donne également les recettes pour éviter les crises d’Avc.
Quelles sont les missions de cette Ligue ?
La LICH est créée pour lutter contre l’hypertension artérielle (HA) et les autres facteurs de risques des maladies cardio-vasculaires. Parce que l’hypertension artérielle est une affection qui est très fréquente. Et, à cause de son caractère asymptomatique, beaucoup de personnes se laissent surprendre par les complications de l’hypertension artérielle. C’est pour ça que nous avons voulu mettre en place cette Ong afin d’essayer de faire de la sensibilisation. Nous sommes donc créées pour sensibiliser, dépister et former les médecins généralistes sur la prise en charge de l’hypertension artérielle.
Nos activités consistent à aller auprès des populations, dans les groupes sociaux, églises, mosquées, associations professionnelles pour essayer d’expliquer les méfaits de l’hypertension artérielle. Montrer les complications de cette maladie. Parce que l’hypertension artérielle est capable de donner les AVC, l’insuffisance cardiaque, rénale, et même les crises cardiaques, les atteintes des yeux, des membres inférieurs, c’est-à-dire ce qui fait qu’on vous ampute. Elle peut également provoquer les ruptures des gros verseaux, anévrisme de l’aorte… Les conséquences sont tellement nombreuses et graves que nous avons voulu sensibiliser les populations.
En tant que cardiologue, quel est l’état de santé des Ivoiriens ?
Nous avons quelques statistiques en matière d’hypertension artérielle. La prévalence de cette pathologie évolue d’ailleurs. En 2006,la prévalence de l’hypertension artérielle était estimée à 21,7%. En 2009, 60% des personnes enquêtées étaient hypertendues. Donc, là, la prévalence est encore plus élevée parce que l’âge est un facteur de risque d’hypertension artérielle.
En 2015, des statistiques du Ministère de la Santé révèlent que la prévalence de cette maladie était à 30%. En 2018, l’Institut de cardiologie en association avec la société de l’hypertension artérielle ont observé que la prévalence était à 35%. Et là, tout dernièrement, il y a une enquête qui a été financée par la Banque mondiale qui fait était de 39% d’hypertension artérielle. C’est pour dire que, malgré nos actions, l’hypertension artérielle progresse bel et bien et fait des ravages dans les rangs de nos populations. Parce que ces dernières sont ignorantes et donc exposées aux facteurs de risques.
Comment s’en prémunir ?
Pour l’éviter, il faut connaitre les facteurs qui exposent à l’hypertension artérielle. C’est la consommation excessive de sel ; la sédentarité ; le stress ; l’obésité ; l’alcoolisme ; le tabagisme… tout ça sont des facteurs qui exposent à l’hypertension artérielle. Mais ce sont des facteurs modifiables. Ceux qui ne sont pas modifiables, c’est l’âge. Chaque jour, on augmente en âge.
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Autant, à l’extérieur, nous avons les rides qui apparaissent et les cheveux qui blanchissent, autant, à l’intérieur, les verseaux qui, dans lesquels le sang circule, prennent un coup de vieux, durcissent et qui font le lit de l’hypertension artérielle. Un autre facteur, le sexe masculin qui est le plus exposé à l’hypertension artérielle que le sexe féminin. Il y a également les prédispositions familiales. Le fait de naître dans une famille où les parents sont déjà hypertendus, cela expose déjà à l’hypertension artérielle.
Nous observons de plus en plus de décès dus à la crise d’AVC. Qu’est-ce qui explique cela ?
Les Accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont de deux types. Il y en a qui sont hémorragiques et il en a qui sont ischémiques. Nous avons récemment mené une enquête avec des structures où des statistiques ont parlé de 15 000 cas d’AVC chaque année en Côte d’Ivoire. C’est très fréquent les AVC. Mais qu’-est-ce qui est derrière tout cela ? Il y a beaucoup de facteurs. Il peut avoir des maladies vasculaires ; il peut avoir le diabète ; il peut avoir le cholestérol… l’hypertension artérielle apparait comme le premier facteur de risque des AVC. Parce que, je disais tantôt que l’hypertension artérielle est méconnue et donc les personnes hypertendues ne savent pas qu’elles le sont. Elles ne se soignent donc pas. L’hypertension artérielle va provoquer les AVC.
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Vous faites la promotion de l’automesure tensionnelle. Qu’est-ce que c’est ?
C’est une stratégie que nous avons voulue adopter cette année. Je vous disais que malgré toutes les sensibilisations l’hypertension artérielle progresse. Nous avons donc pensé que, avec les nouveaux appareils de tension, si nous sensibilisons les populations à mesurer leur tension elles-mêmes à la maison, ça va permettre de découvrir leur état de santé. L’automesure tensionnelle, c’est le fait de mesurer soi-même sa tension à la maison.
Et comme les populations attendent souvent de ressentir des signes avant d’aller à l’hôpital, et que les signes ne viennent pas, elles sont donc hypertendues sans le savoir. Puisque chaque maison familiale est généralement équipée en appareil, nous nous sommes dits que le tensiomètre ne coûte pas cher, pourquoi ne pas l’avoir à la maison. Avec ça, de temps en temps, on peut vérifier sa tension ; on peut donc la contrôler.
Nous faisons cette campagne cette année pour leur apprendre à interpréter les chiffres. Il y a des limites à ne pas dépasser. Une fois que les limites sont dépassées, ils doivent aller se faire suivre à l’hôpital.
Qu’est-ce qui vous manque pour atteindre tous vos objectifs ?
J’ai un appel à lancer aux entreprises qui peuvent nous soutenir. La campagne est vaste. Il s’agit de toute la population ivoirienne. Nous ne pouvons pas être partout à la fois. Nous appelons même les autres Ong de santé à faire comme nous.
Interview réalisée par Abou Zeid