Pédiatre depuis l’année 2008, Dr Joseph Ouattara, en fonction au CHU de Treichville est le responsable de l’unité de prise en charge des nouveau nés au CHU de Treichville. Dans cette interview accordée à VoixVoie de Femme, il renseigne davantage sur l’importance du taux d’oxygène dans le sang chez les enfants. Nous vous proposons la première partie.
Qu’est-ce que l’oxymètre ?
L’oxymètre est un instrument qu’on utilise pour évaluer la quantité d’oxygène dans le sang. En fonction de la quantité d’oxygène dans le sang, on adapte les quantités d’oxygène dont l’enfant ou l’individu a besoin. Les médecins, les pompistes, les urgentistes, dans les services d’hospitalisation l’utilisent essentiellement en urgence.
Quelles sont les causes du manque d’oxygène dans le sang ?
Cela est lié essentiellement à un certain nombre de maladies. Les causes peuvent être multiples. A savoir environnementales, des problèmes respiratoires, la défaillance du cœur, l’anémie…
J’explique. Lorsqu’il y a moins d’oxygène, une pollution avec du monoxyde de carbone ou autre, la quantité d’oxygène peut baisser et l’individu qui respire l’air contaminé de ce type-là peut avoir des manifestations liées à un manque d’oxygène dans le sang. Il s’agit là de causes environnementales.
Il peut s’agir aussi de maladies respiratoires. Il faut savoir qu’il y a trois organes essentiels liés entre eux. Il y a le cerveau qui commande tous les organes, c’est l’élément indispensable à notre existence, les poumons qui captent l’air, et le transporteur, (l’hémoglobine) qui est un constituant de globules rouges. C’est à travers le sang que l’oxygène est envoyé à tous les tissus et cellules de l’organisme. Une atteinte d’un des organes peut entrainer une baisse de taux d’oxygène dans le sang. Donc une maladie pulmonaire, un asthme qui n’est pas contrôlé, par exemple une infection pulmonaire, une tuberculose pulmonaire, un cancer pulmonaire, les grands fumeurs qui ont des pathologies au niveau du poumon… Peuvent être la source d’une baisse du taux d’oxygène dans le sang.
Si le cœur défaillant, il ne pourra pas pomper suffisamment du sang pour que l’oxygène arrive à toutes les cellules de l’organisme. Des maladies cardiaques notamment des cardiomyopathies, des anomalies au niveau des vals cardiaques, peuvent aussi entrainer des problèmes aux niveau de l’oxygène.
Il y aussi le cas du transporteur qui est le sang. Une anémie, l’élément clé qui est le globule rouge, s’il est en quantité insuffisante, peut créer des manifestations liées à une baisse de sang. Ensuite le cerveau qui commande, a aussi besoin d’oxygène. Si par exemple vous avez un AVC, une tumeur du cerveau, on peut avoir effectivement des anomalies ou baisse de la quantité d’oxygène dans le sang.
Il y a par ailleurs d’autres maladies dont les maladies métaboliques ou autres avec des complications qui peuvent entrainer la baisse d’oxygène dans le sang.
Quels sont les cas récurrents de taux de manque d’oxygène dans le sang ?
La cause première, c’est le paludisme avec comme corollaire les anémies qui accompagnent le paludisme. On parle de paludisme grave à la forme anémique. Je parlais tantôt du transporteur, les globules rouges. Lorsqu’il y a un manque, il y a effectivement des manifestations et après le paludisme, nous avons les infections pulmonaires qui sont aussi fréquentent dans nos services et dans notre quotidien.
Dans ces cas, quels sont les signes qui doivent alerter ?
Pour le paludisme, devant n’importe quel signe anormal, chez l’enfant. Lorsqu’un enfant fait la fièvre, se plaint de céphalées, ou a une attitude inhabituelle, il faut immédiatement aller consulter.
Mais, comme on le dit, « mieux vaut prévenir que guérir » et pour la prévention du paludisme, il y a un certain nombre de pratiques à adopter. Il s’agit de l’hygiène de l’environnement, ne pas verser de l’eau usée autours des maisons, bien nettoyer autour des maisons, éviter que l’eau stagne dans les vieux pneus, vielles boites ou autre. Ensuite, on peut mettre des grilles anti-moustiques aux fenêtres, utiliser des moustiquaires imprégnées d’insecticide à longues durées d’action. En ce moment, il y a une campagne du ministère de distribution gratuite de moustiquaires imprégnées à longues durées d’action. Ces méthodes permettent de prévenir. Malgré cela, si vous avez un signe anormal chez l’enfant ou chez l’individu, allez consulter le plus rapidement possible dans un centre de santé. A partir d’un examen simple qui se fait un peu partout, et en routine, on peut faire le diagnostic du paludisme et faire la prise en charge dès le départ. Ce qui évitera les complications.
Quels sont les coûts des traitements ?
L’oxygène est un peu comme un traitement symptomatique. C’est-à-dire, qu’après avoir observé un manque, on l’apporte et on recherche la cause concrète. Il ne s’administre pas en routine, en ambulatoire, sauf dans des cas particuliers chez des personnes qui ont des maladies chroniques particulières. Elles se promènent souvent avec des bonbonnes d’oxygène. Cela est fréquent chez les Occidentaux. Il y a aussi des cas ici, mais ils ne sont pas légion.
La fabrication de l’oxygène se fait dans les instituts privés, donc c’est de l’oxygène liquide qui est stocké dans les bonbonnes et distribué dans nos centres de santés et cela à un coût. En 2019, la structure dans laquelle je suis a dépensé environ 75 millions de FCFA pour l’année en oxygène afin d’alimenter tous les services de ladite structure.
Il est difficile de donner un coût puisque la prise en charge avec l’oxygène, c’est comme si on faisait un traitement symptomatique. Tout dépend de la cause de la maladie. Pour un paludisme simple qu’on peut guérir en trois jours, le coût n’est pas le même qu’une infection pulmonaire grave qui va faire deux à trois semaines d’hospitalisation avec une utilisation pendant peut-être une semaine ou 10 jours. Ce n’est pas pareil.
Combien de cas traitez en ce moment ?
En ce moment notre service est plein. Dans l’unité de prise en charge des nouveaux nés, on n’a quasiment plus de place. Les nouveaux nés utilisent beaucoup d’oxygène. Aux urgences de pédiatrie, il n’y a quasiment plus de place. Tous les lits sont occupés. Au rez de chaussée, quand on fait la visite et les sortir, en moins de 24 heures les places sont réoccupées.
La Covid-19 en est-elle la cause ?
Très peu de cas de Covid-19 en pédiatrie (chez les enfants), donc il n’y a pas véritablement d’augmentation des besoins en 02 (dioxygène). Cependant chez les adultes et dans certains services (réanimation, maladies infectieuses…) les besoins en oxygène ont augmenté.
Combien de cas recevez-vous dans l’année ?
Les 2/3 de nos malades ont besoin d’oxygène. Dans l’année, nous sommes autour de 6500 hospitalisations. Quand je parle des 2/3, nous sommes autour de 4000 patients qui utilisent l’oxygène, mais la durée est variable. Il y a certaines personnes qui utilisent sur 24 heures, il y en a d’autres qui vont un peu plus loin 72 heures, une semaine, ça dépend de la maladie en cause.
Marina Kouakou
Lire la deuxième partie dès le lundi 19 avril 2021 sur voiedefemme.net
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