Dans son plan d’action 2021-2023, l’INHP veut davantage contrôler la sécurité alimentaire dans les écoles (photo: source Fratmat.ci)

Ingénieur sanitaire et sociologue de la santé, le Docteur Oulaï Roger est aussi le chef de service de l’hygiène générale de l’Institut national d’hygiène publique (INHP). Dans cette interview accordée à VoixVoie De Femme le mardi 16 février 2021, il évoque l’action de son institution pour la sécurité alimentaire dans les écoles.

Aux abords des établissements on voit très souvent des vendeuses de denrées alimentaires diverses qui proposent leur marchandise aux élèves. L’INHP a-t-il un regard sur la qualité de ces produits ?

L’INHP est un établissement public national (EPN), du ministère de la Santé et de l’hygiène publique. Il est créé par le décret n 91-656 du 9 octobre 1991. Selon ce décret, il est chargé de l’application de la politique sanitaire nationale en matière d’hygiène générale. Dans sa stratégie de mise en œuvre de la politique nationale d’hygiène générale, l’INHP a institué un Certificat de salubrité dont l’obtention est assujettie à une inspection sanitaire. Pour se faire, une fiche d’inspection sanitaire déjà confectionnée est dédiée aux établissements scolaires. Elle prend en compte l’hygiène dans son aspect global. Avec cette fiche, les inspecteurs sanitaires se présentent dans les établissements pour l’inspection sanitaire.

Dr Oulaï Roger, chef du service de l’Hygiène générale à l’INHP.

L’inspection sanitaire d’une école, prend en compte cinq différents aspects. Le premier, l’hygiène du bâtiment. À savoir l’aération de salles, la ventilation, l’éclairage. Il y a aussi les dimensions de la classe. Nous vérifions si les dimensions prescrites sont respectées, car il faut un minimum d’au moins 5 sur 7 mètres pour accueillir en moyenne entre 35, 40 et 50 élèves.

Le second aspect, ce sont les toilettes. Les inspecteurs sanitaires s’assurent de ce que l’école dispose de toilettes pour les élèves, des lavabos, des urinoirs, des WC. Ils font le ratio entre les toilettes existantes et le nombre d’élèves. Le ratio recommandé par l’OMS, c’est un point d’eau pour 60 élèves.  En fonction du nombre d’élèves de l’établissement, on sait plus ou moins, le nombre de points d’eau à disposer. L’inspection sanitaire s’intéresse aussi à la gestion des déchets. Le nombre de corbeilles dans les classes, les poubelles dans la cour.

Le troisième aspect concerne l’approvisionnement en eau potable (l’AEP). Ici, Il faut s’assurer qu’il existe un système d’approvisionnement en eau potable pour les élèves. Donc on verra la présence de l’eau et du nombre de robinets dont disposent sur place.

Le quatrième élément est la gestion des eaux usées. Puis vient le cinquième aspect, la commodité pour la restauration. Nous avons une vision globale de l’hygiène au niveau de la gestion de l’hygiène scolaire dans les établissements.

Arrêtons-nous sur la restauration. En quoi cela consiste-t-i ?

La commodité pour la restauration prend en compte les commerçantes des marchés scolaires installées au sein des écoles et même celles installées en dehors de l’école qui vendent pour le compte de ces élèves. Elle s’étend jusqu’aux cantinières. 

Dans un premier temps, nous sensibilisons ces femmes sur l’hygiène alimentaire. On leur recommande ensuite de faire le vaccin de la fièvre typhoïde puisque cette maladie fait partie des maladies à mains sales. Si quelqu’un a ce mal et qu’il va à la selle sans observer correctement l’hygiène des mains, il est susceptible, à travers ses mains, de souiller le repas vendu et les personnes qui vont le consommer seront donc contaminer. Pourtant le vaccin protège de cette péri fécale qui est la fièvre typhoïde.

On entretien aussi ces femmes sur la conservation de la liaison chaude pour les repas cuisinés. Il ne faut surtout pas qu’elles vendent des repas préparés la veille. Beaucoup d’entre elles le font. Cela peut causer des maux de ventre. On recommande également de fermer les repas pour éviter les mouches. L’entretien porte aussi sur la question de la conservation de la chaine de froid. Il ne faut pas laisser le jus se décongeler complètement avant de le vendre.

Après ce travail préliminaire, on leur délivre une attestation de mise en vente des denrées alimentaires artisanales. Ce document indique qu’elles ont été sensibilisées, et ont pu faire leur vaccin de fièvre typhoïde. Elles paient la somme de 10 000 FCFA pour l’attestation, contrairement au certificat de salubrité pour les restaurants en ville qui coûte 20 000FCFA.

Vous avez parlé de sensibilisation des commerçantes dans les marchés scolaires ou des cantinières à la vaccination contre la fièvre typhoïde. Pourquoi seulement cette maladie quand on sait que l’une des formes de l’hépatite fait partie des maladies à mains sales ? 

Selon le décret de création, l’INHP a en charge la vaccination au niveau de la population. Le vaccin de l’hépatite A n’est pas disponible à l’INHP. Nous ne pouvons donc pas dire à quelqu’un de faire ce vaccin alors que nous ne l’avons pas ici. Tous les éléments qui peuvent entrainer la fièvre typhoïde sont les mêmes pour l’hépatite A. Alors si elles prennent toutes les dispositions de la fièvre typhoïde, elles prennent également les dispositions de l’hépatite A. Comme le vaccin de la fièvre typhoïde est disponible en notre sein, nous les amenons à le faire et à observer les règles d’hygiène qui permettent d’éviter l’hépatite A aussi.

Quelles est la fréquence de ces sensibilisations au sein des écoles ?

Ces inspections ne sont pas systématiques. Pour les établissements privés avant l’agrément qui permet de fonctionner, il y a un certain nombre de documents que l’établissement doit fournir à l’Etat. Il y a entre autre, le certificat de salubrité évoqué plus haut. L’établissement va nous solliciter pour une inspection. C’est en ce moment-là que nous le faisons avec tous les aspects que j’ai énumérés tantôt.

En ce qui concerne les établissements publics, avant la construction, l’Etat délivre un permis de construire au promoteur. Nous passons au contrôle au niveau de la commission nationale de permis de construire, en tenant compte des aspects qu’il faut, avant de donner le permis de construire.

Pendant que l’établissement fonctionne, pour qu’on aille faire une inspection, il faut qu’une demande nous soit adressée. Il faut nous solliciter bien avant.

Vous n’avez donc pas de programme préétabli pour des visites inopinées ?

Quelques fois, on peut faire cette intervention. Actuellement, on ne le fait pas régulièrement. Le travail est immense. Nous ne pouvons pas être dans tous les établissements en même temps. Comme les acteurs du système scolaires, vous l’ont si bien signifié, cela fait pratiquement une année que nous avons visité les écoles. Mais, tout le monde est au courant, la Covid-19 a dérouté toute la machine de l’Etat. De mars à juin 2020, nous étions pratiquement aux ralentis dans les inspections, mais aujourd’hui tout à repris.

Nous avons des antennes un peu partout à Abobo, à Treichville, à Port-Bouet, à Yopougon…, en plus de la direction. Les inspecteurs se déploient dans les établissements.  

Mais, je vous avoue que le travail est immense. Les établissements sont si nombreux, si bien que, quelques fois, une école peut ne pas recevoir notre visite et l’année peut se terminer. Cela ne veut pas dire qu’on ne les avait pas prévus dans notre planning, mais les passages dans les autres établissements peuvent avoir ralenti le travail des équipes. Ils diront que l’INHP passe rarement.

Comment procédez- vous concrètement durant ces contrôles ?

Nous avons des antennes à Yopougon, et dans d’autres quartiers. Je ne peux pas connaitre le planning des visites de différentes antennes. Nous avons beaucoup d’autres activités donc le déploiement dans les établissements scolaires n’est pas toujours pour la commodité de la restauration. 

Néanmoins, dès notre arrivée, nous allons vers la direction de l’établissement et nous nous présentons. Nous leur disons qu’il s’agit de l’équipe de l’INHP qui est venue pour le contrôle des établissements en matière d’hygiène en milieu scolaire. On leur pose des questions pour recueillir des informations administratives. Je vous ai parlé de ratio, on leur demande le nombre d’élèves, le nombre de toilettes puisqu’il y a des ratios imposés par l’OMS.

Ensuite, on passe en revue la fiche d’inspection. La question de la restauration y figure donc on vérifie si les dames observent le minimum requis. Il s’agit du fait que les aliments soient bien couverts, qu’elles ont des ongles courts, les cheveux couverts. Tout ce qu’il y a à contrôler. Elles doivent nécessairement avoir les ongles courts, elles doivent porter des coiffes, couvrir les repas.

Avec l’avènement du coronavirus, y a-t-il eu des mesures particulières ?

La Covid-19 vient ouvrir nos yeux sur ce qu’on négligeait avant. A savoir la question de l’hygiène. Si les règles d’hygiène sont respectées, il n’y a pas de quoi à s’inquiéter. La covid-19 nous invite à nous laver les mains, à respecter la distanciation sociale, à porter le masque. On n’a pas besoin de programme spécifique, puisque les personnes qui sont dans le milieu scolaire sont aussi des personnes qui vivent dans la communauté et l’Etat sensibilise toutes les couches à travers la télévision et les SMS. Ceux qui vont en milieu scolaire reçoivent tout ça.  Nous n’avons pas établi de programmes spécifiques à cet effet.

On parle d’hygiène dans les marchés scolaires et de la santé des tous petits pourtant…

Nous avons un travail très immense. Imaginez-vous le nombre d’établissements que nous avons à visiter. On peut visiter un établissement par surprise, mais les inspections se font aussi à la demande. Nous mettons en priorité les demandes qu’on reçoit régulièrement. Lorsqu’il y a des demandes de personnes qui se sont acquittés des 20.500FCFA pour avoir le certificat de salubrité, elles viennent en priorité. On ne va pas les laisser pour aller faire l’inspection de celui qui n’a pas formulé une demande, même si cela nous incombe de le faire vu qu’on parle de la santé de la population scolaire en particulier. Je veux dire qu’on cherche à satisfaire d’abord les demandes formulées. Quand on a un bout de temps on passe aussi dans les établissements qui n’ont pas formulés de demandes pour la santé de la population.

Avez-vous le sentiment que vos conseils sont entendus en ce qui concerne les bonnes pratiques d’hygiènes ? 

En général les gens sont attentifs, quand on leur donne des conseils. Mais quelques fois, la mise en application de ces conseils dans les activités de sensibilisations pose problème. Les commerçantes disent généralement qu’elles ont compris, mais quand on revient un mois après, on constate qu’elles ne se voilent pas quand elles servent les repas par exemple. Il m’est arrivé de revenir sur mes pas un mois ou deux mois après. Les repas n’étaient pas fermés, elles avaient pour justification qu’elles veulent servir rapidement. En termes de retour, la mise en application des conseils reste toujours difficile.

Que comptez-vous faire pour un changement effectif de comportement ?

La sensibilisation. L’Etat est le père. Il est facile de sanctionner s’il n’y a pas de respect des règles prescrites. Il est facile de les interdire la vente. Mais, les commerçantes vous diront qu’elles se débrouillent et au lieu de les soutenir, on les sanctionne. L’Etat est prêt à sanctionner. Mais nous privilégions la sensibilisation.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Nous sommes conscients que la tâche est immense. À travers vos questions, je vois que vous attirez notre attention sur le fait que nous devons nous déployer davantage au niveau des écoles pour la santé de nos enfants. Nous allons faire beaucoup de planning dans ce sens pour avoir un regard régulier de ces aliments scolaires, et faire en sortes que sur ces marchés des écoles la question de l’hygiène alimentaire soie correctement adressée. Dans notre plan d’action 2021-2023, on a même fait un projet de recherche avec les cantines en collaboration avec le ministère de l’Education nationale, parce que nous estimons que c’est une question très importante.

Interview réalisée par Marina Kouakou

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