Ce n’est un secret pour personne. De plus en plus de personnes dans notre société développent des difficultés visuelles. Enfants, jeunes, adultes, tous ont des problèmes de vue. Pour en parler, votre média, VoieVoix De Femme, s’est intéressé à une professionnelle du métier de l’optique en Côte d’Ivoire.

Mme Annick Koffi, présidente du CSMOCI, responsable d’Optic Bel’Vue, nous a ouvert les portes de son entreprise, le jeudi 4 novembre 2021, sis à Cocody, lors d’un entretien. L’opticienne lève un coin de voile sur les lunettes qui, en plus de constituer un outil médical, sont aussi et surtout perçues comme un accessoire de mode pour certaines femmes.

Qu’est-ce qu’un opticien selon vous ?

Un opticien, c’est le pharmacien des lunettes. C’est-à-dire, en général, quand une personne va chez le médecin, elle a une ordonnance pour aller voir le pharmacien pour acheter ses médicaments. Et donc, le pharmacien ici c’est l’opticien. L’opticien est celui qui va exécuter l’ordonnance d’un ophtalmologiste ou d’un optométriste.

Comment se présente le marché de l’optique en Côte d’Ivoire ?

Le marché de l’optique est évolutif. C’est un tout nouveau marché. Bien vrai que cela fait 20 ans que je suis dans le métier, mais on peut dire c’est un marché jeune. Parce que l’optique existe ailleurs, en Europe, depuis deux siècles. Alors qu’en Côte d’Ivoire, c’est seulement depuis soixante (60) ans, avec les plus anciens que tout le monde connait, France Optique. Après, il y a eu des opticiens qui sont rentrés de l’école en Europe pour venir s’installer en Côte d’Ivoire.

Mais, ils n’étaient pas nombreux. De 1990 jusqu’en 1995, on avait une dizaine d’opticiens. Et là, nous sommes en 2021, on peut compter plus de 700 à 800 opticiens sur la place en Côte d’Ivoire. Donc, vous voyez que le marché a beaucoup évolué. Il est donc jeune ce marché comme je l’ai dit. Il y a encore beaucoup de choses à faire pour l’améliorer. 

Avec ce nombre pléthorique qui s’accroît chaque année, comment les professionnels arrivent-ils à s’en sortir ?

Ce nombre est dû à l’école qui s’est installée en 1999. Moi je suis de cette école. Je suis de la deuxième promotion de l’école d’optique de Côte d’Ivoire (ISFOP Optique), qui est la seule école de la sous-région Ouest-africaine. Elle est toujours la seule école. Et comme l’optique n’était pas un secteur très développé dans notre pays, il n’était pas très régi. Il y avait des articles qui existaient, mais le secteur n’était pas très réglementé.

Aujourd’hui, avec une association pour laquelle je suis la présidente depuis un an, nous essayons de réglementer, d’apporter notre petit grain de sel pour la réglementation du secteur de notre métier qui est l’optique.

Vous êtes présidente du Conseil Supérieur des Métiers de l’Optique en Côte d’Ivoire (CSMOCI). Comment se porte cette association ?

Le CSMOCI, comme je le disais, est une association de notre secteur d’activité. Elle essaie aujourd’hui d’être en partenariat avec les ministères de tutelle pour apporter des textes de réglementation à notre métier pour essayer de le professionnaliser au mieux. Parce que malheureusement, le nombre pléthore d’opticiens fait qu’il y a un désordre dans le secteur. Aujourd’hui, nous voulons faire appliquer les textes qui existent et des décrets qui sont sortis en 2019.

Au niveau de votre officine, comment vous vous en sortez  malgré toute cette concurrence ?

Optic Bel’Vue est une jeune entreprise. J’ai travaillé pendant sept (7) années avant de mettre en place mon entreprise. et cette entreprise a treize (13) ans aujourd’hui. Elle existe depuis 2008. Cette entreprise a vu sa naissance par un projet. Après avoir travaillé pendant ces années, j’ai senti le besoin d’entreprendre, de m’installer, d’ouvrir mon cabinet de lunetterie. Parce que je m’étais dit qu’à l’époque, la plupart des cabinets d’optique étaient concentrés au Plateau, qui est la zone administrative de notre pays. C’est là-bas que tout le monde allait faire ses lunettes. J’ai donc senti le besoin d’aller ailleurs, dans un notre quartier pour y installer un autre cabinet d’optique.

Parce que je me suis dit que la population a aussi besoin d’avoir de la qualité que des produits adaptés. Par exemple, quand on faisait des lunettes, on partait voir un ophtalmologue, quelque soit la commune, tout le monde convergeait vers la commune du Plateau. Et, j’ai eu beaucoup de chance ! Parce que, je ne suis pas d’une famille nantie. Je suis née d’une famille très modeste. Et j’ai eu de la chance, j’ai fait un projet et j’ai été financé à l’époque par le Fonds National de Solidarité (FNS). Et c’est ainsi que mon projet a vu le jour dans la commune de Yopougon. Je me suis donc installée à Yopougon en octobre 2008.

Treize (13) années sur le marché, est-ce qu’on peut dire que, Optic Bel’Vue, se porte bien ?

Oui ! On peut le dire ! Parce que, cinq (5) ans après, Optic Bel’Vue a fait une succursale dans la commune de Cocody où nous sommes en ce moment. elle se porte donc bien ! Nous essayons d’équiper au mieux la population selon les normes. Parce que, les équipements se font un peu partout, mais sans suivre les normes. On ne respecte pas les normes de l’optique. On fait des lunettes parce qu’il faut les faire. Nous, nous appelons cela des lunettes « bana bana ». C’est-à-dire que les gens achètent n’importe quoi. Les verres ne correspondent pas aux normes. C’est comme les médicaments de la rue.

Nous, nous inscrivons aujourd’hui dans les normes qu’il faut pour faire des lunettes. Notre entreprise est très professionnelle. C’est donc le professionnalisme qui a fait parler de nous. Et, c’est le bouche à oreille qui fait que les gens viennent vers nous. On peut le dire parce que nous ne faisons pas de grande publicité. Mais nous faisons parler de nous.

Avez-vous une stratégie particulière pour attirer votre clientèle ?

Optic Bel’Vue qui est une entité complètement indépendante a sa petite stratégie aussi. Celle d’être très professionnel, l’accueil de la clientèle, le suivi de la clientèle et surtout, chez nous, chaque client est privilégié. Nous ne faisons pas de différence entre celui qui n’a pas de moyen et celui qui en a. Nous mettons tout le monde sur le même pied d’égalité. C’est vraiment une famille que nous essayons de construire avec ses clients. Il y a beaucoup de suivis, beaucoup de conseils aussi…

Le petit plus qu’on a, c’est que, lorsque les clients arrivent, ils sont contents de comprendre comment fonctionne d’abord l’optique, c’est quoi leur ordonnance, c’est quoi une lunette, avant de leur demander de payer quoi que ce soit. Et ça, les clients apprécient.

Nous savons que les clients, dans tous les domaines, peuvent se montrer très exigeants. Qu’est-ce qui en est pour les femmes ?

Chez Optic Bel’Vue, nous adorons les clients exigeants ! Parce que, plus le client est exigeant, plus nous excellons dans ce que nous faisons. Plus nous savons que le client est exigeant, plus nous prenons soin de lui. Il faut être attentionné. On peut dire que c’est l’une des particularités qui fait que le bouche à oreille marche chez nous. Parce qu’un client exigeant, quand il sort d’ici heureux, c’est dix autres clients que nous gagnons. Et nous demandons toujours au client de revenir s’il ne se sent pas bien. S’il y a un petit élément qui le dérange, il faut qu’il nous fasse un retour. Parce que nous cherchons toujours à nous améliorer.

Pour ce qui est des femmes, les clientes exigeantes, je peux dire qu’en général, elles sont satisfaites. J’explique… La stratégie. Comme je l’ai dit, c’est de faire du client, quelqu’un de particulier. Donc, lui faire comprendre que le produit qu’elle a choisi, elle est unique à l’avoir. Parce qu’en général, les pièces que nous vendons sont des pièces rares dans le magasin. Nous vendons des pièces uniques à chaque personne. Et surtout, si c’est une dame, la pièce qu’elle va choisir sera une pièce unique, adaptée à son visage, adaptée à ses habitudes…

Parce que les lunettes, c’est en fonction de ses habitudes de tous les jours, de l’utilisation que nous allons en faire, qu’on les prend. Et quand nous conseillons ainsi, en général, les clientes sont satisfaites parce qu’elles ne repartent pas qu’avec une seule lunette. En leur expliquant très bien, en fonction de l’endroit où elles seront, de leur habillement… voilà telle ou telle lunette qu’il faut prendre.

Quel type de personnes peuvent venir chez Optic Bel’Vue ?

Toutes les personnes peuvent venir chez nous. Toute classe. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il n’y pas de différenciation. Nous arrivons à satisfaire tout le monde. En fonction du budget la personne, nous arrivons à les satisfaire. Nous conseillons énormément. Nous sommes à Yopougon et nous sommes à Cocody. Donc, vous voyez que ce sont deux communes très différentes. Aujourd’hui, nous avons également un cabinet qui  a été ouvert à la 7e Tranche. Pour vous dire que c’est tout le monde qui peut se sentir concerner.

Lorsque nous nous sommes installés à Yopougon, nous nous sommes rendus compte que la population n’était pas « éduquée à l’optique». Elle ne comprenait pas le contexte de l’optique. Ce qu’elle se disait, c’est que lorsqu’on arrive sur un marché, on prend les lunettes et  on les porte. Nous avons donc dû leur expliquer comment cela se passait. Que les lunettes se donnent toujours sous prescription d’un médecin.

On peut porter des lunettes quelconques, mais il ne faut pas porter du n’importe quoi, ce que les gens vendent dans la rue. Quand un client arrive chez nous et nous lui expliquons, c’est une autre vision qu’il a. C’est tout un processus pour avoir des lunettes. C’est donc ce que nous essayons de faire pour rééduquer la personne qui vient. Parce qu’en réalité, elle ne maitrise pas le sujet… Donc, l’opticien, c’est beaucoup, beaucoup de conseils. C’est ce qu’on essaie d’inculquer à l’association. Que les opticiens comprennent que, l’opticien, ce n’est pas qu’un vendeur de lunettes. Mais, il fait du conseil et il adapte les lunettes en fonction des besoins du client qu’il a en face de lui.

Qu’est-ce qui expliquent les problèmes récurrents de vue chez les populations aujourd’hui ?

Pour les problèmes récurrents de vue chez les populations, c’est tout à fait normal. Nous sommes à l’ère des NTIC. Donc l’évolution du monde demande une plus grande sollicitation de la vue. C’est-à-dire que nous sollicitons notre vue pas au même titre qu’il y a une soixantaine d’années. L’évolution de l’informatique, des Smartphones, des téléphones, de la lumière, de la télévision… tout ça fait que nous sollicitons plus notre organe qui est la vue. Donc, plus nous sollicitons la vue, plus nous nous rendons compte que nous avons des défauts visuels. Parce que les problèmes de vue que nous avons, sont des défauts visuels qui sont révélés quand nous sommes devant un écran d’ordinateur, ou une tablette ou même quand nous devons commencer à aller à l’école pour les enfants. Quand un enfant a un problème de vue, il peut ne pas le savoir. Mais dès qu’on lui demande d’écrire, de lire, de plus solliciter l’organe qui est la vue, on va se rendre compte que l’enfant a un petit problème de vue qu’il faut corriger.

L’adulte aussi peut avoir un problème de vue, qui est là, et qui ne le dérange pas. Mais dès qu’il va commencer à se mettre sur les écrans d’ordinateur, il va se rendre compte, qu’à la longue, il a un problème de vue. Il va donc aller voir un ophtalmologue. C’est tout ceci qui fait qu’on constate beaucoup de problèmes de vue de la population.

Quels comportements adopter face à ces difficultés ?

En général, ce qu’on demande, c’est de se déconnecter le plus souvent possible. Mais, malheureusement, quand nous quittons un écran, nous sommes sur un autre écran. Il faut donc essayer de revenir aux anciennes habitudes qui étaient, par exemple, la lecture, les balades pour regarder la nature…

Et quand on a un téléphone portable, il faut se déterminer un temps pour se déconnecter. Cela s’appelle le temps d’écran. On peut passer huit (8) heures sur un écran sans s’en  rendre compte. Lorsque nous sommes dans une salle d’attente, rapidement, nous sommes sur notre écran de téléphone.

Combien de temps doit-on porter ses lunettes et à quel moment l’on peut les changer ?

Les lunettes, normalement, nous les portons pour corriger notre vue. En général, quand on met les lunettes au bout de deux ans, nous conseillons au porteur de faire vérifier la vue. Donc, il n’y a pas de délai à proprement définit. C’est en fonction des amétropies, en fonction des problèmes de vue qu’a la personne qu’elle doit mettre les lunettes. Mais nous conseillons au bout de deux ans, qu’il faut faire contrôler la vue.

Pour les enfants qui ont de réels problèmes de vue, c’est chaque six (6) mois qu’il faut se faire consulter. Sauf s’il y a beaucoup d’éléments qui rentrent en ligne de compte pour changer les lunettes. La dégradation des lunettes par exemple.

Des conseils à donner à la population

En général, moi je conseille systématiquement de se faire dépister pour voir si on n’a pas de problème de vue. Sur dix (10) personnes, on peut trouver au moins sept (7) qui ont un problème de vue à compenser. Il faut donc se faire dépister et aller chez les professionnels des lunettes pour acheter ses lunettes. J’insiste sur professionnel, qui fait les lunettes en respectant les normes de la profession.

Arsène L.

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