Le taux de décès du palu en Côte d'Ivoire a baissé de de 50% de 2016 à 2020. (Ph: plan international)

La pandémie du coronavirus semble avoir éclipsé les autres urgences sanitaires, notamment le paludisme, pourtant reconnu comme l’une des premières causes de mortalités chez les enfants et les femmes enceintes. 

Le 21 mai dernier, M. C. est décédée au Centre hospitalier urbain d’Abidjan-Treichville. La jeune femme, alors âgée de 28 ans, portait une grossesse de 8 mois. Elle avait été transférée d’urgence aux urgences de ce centre de santé, deux jours plutôt. Son mari a été informé des causes de la mort de sa femme enceinte. Elle était anémiée. Une anémie due à un paludisme chronique…

Alors que tous les radars sont braqués sur la lutte contre le coronavirus, le paludisme lui, semble continuer de décimer enfants et femmes enceintes… sans bruits. L’an dernier, cette maladie tropicale a tué près d’un demi-million de personnes en Afrique subsaharienne. Notamment des femmes enceintes et des enfants. Ces derniers constituent 67% de ce chiffre. Ces chiffres sont de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cette année, les autorités sanitaires ivoiriennes tablaient sur une forte réduction de ce taux de mortalité, déjà en baisse depuis 2016. Selon les chiffres officiels, le nombre de décès du paludisme a baissé de 50% de 2016 à aujourd’hui. « Avec un peu plus de 4000 cas en 2016, nous sommes à 1541 cas de décès en 2020 », explique le directeur-coordinateur du Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), Dr Tanoh Méa Antoine.

Ces progrès était la suite logique des efforts déployés durant plusieurs décennies : campagne de sensibilisation, distribution gratuite de moustiquaires imprégnés, prise en charges gratuites de malades et construction de centre de santé de proximité….

« Avec la crise sanitaire de la Covid-19, il y a une baisse des consultations de façon générale dans tous les centres de santé. Nous assistons à une régression des personnes fréquentant les centres de santé », s’inquiète Dr Tanoh Méa. Non sans rassurer. « Il est un peu tôt de dire que cela aura un impact véritable sur les cas de paludisme ou pas. C’est plus tard qu’on saura cela ».  Les agents de santé ne disent pas autre chose. « Quand on demande aux gens de rester chez eux, vous comprenez que cela agisse sur la fréquentation des centres de santé », explique de son côté, Chantal Louan, secrétaire général de l’Association des sages-femmes de Côte d’Ivoire. « A Abidjan comme à l’intérieur du pays, le taux de fréquentation des centres de santé a baissé. Et il n’est pas rare de voir des femmes souvent accoucher à la maison », explique-t-elle. Si le personnel sanitaire ivoiriens espère que ce coup d’arrêt du programme de lutte contre le palu soit sans effet, tout le monde s’inquiète que les chiffres de décès ne repartent à la hausse. Cette inquiétude également partagée par l’OMS. Ce jeudi 4 juin 2020, lors de sa dernière conférence de presse à Brazzaville, la représentante régionale pour l’Afrique attirait l’attention de la communauté médicale sur ce fait. « La lutte contre la pandémie de la Covid-19 ne doit pas se faire au détriment d’autres urgences sanitaires », avertissait le Dr Matshidiso  Moeti.

Tableau alarmant de l’OMS

Le 25 avril dernier, à l’occasion de la célébration de la semaine de la lutte contre le paludisme, le directeur général de l’organisation dressait, lui, un tableau sombre de la résurgence de cette maladie en Afrique. « Le bilan des morts du paludisme en Afrique subsaharienne en 2020 atteindrait 769.000, deux fois plus qu’en 2018. Cela signifierait un retour à des taux de mortalité que l’on ne voit plus depuis 20 ans », pronostiquait Tedros Adhanom Ghebreyesus. A cette occasion des structures de la société civile, notamment l’ONG Impact santé Afrique avait également dressé le même constat. La directrice de cette ONG, Olivia Ngou, experte en paludisme invitait la communauté internationale à ne pas relâcher dans la lutte contre le palu, au détriment de l’urgence de la lutte contre la nouvelle pandémie de la Covid-19.

En Côte d’Ivoire, ce pessimisme est bien relativé. Les autorités sanitaires reconnaissent un impact réel de la crise de la covd-19 sur la lutte contre le palu. Mais l’optimisme reste de mise. Le directeur général du Pnlp espère reprendre la main avec ses hommes pour tenir les engagements. « Nous voulons rattraper notre retard et remettre tout le programme en branle. Nous avons repris les activités. Nous avons envoyé 11 équipes sur le terrain pour voir les difficultés de terrain. Notamment en termes disponibilité d’intrant ou de moustiquaires imprégnés. Nous continuons également de sensibiliser sur les radios de proximité et dans certains médias. On fait également des consultations à stratégies avancées. D’ici une semaine, toute la Côte d’Ivoire sera en mouvement. Et tout cela se fera dans le respect des mesures barrières », assure Dr Tanoh Méa Antoine.

Ténin Bè Ousmane

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