Depuis 2012, les accouchements classiques, y compris la césarienne sont officiellement gratuits dans les centres de santé publics en Côte d’Ivoire.

Depuis 2012, le gouvernement ivoirien a décrété la gratuité des frais de prestations et des actes en rapport avec l’accouchement par voie basse et par césarienne dans les établissements sanitaires publics. Des mesures dont l’application suscitent toujours des interrogations.

Enfin, Donatien a le sourire aux lèvres. Sa femme vient de lui donner un garçon ! La césarienne s’est bien passée. La sagefemme l’a rassuré de la parfaite santé du bébé et la mère. Le père est enfin soulagé après quatre heures de pied de grue dans cette maternité du Centre hospitalier régional (CHR) de Korhogo. En tout cas, cette bonne nouvelle le console quelque peu, puisqu’il venait, lui aussi, de saigner… financièrement. « Quand j’évalue, c’est environ 85 000 FCFA que j’ai dépensé pour les médicaments », se souvient Donatien. En fait, il ne s’attendait pas à des dépenses d’un tel niveau. On lui avait fait savoir que l’accouchement de sa femme devrait se faire par césarienne dans cet hôpital publique.

La Côte d’Ivoire a décidé de la gratuité des accouchement dans les hôpitaux public^s depuis 2012.

Et lui, Donatien, il sait que depuis huit 8 ans, les accouchements classiques, y compris la césarienne sont officiellement gratuits dans les centres de santé publics en Côte d’Ivoire. C’est en effet le 15 février 2012 que les autorités ivoiriennes en avaient décidé ainsi. Le gouvernement justifiait ce décret « portant exemption du paiement des prestations et des actes en rapport avec l’accouchement par voie basse et la césarienne dans les établissements sanitaires publics », par le niveau élevé de la mortalité maternelle. Entre 2005 et 2011, le rapport de mortalité maternelle était estimé à 614 décès pour 100.000 naissances vivantes.

Aujourd’hui encore, selon l’expert national de santé public Hyacinthe Kouakou Andoh, des femmes continuent de perdre la vie sur la route de l’accouchement. Lors d’un atelier le 22 janvier à Abidjan, il révélait que 51,3% des femmes en grossesse disparaissent après quelques visites à la maternité. À cause des frais ? Il insistait sur la césarienne, censée être gratuite et qui ne représentait que 3,3 % de cas enregistrés dans tous les établissements publics.

Dieu merci, l’épouse de Donatien et son fils n’ont pas connu ce triste sort décrit dans ces rapports. Sauf que la gratuité à laquelle l’heureux père s’attenant lui a couté 85 000 F CFA. En tout cas, au ministère de la Santé on continue de défendre la gratuité des naissances.

Des frais annexes

« C’est à la dernière consultation que le médecin a décidé que ma femme accoucherait par césarienne. Lorsque la date programmée est arrivée, on nous a fait savoir qu’il n’y avait plus de kit de césarienne à l’hôpital…. On nous a posé un problème de kits qui manquaient. Ils ont proposé à ceux qui avaient l’argent, d’aller en acheter y compris certains médicaments dans d’autres pharmacies. Chose que nous avons accepté. Mais il fallait encore attendre six heures, avant que le médecin n’arrive pour nous délivrer l’ordonnance.  Nous avons pu avoir quelques médicaments à la pharmacie de l’hôpital. Il fallait aller chercher le reste dans une pharmacie hors de l’hôpital. Là-bas, il manquait encore quelques-uns. A notre retour, le médecin nous a proposé ces médicaments introuvables, moyennant ‘’quelques chose’’. »

Les médecins vendeurs de médicaments ?

Dans les hôpitaux publics, les populations se plaignent de ces pratiques consistant à leur faire payer de l’argent pour les soins supposé être gratuits. Pour Ben N’Faly Soumahoro, président de la Fédération ivoirienne des consommateurs Le Réveil (FICR) c’est ce manque de transparence qui gangrène le système de santé ivoirien. « La plupart des médecins travaillent aujourd’hui dans des cliniques. Ils font tout pour décourager les malades qui viennent dans les hôpitaux publics et ensuite ils les invitent dans leurs cliniques privées. C’est du business aujourd’hui », relève M. Soumahoro.

Pourtant les agents de santé ne manquent pas d’arguments pour se défendre. Louan Chantal, secrétaire général adjointe du Syndicat des sages-femmes de Côte d’Ivoire (Sysafci) regrette cette suspicion permanente contre des travailleurs de surcroit qui donnent la vie. « La vérité est que lorsqu’une femme arrive pour accoucher, il y a une liste de médicaments qu’on lui prescrit. Ces médicaments ne sont gratuits que si ses parents parviennent à les trouver dans une pharmacie publique. Mais, le plus souvent, c’est dehors qu’on va les acheter, dans une pharmacie privée », explique la sage-femme travaillant au CHU d’Abidjan-Cocody.

Kits de césariennes incomplets

« Pour la césarienne, se veut-elle plus précise, la gratuit est appliquée. Sauf que les kits de césarienne ne sont pas toujours complets. Quand c’est ainsi, c’est la femme enceinte qui paye pour compléter. Ce n’est pas l’hôpital. C’est en général ce à quoi nous sommes la plupart du temps confrontés », jure la secrétaire générale adjointe du Sysafci.

« Nous ne prenons rien aux patients. La seule chose qu’on leur demande, c’est le kit complet. On ne peut pas prendre le risque d’opérer un malade sans s’être assuré que tous les médicaments sont là », explique Louan Chantal.

Si les kits ne sont pas toujours complets, cela s’explique par le fait que toutes les pharmacies des hôpitaux ne sont pas toujours approvisionnées à 100%. « C’est juste un problème de moyen », confie un cadre de la Nouvelle Pharmacie de la santé publique (Psp). Ce dernier, qui a requis l’anonymat, regrette cette difficulté. « Mais il faut dire que l’Etat fait des efforts pour réduire au maximum les charges des patients ».

Pour cet agent de santé, il faut bien reconnaître que l’Etat a fait des efforts pour assurer cette gratuité de l’accouchement. Comparativement au privé. Pour les actes de chirurgie et de médecine, la césarienne est fixée à 750 000 FCFA, pour les mutuelles et à 800 000 pour les tarifs assurances. En ce qui concerne l’accouchement normal, il est de 300 000 Fcfa pour les mutuelles et de 350 000 pour les assurances, tandis que l’accouchement gémellaire revient à 350 000 Fcfa pour les mutuelles et à 400 000 pour les assurances. Pour le forfait journalier des pathologies médicales, notamment le NFS, Frottis, goutte épaisse, urée, CRP, glycémie, créatininémie, son prix est désormais fixé à 75 000 FCFA.

En janvier 2019 le privé a même augmenté ses tarifs. La consultation en médecine générale est passée de 8 000 à 15 000 francs CFA !

C’est la seule augmentation que reconnait le ministère de la Santé. Mais dans le public les prestations en ce qui concerne les accouchements demeurent gratuits. « Nous contrôlons la qualité des soins, mais aussi l’humanisation des soins en Côte d’Ivoire », n’a de cesse à le Dr Albert Edi Ossohou, le Directeur de la Médecine hospitalière et de proximité au ministère de la Santé et de l’hygiène publique.

Ténin Bè Ousmane

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