Dans la première partie de son interview, le Docteur en histoire sociale option de la criminalité, Chercheur spécialiste des questions d’insécurité en milieu urbain, expliquait l’importance du rôle des femmes, dans la lutte contre le phénomène de l’insécurité en Côte d’Ivoire. Dans cette deuxième partie, elle évoque également le rôle crutial des guides régilieux et des réligieuses musulmanes dans la lutte contre le phénomène des enfants en conflits avec la loi, ainsi que le terrorisme.
Aujourd’hui nous apprenons de plus en plus l’installation des djihadistes en Côte d’Ivoire et le recrutement de plusieurs personnes en leur sein. Comment procèdent-ils?
Le djihadisme est né d’un mouvement qu’on appelle djihad. On entend par djihad, une guerre sainte, offensive faite dans le but d’imposer la religion musulmane aux mécréants, (à ceux qui ne sont pas musulmans). Il existe aujourd’hui un djihadisme moderne, qui est totalement différent du djihadisme de l’époque. Il est né dans les années 1980 au cours de la guerre en Afghanistan. C’est de là qu’est né ce djihadisme qui a viré au terrorisme. Il utilise des méthodes radicales appelées terrorisme.
On a plusieurs factions du djihadisme dans la sous-région et dans le monde. En Afrique, nous avons l’Acmir, l’Al Qaïda au Maghreb islamique. Nous avons au Nigéria, Boko haram et Ansarul, dans le Sahel…
Il y a plusieurs petits groupes de djihadistes qui sont parfois rattachés aux principaux groupes djihadistes que sont l’Etat islamique.
Le recrutement se fait au niveau des populations nécessiteuses, marginalisées par les politiques mises en place par nos gouvernements. On observe que dans un même pays, certaines personnes sont les plus privilégiées dans tous les plans. Financier, investissement ou tout autre opportunité. Cela favorise des frustrations qui peuvent donner à un radicalisme si les personnes frustrées se disent ‘’si ce n’est pas nous, ça ne sera personne’’. Les gens sont instrumentalisés, ils se disent que dans un Etat islamique, il n’y aura ni différence, et marginalisation. C’est comme cela que des jeunes gens, ivoiriens, burkinabés et autres embrassent le djihadisme.
Ces factions djihadistes qui se développent veulent occuper la zone du golfe de guinée. Ils ont déjà occupé le Maghreb et les pays sahéliens, maintenant ils veulent descendre dans les pays tels que la Côte d’Ivoire et autres.
Aujourd’hui, le nord de la Côte d’Ivoire, la zone qui fait frontière avec le Burkina Faso est devenue la proie des djihadistes depuis 5 ans. Il y a, en Côte d’Ivoire des jeunes musulmans qui sont en train de radicaliser.
Pour eux, la Côte d’Ivoire doit aussi faire partir des pays de l’Etat islamique. C’est ainsi que certains djihadistes déjà en Côte d’Ivoire et dans d’autres localités, favorisent l’intégration des djihadistes venus du sahel et posent
des actions isolées qui occasionnent la mort de soldats.
Pour rappel, la première attaque djihadistes a eu lieu en mars 2016, dans la ville balnéaire de grand Bassam. Il y a eu 19 morts et là, il ne s’agissait pas du nord de la Côte d’Ivoire. Je n’ai pas compris pourquoi les terroristes ont attaqués cette zone-là. Certainement parce qu’on y trouve beaucoup de blancs les Weekends. L’attaque a certainement été faite contre la race blanche en Côte d’Ivoire. En juin 2020, on a eu les attaques de Kafolo, il y a eu 14 morts…
Comment peut-on éviter cela ?
Les attaques deviennent de plus en plus récurrentes dans le pays. Il faut maintenant s’interroger sur les raisons. L’Etat intervient dans la lutte contre le terrorisme à travers la création de brigade anti-terroristes.
Mais aussi, il est important que les guides religieux, et les religieuses musulmanes s’impliquent davantage dans la lutte contre le terrorisme surtout les femmes. Les djihadistes ont certainement des femmes qui cuisinent pour eux, qui font le marché quelque part. Les femmes déjà peuvent observer les faits et gestes de ces personnes et les dénoncer. La contribution des guides religieux, les religieuses musulmanes, et des femmes est très importante. La sensibilisation des jeunes déscolarisés, marginalisés , et ceux qui sont en train de se radicaliser dans l’islamisme. Il est très important de mettre en place la politique d’immersion à laquelle il faut associer les femmes. Il faut établir un contact avec les jeunes qui se radicalisent afin dobtenir des renseignements sur eux, comprendre comment es ce qu’ils se développent, et d’où tirent-ils leurs financements…
J’insiste sur le travail avec les femmes surtout et l’instauration des cellules familiales. Ceux qu’on recrute ont des mères. Si la maman se rends compte que son fils est en train de se radicaliser, de faire des sortir nocturnes, des voyages étranges, elle peut déjà interpeller la communauté qui est représentée généralement par l’imam, les guides religieux.
Il y a aussi le phénomène des enfants en conflit avec la loi qui sévit à Abidjan. Que pouvez-vous dire sur ce fait qui inquiète de plus en plus?
Julie Baudryard dans son article intitulé : « la criminalité juvénile, les enfants « microbes » comme symptômes des difficultés de la protection de l’enfance en Côte d’Ivoire », dans la revue sociologique pratique numéro 37 volume 2 parut en 2018, a pu faire ressortir que ce phénomène est apparu à la fin de l’année 2011, dans les rues d’Abidjan.
Il s’agit d’une catégorie de jeunes appelés communément « microbes ». Ils sont d’origines diverses, le plus souvent déscolarisés. La tranche d’âge varie entre 10 et 18 ans. Le phénomène des enfants en conflit avec la loi est né dans les rues d’Abobo. Il s’est ensuite répandu dans les autres communes d’Abidjan notamment celle de Yopougon. Ces enfants ont pour certains servi d’aide pendant la crise postélectorale. Ils ont été porteurs de minutions, informateurs… auprès des combattants d’alors. La crise ayant pris fin, ils ont été laissés pour compte alors qu’ils avaient déjà pris goût au danger, à la violence. Ils sont ainsi devenus des maîtres de la rue, parce qu’ils exercent une violence assez rare.
Le plus souvent, ils avancent comme argument qu’ils sont issus de familles pauvres. Ils sont très remontés contre la société. Ils estiment que les gens ont de l’argent et ne se soucient pas des moins nantis. Pour eux l’agression, est le moyen de s’affirmer.
Selon le Professeur sociologue Francis Akindès de l’université de Bouaké, ces enfants sont en quête d’une vie meilleure par la violence à l’arme blanche. Le plus souvent, ils sont sous l’effet de stupéfiants. Ils utilisent la machette comme instrument et à travers cela, ils veulent s’imposer à la société. Pour certains, ils sont issus de familles très démunies, où il y a même des problèmes d’eau et d’électricité, ils ont grandi dans une famille monoparentale ou recomposée. Ces enfants ne sont pas pris en charge par le système éducatif, donc ils font tout pour se prendre en charge eux-mêmes.
Il existe un film brésilien appelé ‘’la cité de Dieu’’ dans lequel l’acteur principal appelé zé péquegno, issu d’une famille défavorisée utilise la violence pour s’imposer. C’est ce dernier qui sert d’exemple aux petits microbes. Ils sont constitués en bande, ils s’adonnent aux mysticismes pour être invincibles dans la rue. Puisqu’ils n’ont pas le physique, ils ont des machettes, des couteaux. Ils sont recours aux pratiques mystiques pour se protéger. Ils utilisent des stupéfiants, et n’ont pas de remords.
En ce qui concerne les solutions pour éradiquer ce phénomène, les éléments cités plus haut pour l’éradication de l’insécurité à Abidjan sont aussi valables, pour les enfants en conflit avec la loi.
A cela je voudrais ajouter la restauration de l’autorité parentale. Quelque part, les parents ont démissionné. L’Etat à travers des structures ou des cellules d’accompagnement, de soutien, peut restaurer l’autorité parentale, des parents concernés. Il faut une assistance financière. Je ne dis pas qu’il faut distribuer de l’argent tous les mois, mais il faut trouver le moyen d’aider ces familles. Ça peut être un projet, des formations pour des activités génératrices de revenus afin de permettre leur autonomie financière.
Avez-vous un projet spécifique pour enrayer l’insécurité à Abidjan et même en Côte d’Ivoire ?
Bien sûr. L’organisation des femmes dont je parlais tantôt. Je ne peux en dire plus pour l’instant car je suis encore en réflexion quant à la réalisation.
Interview réalisée par Marina Kouakou