En 2013, le gouvernement ivoirien instaurait la campagne « Zéro grossesse à l’école ». L’objectif était de mettre fin à ce phénomène qui n’épargne plus les filles mineures du primaire. Sept ans après, le défi demeure entier !

 « Figurez-vous que cette année seulement, nous avons eu plus de 200 filles enceintes ». Cette révélation, le 28 août 2020, à Dahiépa Kehi, chef-lieu de commune du département de Gagnoa, de la directrice régionale de l’Education nationale et de l’enseignement technique a imposé le silence chez les populations de cette localité de 18 173 habitants, selon le recensement de 2014. Amonkou Valentine, qui inaugurait un collège de proximité, révélait le premier frein des jeunes filles dans leurs scolarisation.

200 cas à Gagnoa !

Les chiffres au niveau national pour cette année en Côte d’Ivoire ne sont pas encore disponibles, selon une source proche du ministère de l’Education nationale. Mais tout porte à croire qu’ils ne seront pas fameux.

L’an dernier, un rapport rendu public par la Direction des stratégies, de la planification et des statistiques du ministère de l’Éducation nationale révélait une baisse du phénomène. Selon ce document 127 filles âgées de 12 à 15 ans, du primaire, étaient tombées enceintes au cours de l’année scolaire 2017-2018, contre 139 en 2016-2017. La baisse n’était que de 12 cas de grossesse au primaire.

Cette année, la région du Gôh seule, selon les révélations d’Amonkou Valentine, dépasse les 200 cas !

Qui engrosse ?

Selon la Direction de la mutualité des œuvres sociales en milieu scolaire (DMOSS), en 2017, 56,8 % des géniteurs étaient des travailleurs informels et 40 % étaient des élèves.

Les enseignants sont également pointés du doigt avec le phénomène des couramment appelé NST « notes sexuellement transmissibles ». Ici, c’est un chantage sexuel qui est fait aux filles, en échange d’une bonne note. Malgré les sanctions annoncées contre ce phénomène allant jusqu’à la radiation des enseignants, le phénomène résiste. Selon les chiffres officiels, entre 2 % et 4 % des grossesses précoces seraient dues à un professeur ou un éducateur, soit entre 70 et 140 cas chaque année !

Ces grossesses précoces entraînent la déscolarisation des jeunes filles. Pour résoudre ce phénomène a décidé de construire des internats et des collèges de proximité, plus près des villages, pour les scolariser près de chez leurs parents et ainsi maintenir leurs repères.

C’était justement à l’occasion de la pose de première pierre d’une de ces écoles de proximité que la directrice régionale de l’Education évoquait la persistance de ce phénomène dans le Gôh.

L’avènement de ce collège de proximité est pour elle une solution pour aider les jeunes filles à se mettre à l’abri de ces grossesses précoces. « Vos enfants n’iront plus loin. Ils seront avec vous en sécurité. Il y aura moins de grossesses précoces », a-t-elle rassuré les populations qui assistaient au démarrage effectif de ce bâtiment administratif, doté de plusieurs bureaux, des salles de classes, d’un foyer polyvalent, d’une salle informatique, de toilettes et d’un terrain de sport.

Les autorités éducatives refusent d’être pessimistes. La ministre de l’Education nationale Kandia Camara se dit convaincu que le phénomène peut bien contrôlé. « Dans le cadre de la lutte contre les grossesses en cours de scolarité, de 5076 cas en 2012-2013, nous sommes passés à 3374 cas en 2016-2017, soit une réduction de 33,53% », se félicitait-elle, en février dernier. Insistant sur l’objectif «  zéro cas de grossesse en milieu scolaire », n’était pas hors de portée.

Alain Doua

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