Les femmes de médias se plaignent, très souvent discrètement, de nombreuses pressions dans le cadre de leur travail. La célébration de la fête du travail, le 1er mai, et la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, ont été l’occasion, pour certaines victimes de donner de la voix.
Au Bénin, le courage d’Angéla Kpeidja, a payé. Le secrétaire de rédaction de la télévision nationale, Mesmin Adisso, a été relevé de ses fonctions ce mercredi 6 mai 2020, selon une note de l’Office de radiodiffusion et télévision du Béni (Ortb). Un communiqué de la haute direction de ce média d’Etat remettait pourtant en doute les accusations de la jeune femme journaliste.
Le 1er mai dernier, en effet, à l’occasion de la fête du Travail, Angéla Kpeidja avait dénoncé, via les réseaux sociaux, le harcèlement dont elle est souvent victime dans son lieu de travail. « Viol, harcèlement moral et sexuel… j’en ai marre. Dites-moi comment on célèbre le 1er mai dans une maison où la religion de tous est devenue le silence dans la frustration », avait-elle crié le ras-le-bol, sur sa page Facebook.
Le post, partagé par plusieurs centaines d’internautes continue de faire le tour de la toile. Au point où le chef de l’Etat, en personne est finalement rentré en scène le 5 mai, en recevant la victime à son cabinet.
Angela Kpeidja a eu le courage de s’élever contre une pratique que les victimes acceptaient comme étant inévitable, partout dans le monde. Selon un rapport de la Confédération syndicale internationale, publiée en 2008, 42 à 50% des travailleuses ont fait l’objet de harcèlement sexuel dans les pays industrialisé. Dans l’Union européenne, ces chiffres variaient entre 40 et 50%, alors que dans les pays de l’Asie et du Pacifique, 30 à 40% des travailleuses ont signalé avoir subi une forme ou une autre de harcèlement2. Et sur le continent, une étude récente menée en Afrique du Sud, révèle que 77% des femmes interrogées ont, un jour ou l’autre, été victimes de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle.
En Côte d’Ivoire, il n’y a pas eu ‘‘d’affaire Kpeidja’’, mais le phénomène n’est pas moins dénoncé dans les rédactions. Le 3 mai dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de la presse, des femmes journalistes, bloggeuses et communicatrices ont produit une Tribune pour s’élever contre la persistance de cette violence sexiste. « Le harcèlement sexuel des journalistes femmes, stagiaires ou confirmées en Côte d’Ivoire est une réalité. Aussi bien en entreprise que sur les lieux de reportage », ont-elles révélé.
Depuis 1998, la loi ivoirienne punit le harcèlement sexuel d’une peine d’un à trois ans de prison et d’une amende de 360 000 à 1 million de francs CFA (de 550 à 1 525 euros). Mais les plaintes sont bien rares sous nos tropiques. Notamment en Côte d’Ivoire où même dans les cas de viol, les condamnations sont rares. Dans une enquête publiée en juillet 2016, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme révélaient que sur 1 021 procédures judiciaires ouvertes pour des viols commis entre 2012 et 2015 et suivies par ces organisations, seules 18 % avaient abouti à des jugements. Que dire du harcèlement sexuel qui serait mineur en Afrique, notamment subsaharienne.
Le 1er mai 2020, Angéla Kpeidja a posé un acte qui fera date au Bénin. Peut-être au-delà. Et le président Patrice Talon l’a bien relevé au terme de l’audience qu’il a rendu à la journaliste. « L’acte que vous avez posé sera déclencheur de quelques choses pour faire en sorte que les femmes soient mieux protégées dans notre pays et le gouvernement prendra toute sa responsabilité », a promis M.Talon, rapporté par banouto.info, un média béninois. Mercredi, la première peine est tombée, avec le limogeage du secrétaire de rédaction de la télévision nationale.
Ténin Bè Ousmane