En Côte d’Ivoire, selon les chiffres publiés les 31 décembre 2020 par l’Autorité de régulation des télécommunication (ARTCI), 19 651 407 personnes utilisent internet mobile. Un chiffre important comparativement à la population ivoirienne estimée à 27 millions d’habitants.
En décembre 2007, la Côte d’Ivoire enregistrait quelques 50 000 abonnés à internet. Aujourd’hui, ce sont près de 20 millions qui sont recensés ! Toute chose qui a bouleversé l’environnement des médias. Ce bouleversement a certainement impacté les médias traditionnels que sont la télévision, la radio et la presse imprimée. Yves Youant, Enseignant-chercheur, Maître-assistant au département des sciences et langages à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody, décrit des mutations qui « laissent entrevoir une transformation profonde dans le monde des médias et le rapport à l’information ».
Cette intervention s’est faite le jeudi 29 avril 2021 lors d’un panel organisé par l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), autour du thème : « Développement de l’internet et nouveau support de distribution de l’information : atouts ou menaces pour la presse ».
« Avant, la presse écrite, la radio et la télévision n’avaient qu’un seul support direct. Lequel était lié à chaque média avec un canal précis. La presse utilisait le support papier, tandis que la radio et la télévision utilisaient le poste téléviseur. Il fallait chercher les informations avec ces supports », rappelle le spécialiste.
« Aujourd’hui, poursuit M. Youant, avec internet, il existe quatre supports de diffusion de l’information : les sites web, les réseaux sociaux, les blogs, et e-mailing. Pour la télévision, en plus du poste téléviseur, il y a les tablettes et les smart phone ».
Pour Yves Youant, du point de vue matériel, opérationnel et pratique, internet, au niveau des usages, puis de la présentation, est aujourd’hui considéré comme ‘’un atout ‘’ pour les usagers.
Mais la presse traditionnelle elle-même en tire parti. Internet est en effet, l’information en temps réel et de façon instantanée et immédiate, en tout lieu, en fonction des différents terminaux.
« Il est possibles pour les détenteurs de sites internet d’ajouter au texte des sons, vidéos », fait-il remarquer. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à la prolifération des médias en lignes. Selon les derniers chiffres de l’observatoire numérique de Côte d’Ivoire du REPRELCI, plus de 130 sites internet dont plus de 40 édités par les entreprises légalement constituées. L’environnement médiatique en Côte d’Ivoire compte ses journaux en ligne, ses agrégateurs de contenus, ses web TV, web radios et les agences de presse en ligne.
Internet est aussi un média complémentaire pour la presse traditionnelle. On le constate bien avec les médias d’Etat comme Fraternité Matin et la RTI qui ont leurs sites internet et sont présents sur les réseaux sociaux. Du point de vu professionnel et même humain, internet est un grand pourvoyeur d’emplois. Il crée de nouveaux métiers et même liés à l’ancien métier classique du journaliste. Selon le rapport 2020 du REPRELCI, plus de 300 personnes sont enregistrées dans ce secteur avec plus de 200 journalistes professionnels.
Les inconvénients ou menaces pour la presse
En ce qui concerne les inconvénients, l’Enseignant-chercheur cite les délits de presse, les fakes news, l’infobésité…
« La diffamation par exemple fait partir des délits de presse que mentionne la nouvelle loi sur la presse de 2017. C’est la première menace qui plane sur le journaliste. Avec internet, les nouvelles se propagent plus vite. On n’a pas toujours le temps de rattraper et cela à des conséquences fâcheuses. Il y a aussi les fakes news, les discours haineux et violents, les copiés coller, le plagiat. Sur la toile, la déontologie liée à la production de l’information n’est pas toujours respectée pour des likes, vues, et publicités. Il y a beaucoup de garde four dont on ne tient plus vraiment compte. Il y a aucune traçabilité parfois avec internet », développe-t-il.
Et d’ajouter : « Quelqu’un peut créer du contenu sans source, sans traçabilité. Le piège parfois est que quand la nouvelle devient virale, des journalistes l’utilisent pour leur article, ce qui menace la qualité de production au niveau de la presse.
Il y a aussi l’infobésité, une surcharge d’information avec internet, il y a tout, à propos de tout, et partout. Ce qui crée un obstacle véritable à une recherche efficace de l’information. On voit des productions de mauvaises qualités avec les fautes élémentaires… »
Pistes de réflexions
Pour une bonne évolution de la presse numérique le spécialiste propose des formations, encadrements, et sensibilisations avant la répression. « Ces quelques pistes qu’il faut exploiter véritablement et même avec les usagers d’internet et des consommateurs de l’information. Au niveau de l’auto régulation, il faut mettre en place des systèmes de contrôles et cela se fait bien avec le REPRELCI, l’UNJCI… Les faîtières doivent s’approprier leur rôle d’information de sensibilisation et d’éducation aux médias. Il faut beaucoup d’ateliers de formations ».
Marina Kouakou