Depuis plus de 20 ans, Joséphine Kouadio s’investit dans l’alphabétisation des personnes adultes. Celle qui assure la présidence de la centaine de centres d’alphabétisation installés à travers la commune de Cocody était l’invitée de la Rédaction de VoixVoie De Femme, ce vendredi 16 avril 2021.

Pourquoi êtes-vous spécialisée dans l’alphabétisation des personnes adultes ?

Depuis 1999, je suis dans l’alphabétisation. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai sauvé des vies. Parce que j’ai compris qu’alphabétiser un individu, surtout une femme, c’est éduquer une nation.

Pourquoi misez-vous plus sur les femmes que ces programmes pourraient être étendus à toutes les couches socioprofessionnelles ?

Aujourd’hui, l’alphabétisation a un visage féminin. Mais je suis d’accord avec vous, on ne devrait pas exclure les hommes. D’ailleurs, dans nos centres nous avons aussi des hommes, mais en nombre très réduit. Cela s’explique par le fait que les femmes déscolarisées sont les plus nombreuses. Ce sont elles qui sont le plus frappées par l’analphabétisme. Nos coutumes n’ont pas toujours encouragé la scolarisation de la jeune fille comme on le voit aujourd’hui. Vous verrez que la plupart de ces femmes sont des femmes de ménages, des servantes. C’est pourquoi nous encourageons tous les patrons a envoyer leurs filles de ménages dans nos centres.

Quand vous soutenez que vous avez sauvez des vies, pouvez-vous donner des exemples ?

Les exemples sont légion. J’ai encadré des filles qui sont aujourd’hui instruites et qui sont rentrées dans la vie active. Vous trouvez parmi elles des infirmières, des sages-femmes, des fonctionnaires. Je peux citer l’exemple de cette apprenante dont je suis fière aujourd’hui qui travaille dans une grande entreprise de communication. Elle était déjà âgée quand elle a obtenu le CEPE. Elle a persévéré pour obtenir le BEPC dans nos centres, Bac, puis le BTS. Ça fait plaisir de voir tout ça. Je suis fière d’avoir sauvé des vies.

Où trouve-t-on vos centres ?

Nos centres se créent dans les établissements publics ou privés. Nous avons environ 118 centres dans les 13 communes d’Abidjan. Nous avons deux heures de cours par jour selon les prescriptions de l’Unesco.   

Quel est ne niveau de fréquentation de vos centres ?

Nous avons en moyenne trente apprenants dans par classe. Il y a de l’engouement surtout chez les femmes, elles viennent s’inscrire. Mais nous faisons de la sensibilisation pour encourager toutes les femmes à venir s’inscrire dans nos centres.

Où trouvez-vous l’argent pour payer les animateurs ?

Ce sont les apprenants qui nous aident par leurs scolarités. Ce n’est pas suffisant parce que les scolarités sont des sommes modiques. Cela nous cause beaucoup de problèmes. C’est pourquoi nous continuons de solliciter la subvention. Souvent l’Unesco nous aide. Mais la Covid-19 a freiné les choses.

Voulez-vous dire que vous ne recevez pas de soutien de l’Etat ?

Les centres d’alphabétisation sont une initiative privée. Notre tutelle est le ministère de l’Education nationale. Sachez que nos apprenants candidats aux CEPE, BEPC, et autres sont pris en compte dans les effectifs nationaux. C’est le lieu pour nous saluer la nouvelle dénomination du département qui devient le ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation.

Nous sommes encadrés par la direction de l’Alphabétisation et de l’éducation non-formelle dirigée par Ouattara Maman. Nous sommes encadré par l’Etat, pas de finance.

Cependant la ministre Kandia Camara nous a beaucoup aidés. Elle a instruit les directeurs, directrices d’école de ne pas fermer les écoles aux centres de l’alphabétisation. Nous recevions même des kits scolaires. Mais nous n’en avons pas reçu les dernières années. On nous a fait savoir que les kits étaient insuffisants. Mais nous n’avons pas de subvention.

Quelle différence Il n’y a-t-il entre l’enseignement formelle et vos cours d’alphabétisation.

Nous enseignant des personnes adultes. Donc il y a forcément une différence entre les deux types d’enseignements. Chez nous c’est l’andragogie qui est la pédagogie pour les adultes.

La digitalisation est aussi l’un des chantiers qui a été exploré pour être intégré dans vos programmes il y a quelques années. Où en sommes-nous aves ce programme en faveur des femmes ?

La Direction de l’Alphabétisation nous en a parlé effectivement. On devrait faire une formation pour bien s’outiller. Mais nos superviseurs nous ont demandé de rester à l’écoute. Nous attendons que le programme reprenne. Il est important que les femmes sachent utiliser leurs smartphones dans la vie de tous les jours. Vous savez que la création d’une société est très facile. Le plus difficile, c’est de la faire vivre.  Pour cela il faut que chacun connaisse sa place. Cela demande une formation. Chez nous, on n’aime pas se former et s’informer. Pourtant cela nous empêche de travailler convenablement. Ces formations sur la digitalisation seront salutaires pour les femmes.

Quels problèmes les centres de alphabétisations rencontrent ?

Les animateurs ont souvent des problèmes avec les responsables d’école. Certains enseignants font les cours du soir et refuse de libérer les salles de classe. Cela nous empêche de faire les cours normalement. Il y a aussi les diversités des ouvrages.  Il faut que les livres soient les mêmes pour tous et partout en Côte d’Ivoire. Pour cela toute la communauté éducative doit être impliquée dans la confection et la sélection de ces livres.

Comment recrutez-vous vos animateurs ?

Les candidats au poste d’animateur doivent savoir lire et écrire. Une fois recruté, on le forme en andragogie. En fait quand le candidat arrive on le fait lire pour savoir son niveau de lecteur puis le recrutement suit ou non. Une fois engagés, les animateurs reçoivent des formations continues pour s’améliorer.

Ténin Bè Ousmane

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