Pour l’élection des députés prévue le 6 mars 2021, 464 femmes sont candidates.

Malgré la volonté affichée, la Côte d’Ivoire semble très loin d’atteindre les 30 % de postes de députés réservés aux femmes à l’Assemblée nationale, à la suite des élections législatives du 6 mars prochain.

Pour l’élection des députés prévue le 6 mars 2021, 464 femmes sont candidates ! Ce chiffre est, certes, suffisant pour dépasser de loin le quota de 30% des postes de l’Assemblée nationale puisque l’hémicycle ne compte que 255 députés. Mais comparativement aux 3174 candidats hommes, ce rêve ressemble bien à un vœu pieux.

C’est à cette conclusion que tous les experts-genre sont parvenus ce samedi 13 février 2021 lors d’une vidéoconférence tenue à Yamoussokro. Thème: «rôles et responsabilités des professionnels des médias et des réseaux sociaux dans la couverture électorale sensible au genre pour la promotion d’une image positive des femmes et la couverture sensible au genre».

Mais comment en sommes-nous arrivés là, alors qu’une loi exige que le minimum de 30% des postes soient réservés aux femmes dans la Maison du peuple ?  « La Commission électorale indépendante (CEI) n’a aucune responsabilité si le taux n’est pas respecté », rejette le Directeur de la communication de la CEI. Et Inza Kigbafory de s’empresser de faire remarquer que l’institution n’a pour boussole que les textes. « Il y avait trois textes différents sur cette affaire de quota de 30% : le code électoral, la loi elle-même et le décret électoral », fait-il observer. Pour trancher, à l’en croire, l’institution en charge d’organiser les élections en Côte d’Ivoire s’est référée aux partis politiques. Et lors d’une réunion avec les représentants de ces formations politiques, il a été décidé d’appliquer le décret qui est plus contraignant. Lequel stipule que le quota doit être respecté dans les circonscriptions de plus de 2 sièges. Ce qui représente que 27 députés sur les 255.

Abou Adams, journaliste et observateur de la vie politique relève les défis que cette disposition impose aux partis politiques. « Il faut comprendre les partis politiques. L’objectif premier d’un parti qui va à une élection législative, c’est de gagner le maximum de siège.  Il peut avoir la volonté de permettre aux femmes d’être candidates. Si pendant l’analyse des dossiers la direction du parti se rend compte qu’un candidat ne peut pas gagner dans une région, il n’aura pas le choix que de le remplacer par un autre qui peut gagner. A l’observation, dans tous les partis, c’est ce calcul qui est fait. Chacun doute du poids de ses candidates femmes et craint d’être battu s’il ne présente pas celui qui peut lui assurer la victoire », explique Abou Adams.

Albertina Piterbarg, experte onusienne en participation politique et prévention des violences basées sur le genre à ONU-Femmes pense que le faible poids des femmes dans l’arène politique s’explique par les violences qu’elles subissent en période électorales. « La violence à l’égard des femmes dans les élections est une forme de violence destinée à influencer la réalisation des droits politiques des femmes dans un contexte électoral », dénonce-t-elle. Avant d’expliquer « Cela inclut la participation des femmes en tant que candidates, électrices, activistes, militante de parti, observatrice, agents électoraux ou agents de la fonction publique. Cette violence peut être d’ordre physique, psychologique et sexuel ». 

Albertina Piterbag estime que ce sont les effets de ces violences qui constituent la baisse potentielle du nombre de femmes élues. Mais également, selon elle, ce sont ces mêmes facteurs qui rendent difficile le recrutement des femmes en tant que personnel électoral ou membre de bureau de vote.

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, celle qui comptabilise plus de 20 ans d’expérience dans le domaine du genre, pointe du doigt la mauvaise foi des partis politiques. « Les partis politiques auraient bien pu travailler depuis longtemps. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de femmes ou qu’elles ne veulent pas se présenter. Les partis n’ont pas voulu trouver des femmes pour se conformer à la loi. La loi sur le quota date de 2019 et ils ont eu le temps de se préparer. Ils ne l’ont pas fait », regrette l’experte onusienne. Qui invite la communauté nationale, particulièrement les médias, à se pencher sur cette question au terme des élections du 6 mars prochain. « J’invite les journalistes à s’imprégner du processus électoral afin de mener des enquêtes sur ce faible taux de participation des femmes en politique dans certaines régions », exhorte-t-elle.

Ladite conférence s’est tenue lors d’un séminaire sur le contre-narratif et les attitudes sécuritaires d’un journaliste en période électorale du 11 au 14 février 2021. Une initiative du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en partenariat avec le Centre des médias.

Marina Kouakou

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