En Afrique, la femme mariée, après le décès de son époux, est très souvent marginalisée par sa belle-famille. Des situations douloureuses. Et pourtant la loi est là pour règlementer les choses.
La perte de sa moitié crée un vide dans notre vie. Le poids des traditions. La législation. Les tiraillements. On est tenté de dire « au début, elles appartiennent à leur père, puis à leur mari. Et quand celui-ci décède, il n’y a plus de place pour elles dans la société.» Dans beaucoup de cas, dès le décès d’un conjoint, la femme mariée, qui devient veuve, est susceptible d’essuyer des pratiques dégradantes. Perdre son conjoint place la veuve dans une situation de solitude. Même si la veuve est toujours entourée des personnes les plus aimantes et les plus solidaires (amis et famille), il y aura toujours des moments où elle traversera un état mental d’isolement.
La veuve est confrontée à plusieurs situations. La question des biens du couple, la prise en charge des enfants et la question du remariage.
« J’ai perdu mon mari après 22 ans de vie commune. Nous avons eu un garçon et deux filles. Nous avons travaillé dur pour acheter une maison à la Riviera II et une plantation de sept hectares. Mon mari est décédé en 2022 et ma belle-famille me réclame les clés de sa voiture, la maison où je réside avec mes enfants et la plantation qui se trouve dans la zone d’Agboville. Mes beaux-parents me donnent le choix entre me marier avec le cousin à mon mari ou leur céder les biens de mon mari ». C’est le témoignage de K. A., une veuve rencontrée au tribunal d’Abidjan-Plateau. Le cas de cette femme ressemble à la situation de plusieurs veuves en Côte d’Ivoire. Les veuves sont sujettes à de pires humiliations. Elles sont très souvent livrées à elles même et n’ont personne pour les défendre. Et cela sous la considération de la tradition. Et pourtant la loi est là pour régler cette question.
En effet, contrairement à l’ancienne loi qui comportait deux régimes matrimoniaux, la nouvelle loi relative au mariage, loi n° 2019-570 du 26 juin 2019, en institue désormais trois. La communauté de biens réduite aux acquêts, la séparation de biens et le contrat de mariage par acte notarié. Le contrat de mariage par acte notarié est une convention par laquelle les futurs époux règlent les effets patrimoniaux de leur mariage (art. 59), convention faite par devant notaire. Les textes de loi sont plus explicites.
La loi n°2019-573 prévoit en son article 26 alinéa 1er : « Les enfants ou leurs descendants et le conjoint survivant succèdent au défunt. Les trois quarts de la succession sont dévolus aux enfants ou leurs descendants et un quart au conjoint survivant. » Ainsi, la veuve a droit au quart de la succession de son défunt époux si ce dernier avait des enfants. En absence d’enfants de l’époux défunt et comme le prévoit l’article 27 alinéa 1er de ladite loi, la veuve hérite de la moitié du patrimoine de son défunt époux après la liquidation de la communauté (si les époux étaient mariés sous le régime de la communauté des biens). La succession est entièrement dévolue à la veuve dans le cas où l’époux défunt n’avait ni enfants, père et mère, frère et sœur.
Ces textes et lois ne sont malheureusement toujours pas appliqués et les bénéficiaires, elles-mêmes, les ignorent. Il existe aussi des difficultés liées aux pesanteurs socioculturelles et aux préjugés, un véritable frein à l’épanouissement des veuves. Entre temps des veuves continuent de vivres les pires humiliations sans assistance.
C’est justement pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la marginalisation des veuves et ses enjeux que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 23 juin « Journée internationale des veuves », à travers l’adoption de sa résolution A/RES/65/189 du 21 décembre 2010. Un jour qui se présente comme l’occasion d’attirer l’attention des populations sur ces injustices masquées derrière la tradition.
Sékongo Naoua