Ce samedi 17 septembre 2022, nous redécouvrons, pour la énième fois, le village artisanal de Grand Bassam. Un joyau touristique ivoirien que nous visitons après l’incendie dévastateur, causé le mardi 8 février 2022, par l’explosion d’un camion transportant du gaz butane sur l’ancienne voie Abidjan-Grand-Bassam.
Il est 10 heures et trente minutes à notre montre. A l’entrée, un homme nous invite à venir voir ses articles. C’est la course aux clients. Il se nomme Harouna Ouattara, sculpteur. Nous faisons rapidement connaissance. Il travaille depuis 1992 et totalise 31 ans de présence dans le village artisanal. Harouna a souffert du manque de client et particulièrement des étrangers venus de l’occident.
A lire : Grand Bassam : Le marché artisanal part en feu
La rareté des clients
A notre arrivée au village artisanal, ce qui nous frappe, c’est l’absence de clients. Les commerçants eux sont présents comme d’habitude devant leurs magasins ou ateliers. Certains font le ménage, d’autres se tournent les pouces. Harouna Ouattara nous parle de la situation que les artisans vivent depuis près d’un an ‘’Ça ne marche pas comme avant à cause de la pandémie de la Covid-19 et aussi le manque de visibilité sur nos activités. Mais aujourd’hui, quelques clients arrivent’’, confie-t-il. Pendant nos échanges, un homme fait son entrée dans le Centre. A ses côtés, une autre personne de race blanche. Harouna nous dit qu’il s’agit d’un guide touristique qui a l’habitude d’y envoyer des clients.
Nous faisons sa connaissance. En fait, il s’agit d’un agent de tourisme. ‘’La Covid-19 a tué le tourisme et l’incendie n’a pas aidé les artisans’’, déplore-t-il au cours de notre brève conversation. L’homme est plutôt préoccupé à s’occuper de son client. Pas grave. Nous continuons notre promenade à travers le village qui s’étend sur tout le long du bitume. Le second qui nous reçoit, c’est Mendy Yannick, Ivoiro-senegalais et Bronzier depuis des années. Devant son atelier, il prépare son thé le temps que Dieu lui envoie un client.
‘’Ça ne va pas. Les clients ne viennent plus au village. On a traversé des moments difficiles. Nous pouvons rester pendant trois (03) mois sans aucuns clients. C’est vraiment difficile’’, fait-il savoir. Nous continuons notre balade dans le Centre. Il est 11 heures environ.
Ce n’est toujours pas l’affluence. Les clients se comptent du bout des doigts. Mais Flaure Bidi, artisane, ne désespère pas. Pour elle, ‘’le plus dur est passé. Mais ça ne marche pas toujours comme on le souhaite à cause de la Covid-19’’, accuse-t-elle.
A quelques mètres d’elle, un commerçant plus chanceux reçoit un client de race blanche. Le propriétaire lui propose des statuettes, des assiettes faites en terre cuite et un jeu d’awalé. Le client a l’embarras du choix. Son guide l’aide. Le commerçant lui propose l’awalé. Mais le client ne semble pas être intéressé.
Il ne connait pas ce jeu qui vient du pays baoulé. Le vendeur nous sollicite pour lui apprendre à jouer. Malgré tout, il est hésitant. Nous les quittons pour un autre atelier.
Là-bas, deux (02) touristes chinois viennent d’acheter une statuette d’éléphant peint en blanc. Le vendeur est content. C’est certainement un miracle. Que la chance vient de lui sourire.
Après l’achat, le client quitte le centre. Il est content. Les deux sont satisfaits. Le vendeur ne boude pas son plaisir. ‘’Je pourrai rentrer à la maison avec quelque chose. Ça n’arrive pas tous les jours’’, se réjouit-il.
Nous continuons notre promenade dans le village. Le refrain est le même. ‘’Ça ne marche pas. Les Blancs viennent de moins en moins’’, se lamente Samba Nior également. Celui-ci pointe par ailleurs un doigt accusateur sur la covid-19. Mais surtout sur le ministère du tourisme qui selon lui ‘’ ne fait rien pour aider les artisans’’.
Lire aussi : MIA 2022, un marché dédié au savoir-faire féminin
Pas de visites des locaux (Africains)
Les visiteurs de race blanche sont les plus nombreux. Ce sont les principaux clients. Mais il y a aussi que des clients de race noire sont très rares.
Mais peuvent être considérés comme de nouveaux clients.
C’est le cas d’une religieuse accompagnée d’une jeune fille, elle est venue faire des emplettes.
« La sœur » est vêtue d’une robe blanche avec, à la hanche, un pagne à l’effigie de la vierge Marie. Elle sillonne les rayons artisanaux. Harouna Ouattara, notre premier interlocuteur, nous fait signe de la présence de la religieuse.
‘’De moins en moins d’Africains viennent ici. Ils font néanmoins partie de nos clients. Nos gros clients, ce sont ceux qui ont des maisons à Assinie. Parmi eux, de nombreux Ivoiriens. Ils achètent nos articles pour décorer leurs maisons », se console-t-il.
Et des sinistrés…
Nous nous rappelons ces 15 hangars du village artisanal, regroupant des ébénistes, sculpteurs, commerçants d’objets d’art, qui sont partis en fumée après la collision entre le véhicule de transport des bonbonnes de gaz avec un poteau électrique.
Même si aucune perte en vie humaine n’est à déplorer, d’importants dégâts matériels, composés d’objets d’art qui représentent plus de 35 ans de travail, sont signalés.
Avec l’aide de notre guide touristique improvisé, Harouna nous conduit chez dame Mariam Diallo, l’une des sinistrés qui a vu son hangar et ces statuettes partir en fumée ce jour-là.
« Tout perdre en un jour m’a fatigué la tête, ça m’a rendue malade, j’étais paniquée », confesse Mariam, commerçante d’objets d’art depuis près de 10 ans, qui demande aux autorités de leur « venir en aide », parce que ses collègues et elle, ont « tout perdu » et ne savent « pas comment faire » pour se reconstruire.
Lire également : Poterie : survivre au modernisme
Cédric Brayanne