Deux semaines après la rentrée scolaire 2022-2023, le constat sur le terrain n’est pas reluisant. La plupart des établissements scolaires de la ville de Gagnoa attendent encore les élèves. Pourquoi les élèves trainent ils les pas ? C’est ce que nous avons cherché à savoir.

Taux d’inscription très faible

Ne pas commencer les cours à la date indiquée par le ministère de l’Éducation nationale aura, sans nul doute, une incidence sur le calendrier scolaire et une inquiétude chez les enseignants. « Nous risquons de ne pas achever les programmes dans le temps imparti à cause du retard accusé dans le démarrage des cours », se désole, Soumaila Perloman, enseignant au lycée de la ville. Ce lundi, il s’est présenté à son poste conformément à son emploi du temps. Mais point d’élèves dans sa classe. C’est à son corps défendant qu’il erre dans la cour de l’école, avant de regagner la salle des professeurs où certains de ses collègues se tournent le pouce. C’est devant les bureaux des éducateurs de niveaux que les rares élèves, présents dans l’enceinte de l’établissement, se sont donnés rendez-vous.

rentrée scolaire 2022-2023

Accompagnés de leurs parents ou parfois seuls. « Je suis venu faire mon inscription », nous informe Traoré Moussa, élève en classe de 3e. « C’est à l’issue de mon inscription que l’éducateur me communiquera le numéro de ma classe. Mais avant, je ne peux pas savoir si je suis en 3e1, 3e2 ou dans une autre classe », précise le candidat au Bepc. Il dit être conscient de s’inscrire en retard, mais que cette situation est indépendante de sa volonté. « Mon père m’a dit qu’il n’était pas financièrement prêt pour procéder à mon inscription avant le 12 septembre, date de la rentrée et qu’il fallait que j’attende un peu », justifie l’élève, son retard à reprendre le chemin de l’école. A ce jour, révèle un éducateur, le taux d’élèves ayant achevé les inscriptions est très faible. « Actuellement, il y a plus d’élèves non-inscrits que d’élèves inscrits. C’est à compte-goutte que les parents d’élèves ou les élèves eux-mêmes viennent faire les inscriptions. C’est d’ailleurs comme ça chaque année. Les choses trainent au début avant d’atteindre la vitesse de croisière quelques semaines plus tard », informe Diabagaté Ousseine, éducateur.

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Des classes vides

rentrée scolaire 2022-2023

Situation identique dans l’enseignement primaire. La rentrée est très timide chez les tout-petits. Ce n’est pas encore la grande affluence dans cet ordre d’enseignement. Gnaly Chantal, mère de deux enfants, l’un en classe de CP2 et l’autre au CM2, n’a pas encore cousu les tenues scolaires de ses rejetons. Attendant que son mari planteur trouve les moyens de faire face aux charges scolaires. En attendant, les enfants prolongent leurs vacances en restant à la maison. « Mon mari attend la fixation du prix de cacao avant de vendre les fèves pour envoyer les enfants à l’école. Le plus gros contingent des élèves sont issus de parents paysans qui tirent l’essentielle de leurs revenus, de la vente des produits agricoles. Singulièrement le cacao », explique la ménagère pour qui le retard accusé par ses enfants n’est pas une inquiétude, d’autant plus que de nombreux parents d’élèves n’ont pas encore vendu leurs cacaos. « Dans une classe de 50 à 60 élèves, il y a à peine une dizaine de présents. Les autres n’étant pas encore inscrits. Pourtant l’administration nous demande de démarrer les enseignements », traduit Kalo Jean, le dilemme des enseignants. Pour lui, l’absence des élèves est liée au cacao dont le prix n’est pas encore connu. « Le prix du cacao sera fixé le 1er octobre prochain », nous a informé un agent du conseil café cacao de Gagnoa. En attendant cette date, les paysans, pour certains d’entre eux, sont à la phase de la cueillette des cabosses, puis les fermenter avant de les sécher et passer à la vente. « Ces différentes étapes peuvent prendre plusieurs jours. Surtout qu’il pleut beaucoup ces derniers temps, nous sommes inquiets quant au séchage rapide du cacao. Pourtant, il faut bien vendre le produit pour scolariser son enfant », laisse entendre zango Abdoulaye, membre d’une société coopérative dans le village de Tchédjelet. 

Quelles solutions ?

rentrée scolaire 2022-2023

Ses enfants sont encore à la maison malgré l’annonce de la rentrée des classes. Il avance que même les villageois qui disposent de cacao actuellement ne veulent pas prendre le risque de le vendre. De peur qu’on le leur achète à vil prix. Eux aussi attendent le 1er octobre pour se présenter devant l’acheteur de produits. Avec le ferme souhait que le prix qui sera fixé tiendra compte de la cherté de la vie. « Pourquoi pas 900 francs ou 1000 francs le kilogramme. Comme cela, on pourra mieux nous occuper des enfants qui sont à l’école », souhaite Zango. L’ouvrier agricole se souvient de l’année 2010 où le prix du cacao a atteint la barre de 1000 francs. « Cette année-là, nous n’avons éprouvé aucune difficulté à inscrire nos enfants à l’école », se souvient-il. Gagnoa étant une zone de production de cacao, de nombreux élèves sont encore au village ou au campement pour aider leurs parents dans les travaux champêtres. « C’est l’argent du cacao que nous prenons pour inscrire nos enfants. Cet argent, nous l’avons une fois par an, c’est-à-dire en octobre, lors de la traite. Nous ne sommes pas des fonctionnaires pour être payés mensuellement. Donc qu’on tienne compte aussi des planteurs pour fixer la date de la rentrée », donne de la voie, Brou Bilal, planteur de cacao, résidant dans le campement de Kouassikro. Pour lui, la date de la rentrée scolaire doit être fixée dans le courant du mois d’octobre. « Comme cela, tous les paysans ont vendu leur cacao. Par conséquent, ils sont prêts à inscrire les enfants. Si la date de la rentrée ne change pas, il aura toujours des enfants, comme les nôtres, qui s’inscriront en retard », ajoute l’habitant de Kouassikro. Il est soutenu par ses collègues planteurs qui, nostalgiques, rappellent qu’au temps du président Félix Houphouet Boigny, on laissait le paysan vendre son cacao avant d’envoyer son enfant à l’école.

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Alain Doua 

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