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Publié le 15 août, 2023

Dr. Sako Mariame Makemin est détentrice d’un doctorat en médecine de la faculté libre de médecine de Lille. Au cours de son cursus elle s’est spécialisée en médecine d’urgence et de catastrophe, en gynécologie médicale et en hypnothérapie. C’est cette belle dame au bagage intellectuel lourd que voiedefemme.net a rencontré pour ses fidèles lecteurs.

Comment est venue l’amour pour la médecine ?

Cela remonte à très loin. Dès le primaire j’ai dit à mes parents que je voulais faire de la médecine et aider les autres. Tout est parti de là.

Médecine de famille, médecine générale, médecine de catastrophe, gynécologie… Quelle est la différence ?

Le médecin de famille est un médecin généraliste. Cela veut dire la même chose. La gynécologie a deux volets. Il y a la gynécologie-obstétrique et la gynécologie médicale. Le gynécologue-obstétricien bénéficie en outre d’une formation en chirurgie lui permettant de pratiquer des interventions. La gynécologie médicale étudie et traite les différentes pathologies de l’appareil génital de la femme et les troubles hormonaux féminins.

Que veut dire médecin d’urgence et catastrophe ?

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La médecine d’urgence est une spécialité qui permet de travailler dans les services d’urgences et prendre en charge des cas graves comme moins graves de toutes spécialités. La médecine de catastrophe est une autre spécialité qui permet de prendre en charge des patients lors d’évènements de grande envergure, comme l’explosion d’une bombe, l’affaissement d’un immeuble. Ce qui m’a plu dans la médecine d’urgence est que n’importe qui peut venir pour n’importe quel problème de santé. C’est très diversifié.

Est-ce que cela fait partie du cursus scolaire ?

Non. C’est un plus. Vous faites la médecine en 6 ans. Ensuite pour la médecine générale vous faites 3 ans de résidanat. Et si on veut être spécialiste on passe le concours de l’internat et on choisit sa spécialité. La formation peut durer 4 à 8 ans selon la spécialité.

Cette formation se fait-elle en Côte d’Ivoire ?

La formation pour être médecin se passe à peu près de la même façon partout dans le monde.

En urgences on peut être face à des images fortes.  Qu’est-ce que cela vous fait ?

Je pense qu’avec le travail que l’on fait on développe une certaine réserve. Oui on a une sensibilité mais on sait faire la part des choses. Quand quelqu’un arrive dans un état grave, notre priorité est de le soigner. On ne laisse pas la place aux émotions.

Qu’est-ce que c’est que l’hypnothérapie ?

C’est une discipline qui permet de faire une thérapie par l’hypnose. Il y a aussi un volet coaching qui est associé.

Vous parlez de coaching. Est-ce le même coaching qu’on voit sur les réseaux sociaux ?

Oui, sauf qu’il faut avoir un diplôme. Pareil pour l’hypnose, on ne peut pas se dire hypnothérapeute si on n’a pas fait les études de l’hypnothérapie. Il faut avoir fait des études attestées par un diplôme. Cela m’a pris 3 ans d’étude pour obtenir une maîtrise en hypnothérapie.

Gynécologue, médecin généraliste, hypnothérapie…Qu’est-ce qui vous fait courir ?

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C’est la soif d’apprendre. La soif de me perfectionner, de venir en aide à mes patients et de les soigner dans leur globalité. Je prends en compte la problématique physique mais on sait aussi qu’il y a le volet psychologique qui peut avoir des effets sur le corps et créer des maladies.

On a toujours l’impression qui l’hypnothérapie est une affaire de Blanc. Est-ce que vous avez des patients ici ?

Oui j’ai des patients ici. Dans mes débuts, quand je disais que je faisais de l’hypnothérapie les gens s’étonnaient. En fait on se fait une mauvaise idée de l’hypnothérapie. On pense qu’avec l’hypnothérapie, le thérapeute va fouiller dans le cerveau du patient et lui faire faire ce qu’il ne veut pas faire. Rien de tout cela. Dans la thérapie par l’hypnose la personne est consciente. À tout moment elle peut ouvrir les yeux ou bouger.

Sauf qu’elle n’est pas consciente de ce qu’elle fait…

Si elle est pleinement consciente. C’est comme si vous êtes installé là en fermant les yeux c’est tout.

Vous intervenez au Canada, en Europe et en Côte d’Ivoire. Est-ce qu’on retrouve les mêmes problèmes sur ces trois continents ?

Oui, on retrouve les mêmes problèmes. On se rend compte que c’est universel. Les thèmes qui reviennent sont souvent les traumatismes, la dépression, les troubles alimentaires, l’arrêt du tabac et le manque de confiance en soi.

Quelle est la couche sociale la plus touchée ?

Toutes les couches sociales sont touchées. En fait dans les couches sociales les plus aisées les gens prennent plus vite conscience et cherchent de l’aide alors que dans les couches sociales les moins aisées les gens en sont moins conscients.

Qui sont vos clients ?

Tout le monde peut avoir besoin de se faire consulter. Mes patients sont très variés. Par exemple après la crise qu’on a vécu plusieurs personnes sont affecté par le stress post-traumatique. Il y a des gens qui souffrent encore de dépression lié à cet évènement.

Quelle est la tranche d’âge la plus fréquente chez vous ?

L’âge varie entre 30 et 50 ans. Mais j’ai une forte demande de personnes plus jeunes entre 20 et 30 ans. Malheureusement dans cette tranche d’âge le prix de la consultation est un frein.

Parce que ça coûte cher ?

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Je ne dirais pas que cela coûte cher. Ça ne coûte pas plus cher qu’un téléphone portable. Peut-on mettre un prix sur son bien-être et sa santé ?

Est-ce que c’est le client qui vient de lui-même ou c’est son entourage qui l’emmène vers vous ?

C’est le client lui-même qui nous contacte. Le client constate que quelque chose a changé en lui, qu’il se sent mal. Généralement c’est à la recherche de l’aide que la personne vient jusqu’à nous. Il y a aussi des connaissances à moi qui m’adressent des patients.

Combien de temps dure le suivi ?

Cela dépend du problème. En général une à trois séances pour des cas simples et jusqu’à six séances pour des cas plus compliqués. Il y aussi ceux qui ont plusieurs problèmes, dans ce cas le suivi peut s’étendre sur un an ou plus.

Est-ce que les séances sont programmées pour chaque jour ?

Non, une fois chaque trois semaines à 1 mois environ, en général. Mais cela peut changer en fonction du problème.

Comment se passe la séance ?

Sachez qu’on n’endort pas la personne. Je vous reçois et vous m’expliquez votre problème et sur quoi vous voulez travailler. Ensuite je vous mets dans un état de relaxation avec ou sans musique. Vous n’êtes pas endormis et vous pouvez bouger et ouvrir les yeux.

Où faites-vous les consultations ?

Je reçois mes patients à la « Clinique Procréa » les mercredis dans le cadre de l’hypnothérapie. J’assure aussi le service des urgences de la clinique. Elle est située à côté de l’Université alliance chrétienne à Mpouto.

Est-ce que vous avez plus de clients sur les autres continents qu’en Côte d’Ivoire ?

C’est vrai qu’en Afrique il y a un réseau social qui est important mais on ne peut pas dire qu’en Europe ou en Amérique les gens sont plus exposés qu’en Afrique. Le problème en Afrique c’est qu’on n’ose pas parler lorsqu’il s’agit de problème de dépression. Or, en Europe les gens sont habitués et ils consultent plus facilement. Il y a aussi le fait qu’en Afrique la santé mentale est toujours assimilée à la folie.

Est-ce qu’il y a une explication au fait que c’est la tranche d’âge de 30 à 50 ans qui consulte le plus ?

On peut dire qu’ils ont plus les moyens pour payer la consultation. L’autre volet c’est que cette tranche d’âge a plus de réflexion sur elle-même. Il est aussi vrai que les gens dans la vingtaine sont aussi très réfléchis mais on peut le dire comme ça.

Comment se règle le coût des séances ?

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Les séances sont facturées le jour du rendez-vous.

Est-ce qu’il y a d’autres spécialistes dans l’hypnothérapie en Côte d’Ivoire ?

Oui il y a quelques spécialistes en hypnothérapie. On peut en compter quatre au moins. Toutes des dames.

En dehors de vous, est-ce qu’il y a d’autres ivoiriens spécialistes d’hypnothérapie ?

J’en connais qu’une seule.

Y a-t-il une autre branche de l’hypnothérapie ? On voit à la télévision et on lit des choses sur certains patients qui sont conditionnés pour accomplir certaines missions.

Ce n’est pas de la thérapie par l’hypnose mais de l’hypnose de spectacle. On met la personne dans un état très profond où elle s’endort et est déconnectée. Ce n’est pas notre domaine.

Est-ce que des études peuvent permettre d’arriver jusqu’à ce niveau ?

C’est possible mais je ne suis pas formée à ça. Ce n’est pas enseigné dans nos programmes de formation.

Cela ressemble à de la magie noire.

Ce n’est pas de la magie. Mais de toute façon nos cours ne nous enseignent pas cela.

Est-ce que la formation de l’hypnothérapie se fait en Côte d’Ivoire ?

A ma connaissance non.

A combien s’élève la formation ?

Il y a différentes formations possibles, et les prix varient.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire une telle formation ?

Il y a quelques années j’ai eu un problème et ma collègue médecin m’a conseillé de me faire consulter. J’étais un peu sceptique au départ et comme mon problème ne se résolvait pas j’y suis allée. Ça m’a beaucoup aidé et j’ai vu ce que cela pouvait apporter. J’ai donc décidé de me former.

Est-ce qu’il y a des techniques à conseiller pour ne pas aller consulter chez vous ?

Malheureusement je n’ai pas de conseils dans ce sens. On ne peut pas prévoir ce qui va arriver et comment une personne peut réagir face à une situation. C’est des états imprévisibles.

Est-ce que vous recevez des patients en dehors de la « Clinique Procréa » ?

Pas pour le moment.

Les études de médecine sont longues. En plus vous avez fait des spécialités. Est-ce que vous avez eu le temps de faire une vie de jeunesse ?

Je dirai oui, même si j’ai dû moins sortir ou avoir moins d’activités que des personnes dans d’autres filières à l’université.

Interview réalisé par Sékongo Naoua

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