Publié le 25 novembre, 2021

Ça fait l’actualité dans la commune de Yopougon, depuis ce lundi 22 novembre 2021. Les chauffeurs des taxis, communément appelés « Wôrô Wôrô » et ceux des minicars « Gbaka », ont décidé d’observer une période de grève de trois (3) jours à compter de ce lundi 22.

C’est très tôt le matin que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Une situation qui, comme l’on pouvait s’y attendre, a eu des répercutions sur l’ensemble des populations de ladite commune.

La désolation des enseignants et des élèves

Notre équipe s’est rendu sur le terrain, pour comprendre les répercutions de cette grave sur les élèves et le corps enseignant. C’est au sein du Collège Saint-Augustin, établissement situé à quelques centaines de mètres du grand carrefour du quartier « Koweit », que nous débutons notre enquête.

A l’intérieur dudit collège, nous rencontrons un enseignant qui nous décrit toutes ses peines à se rendre à son lieu de travail ce lundi 22 novembre. « Ce que nous souhaitons, c’est que la situation s’améliore pour ne pas que les élèves et nous les professeurs qui sommes pointés à l’horaire soyons pénalisés. J’ai dû faire mains et pieds pour arriver ici… » se désole l’enseignant qui a choisi de garder l’anonymat.

Ce dernier nous invite à prendre plus de détails avec le directeur de l’école. Nous sommes reçu dans les bureaux de M. Traoré Alain, directeur du collège.

A l’en croire, cette journée du lundi n’a pas été comme les autres. « Nous avons enregistré beaucoup de retard aujourd’hui. En plus de cela, la moitié de mes enseignants n’est pas venue au cours. Il est déjà 10h43. Et c’est maintenant que certains se sont amenés. Ce matin, nous avons été surpris par la grève. Parce que, jusqu’à 7h30, nous avons pour habitude de saluer les couleurs nationales. Mais malheureusement, nous n’avons pas vu nos élèves arriver au cours à l’heure. C’est après 7h passé que certains ont commencé à s’amener », a fait remarquer le responsable de cet établissement.

Le directeur d’école a formulé le vœu de voir cette situation s’améliorer. Et ce, à la faveur du trimestre qui arrive bientôt à son terme. « Vous voyez cette rue qui, d’habitude grouille de monde, il n’y a pratiquement personne aujourd’hui. Ce sont des situations qui ne nous arrangent pas. Nous ne savons pas exactement c’est quoi le problème entre les Wôrô Wôrô, les Gbaka et les autorités, mais  j’espère qu’ils vont s’entendre et reprendre le travail. Sinon cela ne nous arrange pas » a-t-il conclu.

Certains chauffeurs se désolidarisent de la grève

Nous continuons nos investigations vers un autre établissement scolaire, Le Groupe Scolaire Les Petits Soleils, sis au carrefour Koweit. Mais avant, un mouvement se fait remarquer au niveau de la circulation. Ce sont des véhicules, des minicars (Gbaka), quelques-uns qui jouent les trouble-fêtes.

« L’apprenti » d’un mini car en direction « d’Adjamé Liberté » s’active à la recherche de clients . Il ne semble d’ailleurs pas s’inquiéter de savoir ce que pensent ses autres collègues grévistes. Nous décidons donc de lui arracher quelques mots.

Vous n’êtes plus en grève ? : « Nous sommes en grève ! Mais nous sommes en train de voler. Sinon rien ne roule actuellement. Nous avons notre raccourci que nous prenons pour ne pas nous faire attraper par les syndicalistes. Parce qu’au niveau du Sable, c’est impossible de passer », avoue-t-il rapidement avant de continuer ses activités.

Avec lui, quelques véhicules, en attente de « charger », restent aux aguets. A quelques mètres de là, d’autres minicars, eux aussi, ne semblent pas être concernés par cette grève. Dans la zone Ils sont les seuls, en plus des taxis compteurs, et les bus de la SOTRA, à continuer à transporter la population depuis ce matin.

C’est d’ailleurs ces autres moyens de transport qui rassurent le directeur du Groupe Scolaire Les Petits Soleils. « Tout le monde est là. Les Wôrô Wôrô ne sont pas les seuls moyens de transport dans la commune. Comme cela se passe à l’intérieur de la commune, cela n’a pas trop perturbé tout le système. Nous avons juste utilisé les autres moyens de transport », avance-t-il sereinement.

En clair, pour lui, cette grève ne change absolument rien dans le déroulement de son programme scolaire avec ses élèves et ses enseignants. Pour le directeur qui n’a pas souhaité s’identifier, estime que l’absence de ces véhicules de transport sur le marché, n’est qu’un moindre mal. « S’ils veulent, qu’ils fassent 10 jours de grève. Cela ne change rien. Et puis c’’est mieux ainsi. Il y a moins de bruits, moins de pollutions… ». C’est sur ces mots que nous avons pris congé du premier responsable de cet établissement.

Il est 11 h 05 minutes lorsque nous embarquons dans un minicar en direction du carrefour Les Sapeurs Pompiers militaires du quartier « Camp Militaire ». Depuis l’intérieur dudit véhicule, nous observons, avec surprise, une affluence qui se fait de plus en plus remarquer au niveau de la circulation. Et pourtant, le mot d’ordre de grève a bel et bien été donné.

D’autres minicars, plus petits (badjan), en partance pour la Zone Industrielle de Yopougon, ont, eux aussi, décidé de rejoindre les dissidents. Juste à gauche, quelques taxis communaux ne sont pas en reste. Un à un, mais encore craintifs pour certains, ces chauffeurs décident, tout de même, de se lancer. Ils vaquent ainsi à leurs occupations.

Arrivé au niveau des Collèges, Les Phalènes et Soña, situés respectivement à trois cent mètres et cinq cent mètres du grand carrefour des Sapeurs Pompiers militaires, nous marquons le pas. Nous sommes curieux de savoir les conséquences de cet arrêt de travail des chauffeurs a pu avoir sur élèves et enseignants.

Si dans ces deux collèges, les avis divergent sur les conséquences de cette grève, il faut l’avouer,  le déroulement des cours n’ont pas été, dans l’ensemble, impactés. Et le cas échant, des mesures ont d’ores et déjà été prises, de part et d’autre, pour parer à toute éventualité. « Nous avons déjà donné des instructions au niveau des éducateurs pour donner des billets à tous les retardataires. Parce que ce n’est pas de leur faute. Sinon, au niveau des enseignants, il n’y a aucun problème. Personne ne nous a appelé pour nous signaler un quelconque problème. Tous sont présents… Certes, nous n’avons pas fait le point des élèves mais tout est normal », s’est convaincu un responsable du collège Les Phalènes, que nous avons rencontré à 11h47 minutes.

Dans l’ensemble les cours pas si perturbés…

Quand à Mme Angaman Marie-Chantal, éducatrice du collège, l’inquiétude demeure. Celle qui dit résider dans la commune d’Abobo, a eu mille peines à rejoindre son lieu de travail ce matin. Et pour cause, c’est seulement dans la commune de Yopougon que les grévistes se sont signalés. « Arrivée à l’établissement, j’ai effectivement constaté qu’il y a certains professeurs qui sont venus très en retard. Pareillement aussi pour les élèves. Donc, cela a beaucoup perturbé les cours… Les élèves arrivés en retard ont normalement été autorisés à regagner leur classe. Puisque, c’est une situation exceptionnelle. Si la situation perdure, cela va engendrer des répercutions. Etant donné qu’il y a des enfants, des élèves qui vivent très loin du collège. Comment ces derniers feront pour se rendre au cours ? Même chose pour les professeurs qui auront également des difficultés à donner leurs cours de façon normale », s’est convaincue l’éducatrice, en présence de ses élèves.

Il faut dire que, dans l’ensemble, les cours, malgré cette grève, n’ont pas fortement été perturbés. Les autres moyens de transport existant, les élèves, parents, et enseignants ont su trouver, chacun, sa parade pour se rendre à sa destination. Sauf que, faut-il le reconnaître, cela ne réduit en rien l’importance capitale de ces véhicules de transport dans la plus grande ville de Côte d’Ivoire.

 Les attentes des chauffeurs de taxi !

A la suite de nos visites dans les établissements scolaires de la commune, notre équipe a assisté à une rencontre des responsables des grévistes. Cela s’est fait au carrefour Sapeurs Pompiers, à 11h55 minutes. Entouré par un monde fou, Konan Kouamé Germain, chauffeur de taxi, l’un des responsables de la revendication, s’exprime. D’un regard serein, il prend son souffle et se lance : « La mairie de Yopougon nous donne une contravention dont nous ignorons la cause. Elle s’élève de 5000F à 50 000F. Nous voulons savoir ce qu’il se passe exactement, étant donné que les seules personnes que nous connaissons depuis toujours, c’est la police. Mais à notre grande surprise, c’est la mairie qui nous poursuit à présent sans aucune raison. Elle s’est même dotée de motos pour nous poursuivre dans toute la commune », a d’abord déclaré Kouamé Konan, sous le regard convaincu de ses pairs. Et ce dernier de mettre en garde : « Nous avons donc pris une décision pour s’approcher de nos devanciers pour tirer l’affaire au clair. Nous voulons savoir si c’est pour la mairie nous travaillons ou bien pour nous-mêmes. Qu’ils nous le disent. C’est pourquoi nous avons arrêté de travailler. Nous ne souhaitons plus avoir affaire à la mairie. Nous voulons juste travailler avec la police et la gendarmerie ».

Pour sa part, Sidiki Konaté, président de l’Association des chauffeurs professionnels de Côte d’Ivoire, tout est clair. Seul le retrait des ‘papillons’ de la mairie est exigé. Selon lui, seul le maire, Gilbert Koné Kafana, a la solution aux problèmes des chauffeurs. Il a donc décidé de l’interpeller: « En 2018, le même papillon a été combattu ici. Et après la mort d’Amadou Gon Coulibaly, le même papillon ressort encore. Ce n’est pas normal. Nous ne pouvons pas comprendre que la mairie fasse sortir un produit sans sensibiliser les personnes concernées. C’est ce qui pose problème. Aujourd’hui, regardez comment la population souffre. Qu’ils pensent à cela », a invité Sidiki Konaté, en présence de l’ensemble des grévistes.

Pour ce qui est de la situation des dissidents qui pensent boycotter la lutte, Sidiki Konaté est ses amis se disent confiants. selon eux, sur les 8500 taxis communaux ou Wôrô Wôrô que comptent la commune, la majorité a stationné. Aussi, sur les 1700 minicars (Gbaka) de Yopougon, la grande majorité a également stationné. ajoute M. Sidiki.

D’ailleurs, ces chauffeurs des taxis et Gbaka ont décidé de mettre en garde… Selon le président de l’Association des chauffeurs professionnels de Côte d’Ivoire, si rien n’est fait après ces trois (3) jours de grève, la lutte continuera. « Si Nous n’avons pas gain de cause après ces trois jours, nous allons faire une grève pacifique de tous les véhicules de la commune de Yopougon. Nous allons le faire pendant trois autres jours. Nous allons boycotter toutes les taxes communales jusqu’à ce que nos problèmes soient réglés » a-t-il prévenu.

Cette grève, aux dires de ces hommes, visiblement déterminés à aller jusqu’au bout de leur lutte, risque de causer des dégâts. Espérons que les autorités communales et le premier magistrat, pourront trouver un terrain d’entente pour la stabilité et la tranquillité des élèves et enseignants ainsi que pour toute la population de Yopougon.

Arsène L.

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