Publié le 20 mai, 2021

Professeur titulaire de nutrition et biochimie à l’université Nangui Abrogoua, d’Abobo-Adjamé, Gbogouri Grodji Albarin a développé une gamme de produits alimentaires favorables à la santé, dont l’Attiéké diététique déjà sur le marché et enrichi sur trois gammes : Soja, Oméga 3, et vitamine A. Dans cette interview accordée à Voix Voie de Femme le 14 mai 2021, l’enseignant-chercheur à l’université Nagui Abrogoua espère le soutien des pouvoirs publics pour vulgariser son projet.

Pouvez nous en dire davantage sur ce que vous faites au quotidien ?

Je suis enseignant-chercheur. J’enseigne la nutrition diététique, tout ce qui est attrait à la nutrition. Je fais aussi de la recherche, je suis beaucoup axé sur la valorisation des aliments locaux donc par des méthodes d’enrichissements. Ce qu’on appelle la fortification alimentaire pour que ces aliments puissent être une solution santé pour les populations.

Je travaille aussi en nutrition sur beaucoup de programmes, notamment la fabrication des aliments pour enfants pour lutter contre la malnutrition, sur l’alimentation des femmes enceintes…

Je travaille sur les systèmes d’agriculture sensibles à la nutrition, et j’ai mis en place à Korhogo, des stratégies de production des aliments sur leur terre pour favoriser une grande production des aliments à intérêt nutritionnel.

Aujourd’hui je travaille aussi sur l’enrichissement du riz, c’est un projet de l’Etat, les études avances. Je suis consultant au programme alimentaire international. Là, nous sommes encore au stade d’étude. J’ai aussi élaboré des guides alimentaires de nutrition pour des régimes alimentaires. Souvent les diététistes n’ont pas trop de repères . Ces guides qu’ils utilisent prennent en compte les aliments que nous consommons tous les jours. Par exemple à l’ouest de la Côte d’Ivoire, les aliments qui sont consommés là-bas vont être utilisés pour en faire des régimes alimentaires, et cela marche.

Pourquoi avez-vous décidé de produire de l’attiéké diététique ?

Dans la stratégie internationale, pour venir à bout de la malnutrition, l’OMS recommande que les Etats ou les nations, utilisent les aliments qui sont fortement conseillés pour combattre la nutrition sous toutes ses formes. Au niveau de la Côte d’Ivoire, le premier aliment qui est consommé, c’est le riz, après vient l’attiéké qui est une semoule faite à base de manioc et connu aujourd’hui en Côte d’Ivoire, dans la sous-région et même international. Nous avons vu la nécessité que cet aliment, malgré qu’il soit consommé grandement, a des défaillances. C’est un aliment qui est pauvre en nutriment et qui est riche en amidon en glucide (Ndlr, sucres et corps gras) à prêt de 95%, le reste c’est de l’eau. Avec le traitement technologique, il est dépourvu en vitamine et en micronutriments (Ndlr, éléments nutritionnels fournissant l’énergie nécessaire pour le bon fonctionnement de l’organisme).

Il est vraiment consommé par toutes les couches sociales, du plus aisé au moins aisé, notamment aussi lorsqu’il y a les crises, c’est cet aliment qui est le plus consommé par nos populations. Scientifiquement il faut avoir l’œil, c’est cet œil que nous avons eu avec mon équipe. Depuis 2016, j’ai engagé les études sur l’Attiéké et ça a pris du temps. L’enrichissement est possible, mais quand ça été fait, il fallait standardiser, et tester l’efficacité d’enrichissement. Ce pourquoi on a mis tout ce temps.  Non seulement les micronutriments se trouvent dedans, mais quand on donne à manger il y a de l’effet escompté. Voilà l’histoire de l’attiéké enrichit.

Quelles sont les solutions qu’apporte l’attiéké diététique  à ces carences ?

Il est semblable à l’attiéké que nous consommons déjà, et ne change pas. Les caractéristiques organoleptiques et  la texture ne changent pas. Seulement, cet attiéké a été enrichi naturellement avec des éléments à hautes valeurs nutritives. On l’a enrichi avec le processus de fabrication de l’attiéké, évidemment en mettant des techniques spécifiques de la fortification. Notre objectif, c’est que le produit soit non seulement comme le produit normal, mais qu’il soit aussi moins coûteux. On avait aussi le choix de sacrifier le goût et améliorer grandement les caractéristiques organoleptiques et nutritionnelles, mais on a décidé d’être dans le juste milieu et c’est ce que nous avons fait avec l’attiéké. Nous avons produit trois gammes.  L’attiéké enrichi en acide gras, en oméga 3, indispensables pour le bon fonctionnement de l’organisme, l’attiéké enrichi au soja et l’attiéké enrichi en provitamine A (Ndlr, substance pouvant être transformée en vitamine par l’organisme). Les études continuent sur d’autres variétés d’attiéké. 

Cet attiéké, tout le monde peut le consommer, parce que dans la nutrition, il y a de l’alimentation curative, mais il y a le préventif. La nutrition c’est aussi la santé. Ce sont des vitamines, des micronutriments, des éléments dont on a besoin au quotidien pour que notre système immunitaire fonctionne correctement, et pour avoir la santé qu’il faut. Cet aliment est destiné aux personnes qui veulent avoir une alimentation solide. A partir de deux ans, jusqu’à l’âge de vieillesse, on peut le consommer. Ce produit se conserve sur 1 an et demi voire 2 ans. Ça permet de rendre disponible le produit et même en temps de manque de manioc on peut l’avoir.

Voulez-vous dire qu’il y a des inconvénients dans la consommation de l’attiéké naturel sur la santé ?

Hippocrate( Ndlr: né vers 460 avant J.-C. sur l’île de Cos et mort en 377 av. J.-C, médecin grec  considéré comme le père de la médecine),  a dit : « Que ton aliment soit ton médicament ». Effectivement l’abus de certains aliments peut créer un déséquilibre, et l’organisme n’arrive plus à supporter les nutriments. Il y a plusieurs types de malnutrition. Il y a des malnutritions par carence (l’aliment est pauvre en nutriments), c’est ce qu’on appelle la faim cachée. On peut manquer de sels minéraux (le fer, le magnésium, le zinc) et ça dépend de ce qu’on consomme au quotidien.

Chez les enfants, il peut avoir des maladies tels que le marasme, la kwashiorkor, le béribéri, retard de croissance et autre, c’est délicat.

Il y a des malnutritions par excès, ce qui indique une consommation d’aliments à l’accès. En réalité, les aliments que nous consommons, si nous ne suivons pas les règles diététiques, peuvent nous créer des problèmes et surtout que les aliments hyper-transformés peuvent envoyer des complications. Je ne le dis pas pour l’attiéké, mais en tant que scientifique de la nutrition, l’attiéké pour ce que je sais est riche en glucide donc en amidon, à 90%. Glucide vraiment transformé pourrait-on dire raffiné, ça veut dire que tous les traitements technologiques qu’on applique enlèvent beaucoup de nutriments.

A force de traiter, on retire la plus part des vitamines et micronutriments et il ne reste que l’amidon. Or l’objectif de l’amidon, c’est de donner du glucose (composition chimique) qui peut augmenter le taux de sucre dans le sang donc le diabète sucré.

L’attiéké est pauvre en protéines, en lipide c’est un aliment un peu déséquilibré, voilà pourquoi on le mange avec les légumes, et crudités, sinon, il ne faut pas le manger sec.

L’attiéké diététique met donc à l’abri de toutes ces défaillances?

Je ne le dirai pas à l’abri de tout à 100% parce qu’en enrichissant l’attiéké, nous avons un objectif nutritionnel bien visé. Le fait d’avoir produit trois catégories d’attiéké nous emmène sur trois champs nutritionnels, complémentaires. On a d’abord pris l’attiéké et on y a ajouté un aliment à forts potentiels nutritionnels. Donc il est devenu un peu équilibré, puisque nous avons voulu rétablir l’équilibre nutritionnel de l’attiéké.

L’attiéké enrichit au soja, est riche en protéine, on a diminué le taux de glucide, on a apporté des fibres alimentaires, de la très bonne matière grasse et on a apporté des micronutriments de l’aliment ajouté. Mais, dans des procédés technologiques très très étudiés. Le taux de glucide est réduit à 70%, le taux de protéine qui était à 1% a été ramené à environ 7 à 10%. L’objectif ici est de rétablir l’équilibre nutritionnel de cet aliment de base pour une certaine catégorie de personnes, les enfants en croissances notamment. Il réduit le mauvais cholestérol, il contribue au bon fonctionnement des organes vitaux le rein, le foie, il diminue la glycémie.  De 63% pour l’attiéké normal, il est maintenant à 40%. Ça veut dire qu’après consommation de cet attiké, l’amidon ne va pas passer rapidement dans le sang, ça va prendre du temps. L’organisme a le temps d’éliminer, et la glycémie ne va pas augmenter.

L’attiéké riche en oméga 3, peut être consommé par tout type de personnes, enfants, femmes enceintes, jeunes… Les omégas 3 sont des molécules qui composent le cerveau à 40%. La science a montré que ces molécules permettent d’augmenter la capacité cognitive d’une personne, d’un enfant. J’ai travaillé depuis 2007 sur comment rechercher les omégas 3 dans les aliments au niveau de la Côte d’Ivoire. J’en ai trouvé dans certains aliments et j’ai ajouté. On a fait une étude clinique qui a prouvé qu’il augmente le bon cholestérol. Lorsqu’il est dans le sang, il le fluidifie. Cet attiéké a aussi des vertus nutritionnelles très intéressantes au niveau de la vue.

L’attiéké enrichi en vitamine A, peut être consommé par ceux qui ne consomment pas l’huile.  Ces attiékés sont destinés à toutes les couches et personnes quel que soit l’âge et surtout celles qui sont faibles au niveau nutrition.

Marina Kouakou

Lire la suite dans l’édition du 24 mai 2021

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