Selon une enquête publiée en 2018, près de 300 000 avortements clandestins sont enregistrés par an en Côte d’Ivoire.

Publié le 17 août, 2020

En Côte d’Ivoire, l’avortement est interdit par la loi. Pourtant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est pratiquée clandestinement par des tradipraticiens et des médecins généralistes, dans des conditions très risquées pour la vie des jeunes filles.

Selon l’enquête de Performance Monitoring And Accountability 2020 (PMA 2020), 4 à 5 % des femmes en âge de procréer avaient eu, en 2018, un avortement potentiel dans les 12 mois, soit entre 210 000 et 288 000 avortements par an en Côte d’Ivoire !

Les avortements clandestins participaient à 18% aux décès maternels. Les causes de cette pratique condamnée sont bien multiples. Elles partent du déni de la grossesse par le partenaire, au poids des normes sociales, en passant par les questions d’ordre financières.

Si la loi réprime la pratique, elle tolère l’avortement dans certains cas. Selon Jeff Amann, chargé de la communication de Action contre les grossesses non désirées et à risque (AGnDR), il s’agit là de l’avortement sécurisé. En 2011, la Côte d’Ivoire a ratifié le Protocole de Maputo sur les Droits de reproduction des femmes. Ce Protocole engage la Côte d’Ivoire à prendre toutes les mesures appropriées pour protéger ces droits en cas d’agression sexuelle , de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger.

« Beaucoup de filles avortent pour des cas d’inceste ou de viol. Mais tous ces cas se déroulent dans la clandestinité », souligne le Dr Koné Brahima, médecin généraliste.

Jean François Aman de AGnDR, un groupe thématique issu de la coalition de la société civile Santé de la reproduction et planification familiale, explique que la pratique de l’avortement sécurisé n’est pas aussi simple.

« C’est vrai que le dernier code pénal ivoirien autorise les praticiens à offrir les services d’avortement dans les cas de viol et quand la vie de la mère est en danger. Mais, là encore, il faut un collège de médecins pour attester de tout cela, comme le stipule l’article 427 du nouveau code pénal », explique M. Aman.

Le responsable de la Communication de cette ONG de la santé de la reproduction fait également remarquer que le code pénal ivoirien reste muet sur les cas d’inceste. « Il y a aussi les cas d’inceste et de la malformation du fœtus qui devrait également bénéficier d’une assise légale pour que les femmes dans ces situations puissent solliciter ces services si elles le souhaitent », révèle-t-il.

Pour réduire l’important taux de mortalité que mentionne l’étude, l’AGnDR qui existe depuis février 2019, conduit un plaidoyer pour l’accès à l’avortement sécurisé.

Selon lui, cette pratique légale de l’avortement n’est pas connue, ce qui conduit les jeunes filles à continuer de recourir aux tradipraticiens et autres médecins qui en font leur gagne-pain. M. Aman sait également que cette sensibilisation ne sera pas de tout repos. L’AGnDR va devoir compter avec les religieux qui demeurent très opposés à l’avortement sous toutes ses formes. « Pour ce qui relève de la perception du plaidoyer, il faut dire qu’il y a beaucoup d’amalgames. Du fait des construits sociaux et religieux, l’on vous jette la pierre en accusant les organisations de la société civile qui travaillent sur cette thématique de faire la promotion de l’avortement. Ce qui n’est pas vrai. Il s’agit des cas spécifiques », rassure-t-il.

En tout cas, l’AGnDR veut faire connaître et défendre l’avortement sécurisé. Il y a quelques mois, elle a initié une série d’ateliers pour la vulgarisation du protocole de Maputo.

Ces ateliers se déroulent dans les villes d’Abidjan, de Man et de Bouaké. En mars dernier, l’ONG a organisé un panel à l’occasion de la journée internationale de la femme pour faire l’état des lieux des droits de la femme ivoirienne en matière de Droits en santé sexuelle et reproductive (DSSR). Des ateliers en techniques de plaidoyer et en clarification des valeurs et transformation des attitudes (CVTA) vis-à-vis de l’avortement sécurisé ont également été organisés.

Depuis, elle réalise des campagnes de communication digitale avec des blogueurs et influenceurs ainsi que des meet-up (groupes de personnes qui se retrouvent et discutent d’un sujet d’intérêt commun interagissant par la même occasion sur internet), et des focus group (groupes représentatifs de personnes pour discuter d’un sujet donné) au bénéfice de jeunes filles et garçons pour les prévenir des risques des avortements clandestins.

Marina Kouakou

1 Commentaire

  • par Achille Aman
    Publié août 18, 2020 9:34 am 0Likes

    Très instructif

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