Publié le 5 janvier, 2021

A Abidjan des vendeuses ambulantes proposent des médicaments traditionnels embouteillés. Ces décoctions faites à base d’écorces d’arbres sont principalement vendues dans les gares routières ou sur les marchés. Reportage.

Traitements contre les hémorroïdes, contre l’impuissance sexuelle, antipaludéens, antidouleurs, traitements favorables à la procréation… Autant de remèdes que proposent ces ‘‘pharmaciennes’’ ambulantes de médicaments traditionnels à Abidjan.

Sur le marché d’Abobo, ce 30 décembre 2020, Madiarra F., vendeuse ambulante est venue se ravitailler chez sa belle-mère Tenin .C. La quantité de médicament prévue pour la journée avait déjà été écoulée à cette heure, 11 heures et 30 minutes.

En attendant d’être ravitaillée, la jeune vendeuse assiste sa belle-mère, à la manœuvre. Elle s’applique à écraser ces écorces à l’aide d’une machette.

« Avant, je vendais du poisson. Lorsque mon fonds de commerce est fini, ma belle-mère m’a conseillée de m’intéresser à ce qu’elle fait. Et depuis, ça marche bien pour moi. Je peux atteindre 50 clients par jour », se félicite-t-elle. 100 FCFA, 300 FCFA, 1000 FCFA sont les tarifs appliqués à ces produits ‘‘sanitaires’’ embouteillés.

« Les liquides vendus à 100 FCFA sont servis dans les verres. Ils sont consommés sur-le-champ. Ceux vendus à 300 FCFA sont les bouteilles d’un demi-litre. Les grandes bouteilles d’un litre et demie coûtent 1000 FCFA », détaille la vendeuse.

 Tenin C., est « Djimini », une ethnie du nord-est du pays. Depuis sa tendre enfance, elle pratique ce métier hérité de sa mère. Pour sa belle-fille, elle livre principalement des médicaments de palu, d’hémorroïdes, d’ulcères et aussi des médicaments contre la fatigue.

 « Ils sont à base de plante (écorce de manguier, gingembre, ndlr). Pour le palu j’utilise des feuilles jaunes, un autre médicament en poudre qu’on consomme couramment dans du tonique que je fais bouillir. Pour les hémorroïdes et la fatigue, j’utilise les écorces de manguier, les feuilles de teck, et feuille qu’on appelle communément djeka », explique la spécialiste.

Mais Madiarra précise que la plupart de ses clients sont des hommes. Ils s’en procurent pour se soigner contre la fatigue. « Il nettoie aussi les reins et rends fort sexuellement. C’est pour cela qu’il l’utilise beaucoup », justifie-t-elle.

Pour les maladies plus compliquées, la jeune femme qui revendique deux années d’expériences se réfère à la spécialiste, et jusque-là les retours sont bons. « Aucun de mes clients ne s’est jamais plaint d’un mal après avoir consommé le médicament. Tous se passent très bien. La preuve, on ne fait pas de publicité. Il suffit juste de se promener et les connaisseurs vous font appel », se félicite-t-elle.

Moustapha Doumbia, apprenti d’un minicar dans une gare à quelques encablures du marché confirme l’efficacité de la décoction. Lui, est friand de ces produits. « A force de tourner toute la journée, on est tout le temps fatigué. J’aime utiliser ces produits qui me permettent de me requinquer et être en forme. Ils me conviennent », indique-t-il.   

Si Moustapha approuve l’efficacité de ces traitements et les trouve naturels, Gilbert Kouassi, lui, craint des effets secondaires. « Il n’y a pas de mal à consommer ces produits. Mais je suis un peu inquiet quand même, vu que le rein va les filtrer. Je crains une consommation abusive. Cela pourrait aboutir à une insuffisance rénale à long terme », se réserve cet homme, la cinquantaine révolue.

La nécessaire réglementation

Toujours à Adjamé, Miriame Coulibaly, également revendeuse ambulante axe son traitement sur la procréation, la fatigue, le palu et bien d’autres maux. Elle se fait payer à la tâche, contrairement à Madiarra. Elle ignore donc la plupart des composants de ses traitements, mais jure de l’efficacité. « Mes produits proviennent directement du Korhogo, (chef-lieu de la région du Poro, ndlr). Nous sommes livrées par une guérisseuse de renom dans cette ville. Elle nous envoie des écorces d’arbres ou des feuilles. Lorsque ces produits arrivent, ma tante, pour qui je vends, s’occupe de la préparation et la mise en bouteille. Je me charge de la vente. Mais je connais le rôle de chaque liquide qu’on mélange. Nous avons souvent de très bons retours en guise de témoignage ». 

La jeune fille sillonne les gares d’Adjamé entre 9 h et 16 h au plus tard, et fixe les mêmes tarifs que celle d’Abobo.

Bien être ou risque sanitaire ?Le nutritionniste Aka Béranger Angélo donne son point de vue. « Certaines mesures réglementaires doivent être prises pour leur commercialisation. En effet bien que ces médicaments auraient des effets thérapeutiques chez ceux qui les utilisent régulièrement, il serait primordial de réaliser certains tests avant leur mise en vente notamment les tests de toxicité, les dosages et les effets thérapeutiques. Pourquoi ? parce que la mauvaise utilisation surtout un surdosage de ce médicament pourrait avoir des effets néfastes sur la santé en provoquant l’insuffisance rénal par exemple. En sommes je ne suis pas contre ces médicaments traditionnels, mais je suis pour réglementation avec un test au préalable avant la commercialisation ».

 Marina Kouakou

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