Le Docteur AKA Béranger Angelo, est nutritionniste et président de l’ONG Health By Food (ONG HBF).

Publié le 29 décembre, 2020

La consommation excessive de nourriture et ou de mélanges de plusieurs types d’aliments pendant la période des fêtes de fin d’année peut avoir des effets néfastes sur la santé. Quelles sont les mauvaises habitudes alimentaires et leurs conséquences pendant cette période ? Dans cette interview accordée à VoixVoie De femme, le Docteur AKA Béranger Angelo, nutritionniste et président de l’ONG Health By Food (ONG HBF) explique tout.

 
Quelles sont les mauvaises habitudes alimentaires constatées pendant la période des fêtes de fin d’année ?

 Pendant cette période, l’alimentation est déséquilibrée et est essentiellement constituée d’aliments énergétiques, c’est-à-dire de sucres et de graisses ou huiles. Pourtant, une alimentation équilibrée devrait renfermer les trois groupes d’aliments : protecteurs (fruits et légumes), énergétiques (céréales, tubercules, sucre de canne, huiles et graisses) et constructeurs (viande, poisson, œuf, lait).

Nous assistons à une hyperphagie qui consiste à consommer une grande quantité de nourriture en un temps réduit. En plus de cela, plusieurs aliments sont mélangés et consommés, occasionnant divers troubles essentiellement digestifs. Les gens mélangent des produits sucrés, des graisses et différents types d’alcools.

Il est vrai que durant les périodes de fête, les mets les plus raffinés s’invitent à notre table, notamment des viandes grasses, le riz gras (tchèp), les fritures de toute nature, les gâteaux à la crème, etc… Et personne ne peut y résister devant de tels aliments. Mais, après, ce comportement se paie, parfois bien cher. Toutefois, cela n’est pas une fatalité. Il suffit de respecter certaines règles en la matière.

Quelles sont les conséquences de ces mauvaises habitudes alimentaires ?

       Les mauvaises pratiques d’alimentation pendant la période des fêtes peuvent aboutir à trois types de troubles : les intolérances alimentaires, les allergies alimentaires et les intoxications alimentaires.

       Les intolérances alimentaires se traduisent par un certain nombre de symptômes à la consommation des aliments incriminés ; surtout chez les personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable. Ils peuvent apparaître immédiatement ou à distance. Les symptômes sont variables : il peut s’agir de dyspepsies : sensation d’inconfort abdominal survenant dans la partie haute de l’abdomen avec parfois des rots et même des remontées acides, brûlures d’estomac. Ces troubles peuvent survenir immédiatement après les repas ou après un temps plus ou moins long ; de ballonnement abdominal avec émissions fréquentes de gaz ; de diarrhée et de maux de tête.

       Les allergies alimentaires : l’individu fabrique des anticorps contre certains aliments tout comme il le ferait en présence d’un microbe. Le nombre d’allergies alimentaires a doublé en cinq ans dans le monde. Cette hausse est le fruit de modifications dans nos habitudes alimentaires en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier. Notre alimentation contient pas mal de nouvelles substances qui peuvent déclencher des allergies : les cacahuètes, le poisson, l’œuf de poule et l’avocat sont responsables de la majorité des allergies alimentaires. L’allergie alimentaire va se traduire par un certain nombre de symptômes à prédominance digestive : douleurs au ventre, nausées, vomissements, diarrhée. On peut voir associées de plaques rougeâtre sur la peau (lésions, d’urticaires), gonflement des lèvres, un choc anaphylactique : complication la plus grave pouvant conduire au décès et survenant quelques minutes après l’ingestion de l’aliment incriminé. Il faut rapidement conduire le concerné aux urgences médicales pour une prise en charge rapide et adaptée.
       L’intoxication alimentaire : en effet, les fêtes favorisent l’essor de ce que nous appelons la restauration collective ; ce qui suppose la préparation de mets variés en quantité importantes et souvent par plusieurs personnes. On peut assister à des cas de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC).

Les aliments eux-mêmes peuvent être incriminés (rupture de la chaîne de froid : cas du poisson qui va connaître une putréfaction et le développement de microbes), les aliments peuvent être souillés avant leur préparation, ou de cuisson insuffisante.

Le personnel impliqué dans la préparation des mets est aussi incriminé : non-respect des règles élémentaires comme le lavage des mains pouvant aboutir à une contamination des aliments par des parasites ou des bactéries, les porteurs de germes non contrôlés, les personnes atteintes de panaris (plaie suppurée sur les doigts et contenant des staphylocoques dorés), etc . Lorsqu’un aliment est contaminé et qu’il est partagé par beaucoup de personnes, ils vont présenter les mêmes symptômes d’intoxication à savoir : une diarrhée violente, des vomissements, une déshydratation par perte d’eau et de sels, une perte de connaissance est même possible.

En cas d’intoxication alimentaire, il est conseillé de se rendre immédiatement dans un centre de santé afin de bénéficier d’une prise en charge adéquate pour contrer les conséquences de la déshydratation d’installation rapide en rapport avec la diarrhée et les vomissements.

Quels conseils pour une alimentation saine ?

Manger équilibré : lorsque vous établissez votre menu, plusieurs aliments trop gras sont à consommer avec modération, voire à bannir : les viandes grasses, en particulier la viande de porc, les charcuteries, les amuse-gueules, les cacahuètes, les aliments préparés avec beaucoup de mayonnaise ou de beurre, etc… Ne vous effrayez pas : vous pouvez les remplacer par des aliments tout aussi savoureux et festifs pour remplir les assiettes de vos convives : la salade avec une vinaigrette au citron, le poisson à la braise, la volaille, etc…

Manger et boire lentement en mastiquant correctement vos aliments. De plus, lorsqu’on mange trop vite, on a tendance à manger beaucoup plus et on ingurgite beaucoup d’air (aérophagie). Faites aussi une pause entre chaque plat.
Ne pas mélanger les alcools, en passant par exemple d’un verre de champagne à l’apéritif.Toutefois, il serait convenable de prendre un verre de vin blanc en mangeant le poisson ou un verre de vin rouge en mangeant la viande rouge. Le mélange d’alcool peut engendrer divers troubles et le réveil peut être difficile. Donc, évitez le mélange de différents alcools.

Concernant les mesures d’hygiène : au moment de consommer les mets et avant de préparer le repas, il faut se laver les mains avec du savon, au risque de contaminer les aliments par divers parasites et bactéries. Il faut bien recouvrir les aliments pour éviter leur contamination par certains vecteurs comme les mouches qui peuvent se déposer sur les selles et ensuite sur les aliments. Les ustensiles de cuisine et les plats doivent être lavés au savon. Il faut aussi boire une eau saine et le cas échéant, faire bouillir l’eau ou la désinfecter en y mettant quelques gouttes d’eau de javel (1 goutte/litre d’eau) si nous sommes en milieu rural sans source d’eau potable.

Quelle attitude face à l’alcool pendant la période des fêtes ?

La Côte d’Ivoire est réputée être un pays où la consommation d’alcool et surtout de la bière est très importante. Pendant certaines occasions de réjouissance comme les fêtes de fin d’année, cette forte consommation de bière peut encore doubler. Ces alcools conduisent plus lentement à l’ébriété mais ont des conséquences graves sur la santé avec parfois une atteinte du nerf optique. Nous recommandons beaucoup de prudence à l’ensemble de la population en général et aux jeunes en particulier en cette fin d’année, pour ce qui est de la consommation d’alcool. Le véritable problème se situe au niveau de l’alcoolisme aiguë, chez les buveurs occasionnels qui, à la faveur de la fête, vont consommer une grande quantité d’alcool alors qu’ils n’en ont pas l’habitude. Pour une consommation occasionnelle, on ne devrait pas dépasser 4 verres d’alcool. Toute consommation au-delà de ce seuil expose à des risques pour la santé.



Quels sont les dangers liés à une consommation excessive d’alcool pendant la période des fêtes ?

Le sujet (patient) peut faire un coma alcoolique, coma en cas de consommation massive : taux d’alcool dans le sang supérieur à 3g / litre. Ce sujet est ivre mort. Il aura une amnésie totale de son ivresse. Il est dans un coma profond, avec abolition des réflexes, une température basse, un encombrement des voies aériennes, une baisse de la tension artérielle. Des symptômes plus rares peuvent être associés, notamment des hallucinations, des crises convulsives et délires.

Le coma éthylique peut être responsable de décès chez les alcooliques excessifs.
L’hépatite alcoolique aiguë : C’est une grosse inflammation des cellules du foie du fait de l’alcool. Elle peut aboutit au décès dans 20% des cas.

La pancréatite aiguë : c’est une grosse inflammation du pancréas du fait de l’alcool. Elle se traduit par de vives douleurs à la partie supérieure du ventre, des vomissements et un état de choc.

Une inflammation de l’œsophage du fait de l’alcool qui brûle en descendant, mais aussi du fait des reflux acides.

La gastrite aiguë hémorragique à l’alcool : les vomissements de sang sont fréquents chez l’alcoolique. Cela est lié à une grosse irritation de l’estomac par l’alcool.
Maladies de l’intestin : l’alcool agit sur la motricité, l’absorption et les sécrétions de l’intestin. La diarrhée est rapportée chez 10 à 50 % des malades en particulier en cas de consommation importante de bière.

Autres conséquences : socioprofessionnelles et familiales, neuropsychiatriques (délire et agitation), contamination par le VIH et autres MST du fait de rapports sexuels non protégés sous l’emprise de l’alcool.

Quelles attitudes face à l’alcool pendant les fêtes de fin d’année ?

C’est d’abord la prévention. Notre propos vise justement à faire prendre conscience en ces moments de réjouissance, sur les conséquences immédiates de l’intoxication alcoolique aiguë. Nous recommandons une prudence dans la consommation d’alcool, voire une abstention. Des campagnes de sensibilisation devraient être organisées chaque année à l’approche et même en dehors des fêtes. Le contrôle devrait être renforcé pendant les fêtes par les forces de l’ordre équipées en conséquence (éthylotests, prélèvement de sang), afin de déceler les cas d’intoxication surtout chez les conducteurs de véhicules. Cela permettrait de préserver l’intégrité physique de l’alcoolique et de la population.

Quant à la prise en charge médicale de l’intoxication alcoolique aiguë, l’ivresse banale justifie une mise à l’abri en attendant la diminution spontanée du taux d’alcool dans le sang. Selon l’état d’agitation, des traitements spécifiques pourront être administrés, sous réserve d’une surveillance. Une hospitalisation avec mise en place d’une voie d’abord et administration de vitamines B1 et B6 s’impose en cas de coma avec possibilité de réanimation dans un service spécialisé.

Bonne fête à tous ! Une santé de fer en 2021 à travers une nutrition adéquate et une bonne hygiène de vie !

Réalisée par Marina Kouakou

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