Publié le 2 août, 2021

Malgré les nombreux progrès enregistrés dans le domaine de la médecine, force est de constater que la situation chez les nouveaux nés est à déplorer. À l’échelle mondiale, l’on note que sur 15 000 nouveau-nés 6 700, meurent chaque jour.

Le taux de mortalité infantile en Côte d’Ivoire est encore alarmant ! La majorité de ces cas malheureux intervient dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Dans le cas spécifique de la Côte d’Ivoire, la Banque mondiale révèle que les mortalités néonatales et infantiles qui étaient respectivement de 34 pour mille et 60 pour mille en 2016 sont passées, en 2019 à 33 et 58 pour mille ! « Les causes de ces décès néonataux et infantiles sont liées à la prématurité », a dévoilé le professeur Assé Vincent, chef de service pédiatrie au CHU de Bouaké. Ce vendredi 23 juillet 2021, il était dans les locaux de l’hôpital général de Gagnoa (HGG), pour l’inauguration de l’unité de soins « mère kangourou ».

Selon ce spécialiste en pédiatrie, l’État Ivoirien s’est doté d’un plan de développement sanitaire afin de lutter efficacement contre la mortalité infantile en générale et néonatale en particulier. À l’HGG, les statistiques révèlent une recrudescence des décès néonataux survenus dans le service de pédiatrie. « Au cours de la seule année 2020 l’hôpital général de Gagnoa a enregistré 341 décès dont 198 survenus en pédiatrie, soit 54,%. Devant cet état de fait, une analyse situationnelle a été faite. Celle-ci a mis en évidence, une insuffisance de formation du personnel de pédiatrie dans la prise en charge des pathologies les plus courantes et les plus graves survenant chez les nouveaux nés, nourrissons et enfants. Pour corriger cela, il est apparu nécessaire de renforcer les capacités des agents », a déclaré le docteur Kouakou Adolphe, médecin principal de radiologie, par ailleurs directeur de l’HGG.

    Avantages de la méthode

 Ainsi, depuis le 22 avril dernier, le professeur Assé Vincent a débuté l’encadrement et le coaching des agents de l’hôpital général. « Ce qui a permis de réduire, d’avril à juin les décès néonataux de 23,93% à 11, 53%, comparé à la même période de l’année dernière », se réjouit le radiologue. Ce résultat, faut-il le signaler, est à mettre à l’actif de la méthode « mère kangourou », qui consiste pour la mère du prématuré à porter son bébé sur la poitrine, pour le garder en contact avec le corps de sa mère. Le but de cette méthode est d’améliorer la survie du nouveau-né prématuré. Et cela, à moindre coût. « Les nouveaux prématurés sont gérés avec des incubateurs. Pour le réaliser, il faut une grande technicité qui n’est pas à la portée de la plupart des hôpitaux des pays sous-développés. Le système « mère kangourou » permet au nouveau-né de se réchauffer par la température de la mère. Toute chose qui va limiter les risques de maladies chez l’enfant », atteste le professeur.

Implication du père, …

« On ne doit pas voir l’unité kangourou comme une activité de la maman uniquement. Le père, l’oncle, la tante, peuvent aussi porter le bébé. Cela créé un lien affectif très fort entre le bébé et ses parents », informe Assé Vincent. Dans la salle de soins inaugurée, se trouve Bamba Fanta. Depuis 5 jours, elle a mis au monde des jumeaux prématurés. Couchée sur le lit d’hôpital, elle porte dans sa poitrine l’un des jumeaux, installé dans le « kangourou ». La nourrice est à sa 6e maternité. « C’est la première fois que j’accouche des enfants prématurés. Je me sens bien avec le « kangourou ». L’enfant est bien posé et cela ne me gène pas», se réjouit la mère des jumeaux.

Contact peau à peau

Selon le professeur Assé Vincent, la mère doit porter le bébé dans le « kangourou » durant 8 heures par jour avant de rentrer à la maison. Elle a aussi la possibilité de rester 24h/24 dans l’enceinte de l’unité de soins pour s’occuper de sa progéniture. Le séjour de la mère dans l’unité de soins dépend de l’état du prématuré. Selon que le bébé pèse 800 grammes ou 1400 grammes.

Dr Kouakou Adolphe, médecin principal de Radiologie, directeur de l’Hôpital général de Gagnoa.

Mais la moyenne de temps à passer dans la salle de soins est de 2 semaines, à en croire le spécialiste en pédiatrie. Il ajoute que la méthode « mère kangourou » comporte 4 composantes. À savoir le contact peau à peau précoce, continu et prolongé. L’allaitement maternel exclusif. Une sortie précoce de l’hôpital et un soutien adéquat pour les parents et le bébé, une fois à domicile. Le professeur signale également que cette méthode ne signifie pas la suppression des couveuses pour les prématurés.

« Il y aura toujours des enfants qui auront besoin de couveuses. Surtout les enfants qui sont encore non stables et en situation de détresse », soutient notre interlocuteur. L’hôpital général de Gagnoa est le 8e service de santé qui est doté d’une unité de soins « mère kangourou » en Côte d’Ivoire. Mais parmi les hôpitaux généraux du pays, Gagnoa est le premier à en bénéficier. Signalons que cette unité est composée pour l’instant de trois lits, avec la possibilité d’une augmentation de la capacité d’accueil en fonction de la demande. Le directeur de l’HGG se satisfait de ce que désormais, il n’aura plus à référer ses usagers à Bouaké ou à Abidjan. Il a profité de l’occasion pour exhorter les populations à prendre langue avec l’hôpital général pour toute question de prématurés, car il dispose des agents qualifiés en la matière.

Alain Doua

Ajoutez votre commentaire