La franco-camerounaise Paola Audrey Ndengue est la responsables marketing de la Fondation MTV Shuga.

Publié le 18 janvier, 2021

Depuis 2009, la Fondation MTV Staying Alive, organisation internationale basée à Londres, et engagée contre la propagation du VIH, mène des campagnes de sensibilisation chez les jeunes en Afrique. Après le Kenya, le Nigéria et l’Afrique du Sud, elle a lancé son programme MTV Shuga en Côte d’Ivoire. Dans cette interview qu’elle a accordée à VoixVoie De Femme le 14 janvier 2021, Paola Audrey Ndengue explique les enjeux de l’ action de la Fondation en Côte d’Ivoire et invite à la prise de conscience de la jeunesse ivoirienne.

Avec la Fondation MTV Staying Alive, vous conduisez le programme MTV Shuga en Côte d’Ivoire. En quoi consiste ce programme ?

Il s’agit d’une campagne de sensibilisation faite sous forme de séries télévisées, à l’intention des jeunes de 15 à 24 ans. Cette campagne a commencé au Kenya en 2009, ensuite au Nigéria et en Afrique du Sud et maintenant, depuis l’année dernière, nous sommes en Côte d’Ivoire avec MTV Shuga Babi. C’est la première version francophone.

Pourquoi accentuez-vous maintenant ces campagnes contre le VIH ?

A la Fondation MTV Staying Aline, il n’y a jamais eu de rupture. Nous communiquons sur le VIH-SIDA depuis environs 20 ans. Le nom de notre fondation MTV Staying Alive est assez éloquent: Il signifie en français: rester en vie. Nous sommes toujours dans la lutte parce que, quelles que soient les circonstances, la sensibilisation contre le VIH a toujours été d’actualité.

Mais je suis d’accord avec vous qu’il y a un relâchement au plus haut niveau. Les campagnes sont beaucoup moins agressives.  Il y a eu un relâchement.

Ce relâchement à certainement impacté les comportement…

Oui, dans chaque pays où nous nous rendons, nous mettons en place des sessions de discussion avec les jeunes parce que ce sont eux qui sont au cœur de nos campagnes. Et nous avons besoins de ces échanges avant de faire nos séries. Quand on discute avec eux, on se rend compte qu’il y a des informations que nous pensions déjà acquises, qui ne le sont plus. C’est un signal pour interpeller et recommuniquer à une échelle massive sur le VIH. Parce qu’il y a des acquis qui sont perdus. Il y a encore des mythes qui persistent encore surtout avec internet. Il faut que les autres se joignent à nous pour recommencer à communiquer sur les moyens de lutte et de prévention contre le VIH.

Cela fait déjà un an que vous parcourez la Côte d’Ivoire. Quelle est la situation chez les jeunes ivoiriens ?

Je me réfère aux données de l’ONU-SIDA. L’Afrique de l’Ouest francophone, comparativement à l’Afrique australe, a des données stables.  Par contre, ce sur quoi il faut s’attarder, c’est plutôt sur le taux de détection qui est faible. C’est pour cela que notre première campagne avait pour slogan : ‘‘Connaître son statut’’. Aujourd’hui, grâce à la science, bien qu’on ne puisse toujours pas soigner le SIDA, il est possible d’en atténuer les effets. Pour cela il faut être très rapidement au courant de son statut. Le plus tôt qu’on sait qu’on est contaminé, le plus tôt qu’on peut se procurer les antirétroviraux.

L’un des objectifs de notre campagne, c’est de faire en sorte que les jeunes puissent se tester régulièrement.

Beaucoup de personnes ne connaissent pas leur statut parce qu’ils ne font pas de test de dépistage. Ce qui fait que ceux qui sont contaminés réduisent leur chance d’atténuer la viralité du VIH dans leur organisme. Et d’autre part, ces derniers représentent un danger pour les autres. Le vrai combat, c’est détecter le virus le plus tôt possible. Notre objectif et c’est aussi celui de toutes les organisations de lutte contre le VIH, c’est d’arriver à 90% de personnes séropositives qui connaissent leur statut.Mais nous sommes à moins de 50% de personnes séropositives qui savent qu’elles sont séropositives. Beaucoup de séropositifs ne savent pas qu’elles le sont.

Qu’est-ce qui explique ce fait malgré les campagnes de sensibilisations ?

Il y a un faisceau d’explications que je peux vous donner. Mais ce sont des pistes. Il y a ce relâchement dans les campagnes de sensibilisation.  Avant, les campagnes de sensibilisations étaient plus agressives et c’était très présent dans les esprits. Actuellement, il y a beaucoup moins de campagne de masse. Les gens se croient moins exposés. On parle peu de préservatifs et on voit revenir ces anciens modes des pensées qui reviennent. Notamment toutes ces théories du complot autour du VIH qui reviennent. À savoir que le SIDA  a été constituer pour exterminer les Africains… Ces histoires qu’on n’entendait plus depuis la fin des années 1990, reviennent malheureusement.

Beaucoup ont aussi peur du test de dépistage. Pourtant il n’y a pas à avoir peur de se faire dépister. Très souvent, les gens ne savent pas où aller le faire. Souvent ils ne savent pas qu’il est gratuit. Pourtant c’est tout à fait gratuit. Et c’est confidentiel.

A propos des théories complotistes contre les Africains, certains, pour soutenir cette thèse, invoque le fait que le VIH, qui sévit plus en Afrique, n’ait pas encore de vaccin, alors que le coronavirus, plus agressif dans les pays développés, a pu avoir un vaccin, en moins d’un an…. Quel commentaire cela vous inspire ?

C’est une question très sensible. Mais je veux vous faire remarquer que toutes les pandémies ont eu leur théorie du complot. Ce n’est pas nouveaux. Evidemment aujourd’hui ça va plus vite parce qu’on a des techniques de communication qui permettent de répandre, malheureusement ou heureusement, les idées très vite.  

C’est vrai qu’on ne peut pas nier le fait ces fléaux, comme le VIH SIDA ou le Covid-19, ont des composantes géopolitiques. Parce que, qui dit maladie, dit accès au traitement, prévention. Tout cela implique les laboratoires, les scientifiques, les institutions et cela va au-delà du sanitaire. Mais je ne suis pas habilité à commenter au-delà cela.

Mais sur la question du vaccin contre le coronavirus, je pense que comparaison n’est pas raison. Au début du SIDA, il y a 30 ans, on avait une mobilisation mondiale comme ce qu’on constate maintenant. Mais je pense que le monde a tiré des leçons du VIH.

Les Etats se sont donnés comme délai l’année 2030 pour éradiquer le SIDA dans le monde. Pensez-vous que cela est possible ?

On tend vers cet objectif et on espère pouvoir l’atteindre avec les efforts conjoints. Les efforts des pouvoirs publics, mais également avec la contribution de tous les partenaires de la Côte d’Ivoire dans ce sens. Techniquement, il nous reste neuf ans. C’est ambitieux. La Fondation MTV Staying Alive y travaille aux côtés de la Côte d’Ivoire.

Ténin Bè Ousmane

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