Le coordinateur du PNLHV se dit préoccupé par la prévalence des hépatites en Côte d'Ivoire.

Publié le 21 décembre, 2020

Il est hépato-gastro-entérologue au CHU de Cocody et Directeur coordonnateur du Programme national de lutte contre les hépatites virales, au ministère de la Santé et de l’hygiène publique.  Dans cette interview accordée à VoixVoie De Femme,  le jeudi 17 décembre 2020, le Professeur Allah Kouadio Emile fait l’état des lieux des hépatites virales en Côte d’Ivoire.

Quelles sont les voies de transmission des hépatites ?

Les hépatites virales sont les maladies du foie provoquées par des virus. Ils sont au nombre de cinq. Ces maladies du foie peuvent être aiguës ou chroniques. On les désigne par des lettres de l’alphabet. Ainsi on a le virus de l’hépatite A, le virus de l’hépatite B, C, D et le virus de l’hépatite E.

Ces virus vont infecter principalement le foie. C’est pour cela qu’ils sont viraux. Il y a d’autres virus qui peuvent infecter le foie secondaire, mais qui ne sont pas des hépatites virales.  C’est-à-dire une inflammation du foie provoquée par des virus qui peuvent être aigus ou chroniques.

Les virus A et E se transmettent par voie oro-fécale. Ici le virus est dans les selles du malade. Ce dernier va s’infecter quand il va être en contact avec les selles d’un patient. Une vendeuse d’attiéké par exemple qui a une hépatite A et E qui après ses selles, ne se nettoie pas correctement les mains puis vient servir, le client va ingérer les virus qu’elle avait sur les doigts. Ils vont s’installer dans le foie.

Les hépatites B, C et D se transmettent exactement comme le VIH SIDA. C’est-à-dire par le sang, par les rapports sexuels. C’est pourquoi l’OMS a décrété l’hépatite B une infection sexuellement transmissible au même titre que le VIH SIDA, et la gonococcie. Le virus est présent dans le sperme et les sécrétions vaginales et aussi par la salive. Il y a la transmission mère-enfant. Une mère infectée peut transmettre le virus à son enfant dès la naissance.

Quelles sont les plus dangereuses de ces hépatites ?

Les hépatites B. Vous savez, le sang est le liquide biologique de l’organisme qui contient la plus forte concentration de virus. Donc tous les objets tranchants qui peuvent blesser transmettent des maladies. Une seule goutte de sang versé peut transmettre des millions de virus. Et ce sont des virus très contagieux dix fois plus que celui du Sida. Si vous prenez une goutte de sang de l’hépatite virale B et une goutte de sang du VIH venant au bout d’une semaine, tous les virus du VIH sont morts, ceux de l’hépatite B sont encore présents. Ce sont des virus très contagieux et résistant aux conditions physico-chimique de l’environnement. Mais ces hépatites A et E n’évoluent jamais au-delà de 6 mois. Généralement on en guérit si on ne meurt pas avec une forme grave comme l’hépatite fulminante.

Comment se manifestent ces maladies ?

Les hépatites virales évoluent en deux phases. La phase aiguë ressemble étrangement au paludisme, le malade va se plaindre de fièvre de fatigue. Mal aux articulations. Il aura mal aux muscles. Les yeux peuvent devenir très jaunes, ils peuvent changer de couleur. Très foncé comme du thé et le corps peut gratter. La plupart des patients à ce stade pensent qu’ils ont été infectés par le paludisme alors que c’est le virus qui est rentré dans leur foie. Puis ils iront faire des traitements contre le paludisme. Au bout de quelques semaines le patient va mieux. Il pense qu’il est guéri alors que le virus vit toujours en lui.

Certains virus, A et E évoluer sur six mois et disparaissent d’eux même. Par contre les hépatites B, C, et D peuvent aller au-delà de six 6 mois. Et s’ils persistent dans le foie on parle de l’hépatite chronique. Ce sont des gens qui ont hébergé le virus au-delà de 6 mois. Parce que le système immunitaire n’a pas pu se débarrasser du virus. Et ces hépatites chroniques sont malheureusement silencieuses, on les appelle les tueurs silencieux. Si vous prenez dix personnes qui passent dans la rue, vous les examinée vous allez avoir trois qui ont l’hépatite B. Vous serez surpris de voir qu’ils n’ont aucuns symptômes, d’où l’appellation de tueur silencieux. Il détruit le foie, alors que vous avez une santé apparente. Et le jour ou le silence va être interrompu, le malade sera dans les complications. Que ce soit la cirrhose ou le cancer.

Quelle est la prévalence de ces hépatites en Côte d’Ivoire ?

En ce qui concerne l’hépatite virale B, on a des prévalences entre 8 et 10 %. L’hépatite C, c’est un peu moins. On a entre 2 et 3 % de prévalence. La Côte d’Ivoire est dans une zone d’endémicité virale.

Quelles sont les étapes de la prise en charge sanitaire ?

La prise en charge de l’hépatite virale se fait dans toutes les formations sanitaires. Quand le malade arrive s’il a des symptômes, le médecin le conduit pour des examens, aussi il fait le diagnostic. Après le diagnostic, il va évaluer le patient pour voir s’il peut être éligible à un traitement. Quand le malade a été dépisté, il faut forcément l’évaluer pour voir si on peut lui proposer un traitement de sorte à ce qu’on n’arrive pas à certaines complications que je viens de citer. Soit, il n’a pas besoin de traitement parce que c’est une maladie de précision immunitaire. Quand l’hépatite n’est pas active on peut surveiller le malade et espérer qu’un matin le système immunitaire se débarrasse du virus et que le malade obtienne la guérison. L’hépatite est une maladie qui est hominisantes. Dès que vous l’avez faite vous ne pouvez plus la refaire ça veut dire vous êtes vaccinée. C’est comme la rougeole et la varicelle. Mais ceux qui ne l’ont jamais fait doivent se faire dépister.

Les malades se plaignent très souvent du coût onéreux du traitement. Qu’est ce qui explique cela ?

 Les médicaments sont coûteux parce que ce n’est pas nous qui les fabriquons. Ceux qui les fabriquent veulent en tirer profit. Parfois ils font 10 ans ou 20 années de recherche. Quand le médicament sort celui qui à investir pour la production du médicament veut en bénéficier. Les lois protègent le brevet. Puis après l’expiration du brevet, on dit que les médicaments passent dans le domaine public. Il peut être générique et quand il est générique les prix baissent. Mais ce que nous avons constaté, c’est que le générique des médicaments de l’hépatite virale C, par exemple ce que nous utilisons en Côte d’Ivoire sont encore un peu chers. Aujourd’hui pour traiter l’hépatite virale C en Côte d’Ivoire, il faut entre 300 000 FCFA et 400 000 CFA pour les trois mois de traitements.  Heureusement qu’on en guérir. Pour l’hépatite B qui fonctionne comme le VIH SIDA, les traitements sont encore plus longs. Ce sont des traitements qu’on donne pratiquement à vie. Au début la boite de Penepholie faisait 360 000 FCFA pour le traitement mensuel. Vous imaginez. Grâce aux autorisations nous avons pu réduire le coût du traitement. 

Mais ces prix ne sont liés à l’efficacité, de la molécule. Au départ, lorsque les premiers médicaments sont sortis, ils coûtaient chers. Pour traiter une hépatite virale C, il fallait dépenser au moins 7 600 000 F CFA. Parce qu’il y avait deux traitements.  Il y avait un traitement par voie injectable qu’on appelle un interféron B. associé à un médicament en comprimé qu’on appelait la ribavirine. Donc les millions c’était à une certaine époque aujourd’hui les prix ont baissé avec des médicaments plus efficaces et mieux tolérés.

Les pouvoirs publics ne contribuent-ils pas par des subventions ?

Nous avons pu signer une convention avec un partenaire public et privé que nous appelons (PPP) qui va nous aider à aller de l’avant dans cette lutte.

Dans ce partenariat, il est question justement de renforcer la sensibilisation, d’avoir vraiment un plan de communication à l’échelle nationale. Dans ce protocole d’accord en dehors du volet sensibilisation on a un volet dépistage. Le problème c’est l’accessibilité au dépistage parce qu’il coûte encore cher. Aujourd’hui pour faire le dépistage de l’hépatite B, il faut sortir 21 000 FCFA.  Il y a trois tests dont un test qui fait 7 000 FCFA, alors le test pour le VIH est gratuit. Celui de l’hépatite B n’est pas encore là. Ce sont des prélèvements sanguins que nous faisons au laboratoire. Après on va chercher ces résultats. 21 000 FCFA par personne si vous êtes dix dans une maison et que vous voulez connaître votre statut, ça va vous faire 210 000 FCFA. C’est encore excessif. Donc il est important de faire baisser le prix du dépistage. Le dépistage ne doit plus couter chère.

Deuxièmement, si nous avons augmenté les notes de dépistages ça veut dire que nous allons avoir des malades. Soit on est malade, soit on ne l’est pas. Si on est malade effectivement, il faut prendre les médicaments. A ce niveau aussi le protocole prévoit des médicaments qui vont être à la disposition des personnes infectées. Celles qui ne sont pas malades, il faut qu’on leur propose la vaccination. Cette vaccination dépend de l’Institut national de l’hygiène publique, chargée de la vaccination des adultes contre l’hépatite B. celles des enfants sont prises en charge par le programme de la géo-vaccination.

Quelles sont les difficultés récurrentes dans le système sanitaire ?

Les difficultés comme je vous le disais c’est une maladie de santé publique. Malheureusement on n’a pas encore une véritable mobilisation de santé communautaire. Lorsque nous voulons utiliser des espaces pour atteindre le grand public, une communauté, une communication à l’échelle nationale, il faut payer de l’argent. Les passages télé, radio, les affiches et les spots ont tous un coût. Et ce sont des ressources qui nous manquent pour pouvoir monter en puissance afin de faire ce travail de sensibilisation.

Lorsque l’hépatite ne sera plus une maladie de l’ignorance, on aura avancé dans le combat. Nous lançons un appel à nos confrères de la banque de sang. Pour leur faire comprendre que, si nous voulons avoir beaucoup de sang disponible et sécurisé, il faut que nous luttions contre certaines pathologies transmissibles. Tel que le VIH SIDA, les hépatites virales B, C et la syphilis. En Côte d’Ivoire Dieu merci toutes les poches de sang dépistées systématiquement pour ces quatre agents pathogènes. Et c’est lorsque ces 4 agents pathogènes ne sont pas retrouvés qu’on estime que la poche est apte à être utilisée. Mais dès lors qu’un de ces agents pathogènes est positif, on détruit la poche. Ça veut dire que pour être donneur de sang il faut être en bonne santé. Pour être en bonne santé il faut éviter certains comportements à risque. Des gens matin, midi, soir sont dans des relations sexuelles non protégées. Des comportements à risques ; Vous êtes un injecteur de drogues ou bien vous êtes une femme qui fait de la prostitution. Toutes ces personnes qui ont un comportement à risque sont dans notre population. Ce sont des potentiels donneurs de sang. Mais si jamais il arrive qu’ils soient infectés et qu’ils viennent donner leur sang, leur poche ne pourra pas être disponible. On soigne l’hépatite B, on a un vaccin qui est très efficace en trois doses on n’a pas besoin de rappel on est immunisé.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Nous lançons un appel à toute la population pour se mobiliser autour de la question des hépatites virales. La communication, les hommes politiques, les médecins, les chercheurs, les scientifiques tous ensemble nous devons trouver des solutions pour lutter contre les hépatites virales.

Interview réalisée par Marina Kouakou

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