La consommation de peau et de pattes de bœufs fait partie des habitudes alimentaires des Ivoiriens. Avant de finir dans les assiettes, cette protéine animale subit bien d’assauts qui ne rassurent pas.

Nous sommes au grand marché d’Abobo, ce mardi 11 mars 2021. Il est 10 heures. Ici, à une dizaine de mètres de la boucherie, on ne traite que les pattes de bœufs. Fousseni, un boucher qui a fait du séchage de cette partie de la viande de bœuf sa spécialité, est au four et au moulin. Devant la fumée qui s’échappe de son grand fourneau, l’homme ouvre ses cartons, y sort les pattes de bœufs encore frais et tachées de boue. Il les expose ensuite, sans les laver, sur ce fourneau artisanal alimenté par du charbon de bois. Un quart d’heure plus tard, il les enlève. C’est maintenant qu’il les jette à l’eau !

Elles sont trempées dans une eau grisâtre dont l’odeur est détectable sur un rayon de 50 mètres. « Cette eau sert à laver toutes pattes que nous braisons. On n’a pas  besoin de la changer », confie Moussa, le fils de Fousseni. C’est lui qui est chargé du lavage. « C’est la dernière étape. Après le lavage, nous les envoyons pour être vendu », confie Fousséni.

A Adjamé, au marché Gouro, la boucherie propose aussi ces pattes de bœuf très prisées. Mais ici également, le produit est fumé de la même manière. Sauf que les bouchers qui s’en chargent utilisent le gaz. Pas le charbon de bois comme à Abobo. L’environnement insalubre et la mauvaise qualité de l’eau qui sert à laver les produits finis appellent… la nausée. « Cette eau a servi à laver plus de 400 pâtes de bœuf. C’est normal qu’elle ne soit pas propre », se défend Mariam, chargée de l’entretien de ces pattes de bœuf braisées.

Au marchés Gouro, l’entretien de ces pattes de bœufs est une affaire de femmes. Un groupe de femme en a fait sa spécialité. « Ici, c’est nous qui fumons les pattes de bœuf », explique Rachelle. Avec sa sœur Nadège, cette mère de famille explique qu’elles ne se limitent qu’au fumage. D’autres femmes se chargent de laver les pattes déjà fumées. Elles reçoivent une cinquantaine de cartons par jour.

« Quand on finit de fumer, ceux qui nous les envoient trouvent d’autres personnes pour les laver », explique Rachelle.

A Abidjan, la demande est forte. De sorte que les cartons en provenance de l’abattoir de Port-Bouët, le plus grand du pays, ne suffisent pas à approvisionner le marché local. Selon Fousséni D, la capitale économique reçoit plusieurs centaines de cartons de l’intérieur du pays, notamment Bouaké, Korhogo ou Ferké.

« Lorsqu’on fume aujourd’hui, on vend les pattes de bœuf sur une semaine », explique Fousseni.

A ces pattes de bœuf, faut-il ajouter les peaux de l’herbivore qui sont également très prisées en Côte d’Ivoire. Communément appelé Kplo, les peaux de bœufs qui viennent de l’abattoir de Port-Bouët et des villes de l’intérieur du pays subissent également un traitement qui laisse à désirer. Contrairement aux pattes de bœufs qui viennent plus frais, ces peaux de bœufs sèches sont souvent desséchées sur des sites de traitement artisanaux. Et ce sont de vieux pneus ou du caoutchouc brûlé qui sont utilisés pour l’office.

Pourtant, les spécialistes relèvent que la présence d’agents chimiques dangereux comme le soufre, le noir de carbone, la silice, les huiles et bien d’autres toxines dangereux pour la santé humaine.

L’Environnemental protection agency (EPA), relève que le pneu dégage la même énergie que le pétrole et 25 % plus que le charbon. De même, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe l »industrie du caoutchouc dans le groupe 1, comportant des expositions qui sont reconnues comme cancérigènes avérées ou possibles selon les produits chimiques concernés.

Les habitudes alimentaires des Ivoiriens en ce qui concerne les pattes de bœufs et le pklo sont devenues une tradition ivoirienne. Mais les conditions de traitement de ces denrées sont bien loin de rassurer le consommateur.

Audrey Apie et Mamadou Sanago ( stagiaires)

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