Publié le 10 mai, 2021

Le tatouage féminin est une pratique traditionnelle ancestrale encore bien conservée chez les kroumen dans la région de San Pedro. A San Perdo, le patriarche Daniel Gba, explique les contours de cette pratique.

Le « Mlin » ou encore le « Lalé » (en kroumen), met en lumière toute l’identité de la femme tant lors des événements de deuils que de réjouissances comme la dot.

« C’est le symbole de la purification pour conjurer le mauvais sort dans un moment de malheur tel que le deuil ou un gage de consécration pour un pacte sacré, c’est-à-dire le mariage traditionnel », explique le patriarche Daniel Gba. « L’application dépend en grande partie de l’inspiration de celle qui en est chargée », explique-t-il.

La composition de la mixture servant au tatouage traditionnel féminin est obtenu à partir du mélange de deux compositions : la feuille d’une espèce d’arbre que l’on pile pour en extraire le jus et les fruits de ce même arbre qui après avoir été séchés sont bouillis pour en recueillir la solution.

« C’est un arbuste herbacé qui produit des fruits sous forme de poires, ses pédoncules servent de stylets pour le tatouage. Pour obtenir une teinture noirâtre et éclatante, les fruits sont cuits sur du feu ardent, mis en fermentation avec des substances riches en colorants. La composition obtenue est mélangée avec le jus des feuilles du même arbuste, pilées et pressée, le tout mixé dans une écuelle ou un mortier de taille moyenne », explique-t-il. C’est à l’aide de cette mixture à l’éclat chatoyant et obtenue avec le mélange de ces deux compositions que l’on forme dans un langage scriptural du peuple kroumen, des frises, des jets de gouttes ou des coulées sur le corps de la femme selon les circonstances.

Ces tatouages indélébiles malgré le lavage quotidien, peuvent demeurer sur le corps de la femme pendant deux semaines au moins avant de disparaître progressivement.

Cette application se fait selon l’inspiration des « tatoueuses » et en fonction des évènements. Avant l’application de ces marques corporelles, il est possible de recouvrir de cendre les parties du corps sur lesquelles s’appliqueront celles-ci. Ces tatouages, essentiellement et principalement fait de frises, de jets de gouttes et de coulées sont variants selon l’expression scripturale kroumen du motif de son application, soit pour chasser les mauvais esprits, soit pour célébrer des moments de joie.

Parallèles ou obliques, verticaux ou horizontaux parfois même circulaires, les traits peuvent avoir des formes et styles variés. Toutefois leurs applications diffèrent selon qu’il s’agisse d’un événement de réjouissance ou de deuil. Lors d’un événement heureux, l’application des frises se fait à l’aide des pédoncules des feuilles de cet arbre et admet des designs. Mais quand il s’agit d’événement malheureux tel que le deuil, il n’y a pas de design. Dans ce cas, l’on applique des jets de gouttes et des coulées de cette composition à partir de la tête jusqu’aux pieds en passant par le tronc afin de conjurer le mauvais sort.

Jean-Baptiste Kouadio à San Pedro

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